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2011: des transitions mouvementées en Afrique

Le 5 décembre, Laurent Gbagbo apparaît à la Cour pénale internationale (CPI), où il devient le premier ancien chef d'Etat à comparaître. Capturé le 11 avril par des partisans de son rival à l'élection présidentielle Alassane Ouattara, il est passé en quel

Le 5 décembre, Laurent Gbagbo apparaît à la Cour pénale internationale (CPI), où il devient le premier ancien chef d'Etat à comparaître. Capturé le 11 avril par des partisans de son rival à l'élection présidentielle Alassane Ouattara, il est passé en quel - -

par Bertrand Boucey PARIS (Reuters) - Le 5 décembre, Laurent Gbagbo devient le premier ex-chef d'Etat à comparaître devant la Cour pénale...

par Bertrand Boucey

PARIS (Reuters) - Le 5 décembre, Laurent Gbagbo devient le premier ex-chef d'Etat à comparaître devant la Cour pénale internationale (CPI). Capturé le 11 avril par les partisans d'Alassane Ouattara appuyés par les soldats français de la force Licorne au terme de deux semaines de bataille dans les rues d'Abidjan, l'ancien président ivoirien a été remis à la justice internationale pour y répondre de crimes contre l'humanité lors des violences consécutives à l'élection présidentielle de fin 2010 en Côte d'Ivoire.

"Les dirigeants politiques doivent comprendre que désormais, il n'est plus possible de recourir à la violence pour accéder au pouvoir ou s'y maintenir. Nul ne peut plus échapper à la justice pour ces crimes-là", prévient alors le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo.

Durant plus de quatre mois, l'impasse a été totale en Côte d'Ivoire. Du second tour de scrutin à sa capture dans sa résidence transformée en camp retranché, Laurent Gbagbo tient tête à tout le monde. A la commission électorale indépendante d'abord, dont les résultats, certifiés par l'Onu, donnent Alassane Ouattara vainqueur d'une présidentielle censée réunifier un pays coupé en deux depuis la guerre civile de 2002-2003. A la communauté internationale ensuite, qui, de l'Onu à l'Union africaine en passant par les Etats-Unis et l'Union européenne, l'exhorte à céder le pouvoir en alternant menaces sans effet et vaines médiations.

Pendant ce temps, les violences se multiplient. Elles feront au moins 3.000 morts.

A Abidjan, où Alassane Ouattara vit reclus à l'hôtel du Golf sous la protection des casques bleus, certains quartiers sont attaqués en raison de leur couleur politique ou ethnique et des centaines de milliers d'habitants fuient la métropole.

Fin mars, tout s'accélère. Basés dans le nord du pays, les ex-rebelles des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), qui soutiennent Alassane Ouattara, passent à l'offensive. Leur progression est fulgurante et accompagnée d'accusations de massacres ethniques. Yamoussoukro, la capitale, tombe sans combattre et, en trois jours, les FRCI se retrouvent aux portes d'Abidjan.

Simultanément, le Conseil de sécurité de l'Onu adopte la résolution 1975 qui "autorise tous les moyens nécessaires (...) pour empêcher l'utilisation d'armes lourdes contre la population civile". Forts de ce mandat, les hélicoptères français de la force Licorne et ceux de l'Onu entrent en action. Ils bombardent l'arsenal de Laurent Gbagbo. Ce dernier engage des négociations mais profite de la trêve pour contre-attaquer. Finalement, le 11 avril, une colonne de blindés français approche de sa résidence, dans laquelle pénètrent les FRCI pour aller capturer le président sortant et ses proches. Quelques instants plus tard, Alassane Ouattara intervient à la télévision pour prôner la réconciliation.

Ce voeu est encore loin d'être réalisé dans un pays marqué par plus de dix ans d'instabilité, de divisions et de tensions entre communautés. Le parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien, boycotte ainsi les élections législatives du 11 décembre dernier, largement remportées par le camp d'Alassane Ouattara, et dénonce une "justice des vainqueurs".

Laurent Gbagbo, lui, continue de se présenter en victime d'un coup d'Etat fomenté par la France, l'ancienne puissance coloniale. "J'ai été arrêté sous les bombes françaises", dit-il lors de sa première comparution devant la CPI. "C'est l'armée française qui a fait le travail."

LE SPECTRE DE LA GUERRE RESSURGIT À KINSHASA

Un scénario à l'ivoirienne. Telle est la crainte née de l'élection présidentielle du 28 novembre en République démocratique du Congo, où deux hommes revendiquent la victoire dans un pays toujours marqué par les conséquences de cinq ans de guerre civile (1998-2003) accompagnée de millions de morts.

A la différence de la situation en Côte d'Ivoire, la communauté internationale se garde bien cette fois de se prononcer sur l'équité du scrutin et de prendre parti entre Joseph Kabila, chef de l'Etat sortant déclaré vainqueur par la commission électorale, et Etienne Tshisekedi, le "sphinx de Limete", qui rejette ces résultats et se proclame "président élu".

De violents incidents ont éclaté à Kinshasa après l'annonce des résultats officiels. Des ONG telles International Crisis Group s'alarment de voir cette "crise politique (.) replonger le pays dans la violence".

SOUDAN DU SUD, LE DERNIER-NÉ

L'Afrique compte depuis le 9 juillet un nouveau pays, le 54e. Ce jour-là, le Soudan du Sud naît de sa partition du Soudan, jusqu'alors le plus vaste pays du continent africain, et devient peu après le 193e Etat reconnu par les Nations unies.

Cette indépendance parachève un processus lancé en janvier 2005 avec la signature d'un accord entre les séparatistes sud-soudanais et le gouvernement de Khartoum. Après des décennies de guerre civile et des millions de morts, de blessés et de déplacés, les deux parties s'accordent alors sur la tenue d'un référendum d'autodétermination dans le Sud. La consultation a lieu en janvier 2011 et son résultat est sans appel: à 98,83%, les Sud-Soudanais choisissent l'indépendance.

Si le gouvernement de Khartoum a accepté ce choix, la situation est loin d'être apaisée. Depuis juin, des combats font rage entre les forces soudanaises et des rebelles proches du Sud dans des territoires riches en pétrole longeant une frontière mal définie, notamment dans les Etats soudanais du Kordofan du Sud et du Nil bleu et dans la région contestée d'Abyei. L'Onu fait état de dizaines de milliers de civils déplacés par ces violences.

Dans un rapport, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a évoqué de possibles violations des droits de l'homme de la part de l'armée soudanaise, qui pourraient s'apparenter à des crimes de guerre.

LES SOMALIENS ENTRE GUERRE ET FAMINE

Depuis le début des années 1990, la Somalie n'a d'Etat que le nom. Des combattants islamistes soupçonnés de liens avec Al Qaïda, les Chabaab, contrôlent des pans entiers de son territoire, notamment dans le centre et le sud du pays, et tentent d'y imposer la loi islamique, la charia.

Inquiets des risques de débordements du conflit sur son sol, le Kenya se décide en octobre à intervenir militairement chez son voisin. Avec notamment son aviation, l'armée kenyane appuie les forces du gouvernement fédéral de transition installé à Mogadiscio. En novembre, l'Ethiopie annonce à son tour l'envoi de troupes en Somalie pour combattre les Chabaab.

Déjà prises au piège d'un conflit aux allures régionales, les populations du centre et du sud de la Somalie sont en outre frappées par une famine due à des années de sécheresse. Malgré les risques, des dizaines de milliers de personnes tentent de fuir les combats et la faim pour rejoindre des camps en Somalie ou dans les pays voisins.

"Chaque jour, nos équipes sur le terrain me font le récit effroyable de réfugiés somaliens marchant des semaines durant dans l'espoir de trouver de l'aide au Kenya ou en Ethiopie", s'alarme le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, en juillet. "De l'intérieur de la Somalie nous parviennent d'autres récits tragiques de familles qui ont vu leurs enfants mourir l'un après l'autre."

L'Onu avance à cette date le chiffre de 11 millions de personnes "dans une situation désespérée" dans l'ensemble de la Corne de l'Afrique. Elle réclame 1,6 milliard de dollars pour "sauver les populations en danger".

Fin novembre pourtant, les Chabaab ordonnent à plusieurs organisations onusiennes de quitter les territoires sous leur contrôle au motif qu'elles "dressent de façon permanente les populations contre l'établissement complet de la charia".

édité par Henri-Pierre André