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Prêt immobilier: qui va le plus perdre avec la future limitation du PTZ?

L'exécutif veut limiter les prêts à taux zéro en le recentrant sur les grandes villes et les zones les plus tendues. Ce qui se fera mécaniquement au détriment des ménages modestes habitant en périphérie.

Le PTZ est prolongé jusqu'en 2027… mais pas pour tout le monde. A l'issue du Conseil national de la refondation (CNR) consacré au logement, le gouvernement a détaillé les mesures qu'il souhaitait prendre pour faire face à la crise du logement. Et sur le prêt à taux zéro (le PTZ), cela risque d'être la douche froide pour de nombreux ménages modestes.

En effet, si le PTZ doit être prolongé jusqu'en 2027 (il devait initialement se terminer fin 2023), il sera "dorénavant ciblé pour l’acquisition d’un logement neuf en zone tendue au sein d’une opération de logements collectifs ou bien pour l’acquisition d’un logement ancien en zone détendue sous condition de réalisation de travaux de rénovation", précise Matignon dans un dossier de presse. A priori, ces nouvelles règles devraient s'appliquer à compter du 1er janvier 2024. Autrement dit, ceux qui rêvent de faire construire leur maison avec cette aide n'ont plus que quelques mois pour le faire.

L'exécutif n'a en revanche pas indiqué si d'autres modalités du PTZ allaient changer. Aujourd'hui, le PTZ est réservé aux ménages répondant à des conditions de revenus qui varient en fonction de leur zone d'habitation. Par exemple, pour un couple sans enfant, il ne faut pas dépasser (pour un achat dans le neuf) 51.800 euros de revenu fiscal de référence pour les zones A bis et A ou encore 42.000 euros en zone B1 (tous les plafonds sont détaillés sur cette page du site service-public.fr).

Jusqu'à 40% du coût de l'opération

Par ailleurs, le PTZ peut représenter au maximum 40% du coût total de l'opération à financer (le prix d'achat auquel on ajoute les éventuels travaux et la commission à verser à un agent immobilier). Ensuite, vous ne remboursez rien pendant une certaine durée (5, 10 ou 15 ans), qui est déterminée en fonction de plusieurs critères dont les revenus. Le prêt est étalé sur 20 ou 25 ans selon les cas.

Mais à qui profite le plus prêt à taux zéro aujourd'hui? Pour le savoir, BFM Immo s'est plongé dans les dernières données officielles, en compilant les publications trimestrielles de la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS). Sur l'ensemble de l'année 2022, on constate que 63.962 prêts à taux zéro ont été accordés. Dans plus de 78% des cas, cela concernait des projets dans le neuf. Le PTZ est donc essentiellement un coup de pouce pour les ménages qui font construire leur logement ou achètent un appartement sur plan.

Sur l'ensemble des PTZ (ancien comme neuf), plus de la moitié (51%) sont octroyés à des ménages qui font construire leur maison individuelle, soit 32.943 dossiers. Avec les nouvelles limitations à venir sur le PTZ, ce sont donc près de 33.000 ménages qui n'auront plus accès à cette aide. Or, c'est considérable par rapport au marché de la maison individuelle, comme nous l'indiquions déjà dans cet article. Cela représente un tiers du marché des maisons neuves. Ce qui n'a pas manqué de faire bondir la Fédération française des constructeurs de maisons individuelles.

"Le gouvernement par ces annonces souhaite la mort du secteur de la construction neuve et des milliers d’entreprises qui au quotidien participent à la création de lieux de vie pour nos concitoyens", avait fustigé dans un communiqué la fédération.

Des ménages modestes en zones rurales et périphériques

Il est aussi intéressant de regarder où les logements neufs sont construits avec l'aide du PTZ. Sur les 50.214 dossiers dans le neuf, on en dénombre 17.674 en zone C (soit 35,2%), 8.289 en zone B2 (soit 16,5%), 12.529 en zone B1 (soit 25%) et enfin 11.722 en zone A (23,3%). Le ministère du Logement indique à BFM Immo que les zones tendues seront les zones A (et A bis) et B1. Le recentrage du PTZ sur ces zones, cela veut dire qu'un peu plus de la moitié des projets de constructions neuves ne pourront plus aboutir avec le PTZ.

On comprend donc que ce sont essentiellement des ménages qui faisaient construire leur maison dans des zones rurales ou faiblement tendues qui seront les premières victimes du resserrement du PTZ à venir. Toutefois, les détails du futur PTZ ne sont pas encore totalement arrêtés.

C'est en tout cas ce que veut croire Mickael Nogal, ancien député LREM et co-animateur du CNR logement. "Ce sont des critères qui peuvent bouger", a-t-il assuré sur BFM Business.

Assez logiquement, si on regarde le profil des emprunteurs, ce sont en tout cas avant tout des ménages modestes qui seront exclus de l'accès la propriété. Sur le seul quatrième trimestre 2022 (le bilan annuel n'ayant pas encore été publié), le montant moyen des opérations financées avec l'aide du PTZ dans le neuf était de 241.993 euros (contre 223.495 euros pour l'ensemble des PTZ, y compris l'ancien) pour un montant moyen de PTZ de 53.933 euros (contre 51.828 euros pour l'ensemble des opérations en PTZ, y compris dans l'ancien). Autrement dit, dans le neuf, le PTZ représente 22% du coût du projet.

Ce sont également des ménages plutôt jeunes puisque 70,2% des dossiers de l'ensemble des prêts à taux zéro ont été octroyés à des ménages de 26 à 45 ans (dont 48% de 26 à 35 ans), au cours du dernier trimestre 2022. A partir de 2024, sans ce coup de pouce, ces ménages auront certainement bien du mal à boucler leur projet immobilier et devront vraisemblablement rester en location, surtout avec l'envolée des taux qui se poursuit.

https://twitter.com/jl_delloro Jean-Louis Dell'Oro Rédacteur en chef adjoint BFM Éco