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Crédit immobilier: 45% des dossiers chez les courtiers ne passent plus avec le taux d'usure

La hausse des taux nominaux laisse peu de marge de manoeuvre aux emprunteurs. Certains acheteurs sont contraints de faire une croix sur leur crédit immobilier.

Un dossier sur deux. C'est le taux, approximativement (45% pour être exact) de rejet des demandes de crédit immobilier (passant par des intermédiaires comme les courtiers), selon un sondage de l'Association Française des Intermédiaires en Bancassurance (AFIB). La faute à la remontée des taux nominaux bancaires, qui tournent aujourd'hui autour des 1,85% en moyenne sur 20 ans. Et à l'étau qu'ils forment, de plus en plus enserré, avec le taux d'usure.

Ce dernier est le montant maximal, fixé et actualisé par la Banque de France tous les trimestres, auquel les établissements bancaires ont le droit de prêter. Il est aujourd'hui à 2,57% pour les durées de 20 ans ou plus et prend en compte les frais annexes ainsi que les assurances du futur prêt.

La marge de manoeuvre des emprunteurs est donc fortement amputée par la hausse des taux nominaux, et le crédit se grippe. Si la production de crédits immobiliers était en hausse pour les cinq premiers mois de l'année, elle recule par rapport à 2021 depuis juin: 19,2 milliards d'euros de crédits ont été accordés sur le mois en 2022, contre 21,3 l'année dernière. En juillet, on passe à 18,5 millards d'euros contre 20,3 milliards en 2021, selon les prévisions de la Banque de France.

Concrètement, de nombreux foyers n'ont plus les coudées franches pour emprunter.

"Il y a des emprunteurs qui auraient emprunté il y a 6 mois, et qui ne peuvent plus. Des couples avec des CDI et des apports, à qui on est obligé de dire de revenir plus tard, car le robinet du crédit est quasiment fermé", souligne Sandrine Allonier, directrice des études de VousFinancer.

Les courtiers souffrent

Un certain nombre de banques ne jouent même plus le jeu, sachant pertinemment que les dossiers seront trop fragiles au vu du niveau trop peu élevé du taux d'usure par rapport au taux nominal. Le crédit immobilier est historiquement un segment à faible rendement, et la situation s'est aggravée ces derniers mois. Un établissement propose ainsi un taux de 2,2%, peu importe le profil de l'emprunteur. D'autres refusent simplement de prêter, invoquant parfois des difficultés de personnel durant l'été - qui devraient par nature se résoudre en septembre.

Les courtiers, outre les ménages, sont les premières victimes de ce resserrement brutal. Certains ont perdu la moitié, voire les deux-tiers de leurs partenaires bancaires traditionnels. Ils multiplient les stratagèmes pour maintenir leur volume d'affaires:

"On peut jouer sur les assurances, sur les frais de dossier, appuie Sandrine Allonier. Mais parfois, nous devons baisser nos honoraires pour permettre l’emprunt, ce qui n'est pas une solution pérenne".

Relèvement en octobre

Le taux d'usure devrait être relevé au 1er octobre pour donner de l'air à l'industrie. Mais les banques ayant fixé leurs objectifs pour l'année pourraient encore attendre. Surtout, l'inflation se maintient à un haut niveau et fait craindre une remontée plus importante des taux nominaux.

Certains plaident donc pour une refonte du système du taux d'usure, comme Wilfrid Galand, directeur et stratégiste chez Montpensier Finance:

"On a bloqué en France le signal-prix, le taux d’usure lui met un cap en excluant certains emprunteurs, pour qui il n'y a pas de marché. A l'inverse, la Finlande ou le Royaume-Uni n’ont pas de taux d’usure, et les Pays-Bas calculent à 21% au-dessus du taux Euribor."

En attendant, la faiblesse de la demande ne permet même pas la baisse des prix, alors qu'un nombre important de biens reviennent sur le marché.

Valentin Grille, avec Marie Coeurderoy