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L'ancien qui se grippe et le neuf qui s'écroule: un vent de panique souffle sur le marché immobilier

Les premières mesures, extrêmement attendues, du CNR logement ont été dévoilées. Et elles ont déçu le monde de l'immobilier. Les professionnels alertent depuis de nombreux mois des difficultés, aussi bien dans l'ancien que dans le neuf.

Rien ne va plus sur le marché immobilier et, à en croire les professionnels, les mesures annoncées par le gouvernement ne risquent pas d'arranger les choses. Voilà plusieurs mois que les experts du secteur alertent sur les difficultés rencontrées, que ce soit aussi bien dans le neuf que dans l'ancien. Mais que se passe-t-il? Explications.

Le problème de l'accès au crédit

Tout d'abord, la problématique du crédit immobilier. Ils ont augmenté très rapidement avec l'inflation. Si la mensualisation du taux d'usure permet de donner un léger souffle d'air, elle entraîne également une hausse importante des taux. Il est à 4,68% actuellement contre 3,57% en janvier. Ainsi les derniers chiffres de l'Observatoire Crédit Logement CSA, du mois de mai, montrent que le taux moyen des crédits seuls atteignait 3,28% toutes durées confondues. Dans le détail, le taux à 15 ans ressortait à 3,15%, celui à 20 ans à 3,38% et celui à 25 ans à 3,52%. En décembre dernier, le taux moyen était de 2,35%.

A côté de cela, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, déclarait mi-mai sur BFMTV et RMC qu'il n'était pas question de pousser davantage le curseur sur le taux d'endettement des ménages. "On a parfaitement conscience de la gravité de la situation sur le logement. Et nous apporterons des solutions. Les 35% de niveau d'endettement maximal ne bougeront pas".

Pour rappel, depuis le 1er janvier 2022, les recommandations du haut Conseil de stabilité financière (HCSF) sont devenues contraignantes. Dans le détail, ces obligations sont la durée des prêts qui est limitée à 25 ans, sauf dans certains cas où elle peut atteindre 27 ans (avec deux ans de différé d'amortissement). Le taux d'endettement est limité à 35% des revenus (assurance incluse). Les banques peuvent déroger à ses règles pour 20% de leur production de crédits par trimestre. Mais 80% de cette flexibilité doit concerner les personnes qui achètent leur résidence principale. Par ailleurs, 30% de cette flexibilité doit aussi être réservée aux primo-accédants. "Ce que je ne veux pas, (c'est) régler la crise du logement en endettant massivement les Français et de manière déraisonnable. Cela créerait de l'instabilité et des risques financiers, c'est une mauvaise option", a justifié Bruno Le Maire

Mais concrètement, des taux qui montent, c'est un budget plus petit avec la même mensualité de crédit. Les acheteurs ont donc de moins en moins de budget, alors qu'en face les prix immobiliers ont à peine commencé à reculer.

Une baisse des prix qui se fait attendre

Sur BFM Business, le patron de Century 21 Charles Marinakis estimait en janvier dernier qu'il faudrait que les prix baissent de 10 à 12% "pour compenser mathématiquement la hausse des taux" de ces derniers mois. Or nous n'y sommes pas encore. Par rapport au quatrième trimestre 2022, les prix ont baissé de 0,2%, selon l'indice notaires-Insee qui fait référence. Sur un an, les prix ont augmenté de 2,7%, une très nette décélération par rapport à fin 2022 (4,6%), notamment portée par les maisons. Celles-ci continuent de progresser plus vite que les appartements (+3,1% contre +2,2%), comme c'est le cas depuis 2020, mais l'écart se comble rapidement par rapport aux trimestres précédents.

Les prix sur un an sont désormais en baisse en Ile-de-France (-0,6%), alors qu'ils progressent encore en province (+3,9%) malgré une décélération prononcée. Le nombre de transactions sur 12 mois est estimé à 1,07 million, en net recul par rapport au trimestre précédent (1,12 million) mais toujours très au-dessus de la moyenne historique.

Le marché du neuf en panne

Dans le même temps, le marché du neuf montre de vrais signes de faiblesse. Le pôle habitat de la Fédération française du bâtiment (FFB) dévoilait fin février que la chute de 31% des ventes brutes de maisons neuves en secteur diffus (contraire des lotissements), qui plongent même à 38% au quatrième trimestre 2022, constituait "le pire exercice des seize dernières années". L'habitat individuel groupé "s'écroule de 22,2%, à 6.100 ventes, pire millésime des 22 dernières années", tandis que les ventes de logement collectif (immeubles, appartements), avec -14% dont -30% au dernier trimestre, "reculent au niveau de 2020, marquée par les confinements dû au Covid-19". Tous secteurs confondus, "71.000 logements neufs ont été perdus en l'espace d'une année", estime cet organisme qui rassemble constructeurs, promoteurs, aménageurs et rénovateurs.

La raison? Un "cocktail explosif", selon le pôle Habitat FFB: "inflation continue des coûts de construction et des prix du foncier (...), affaiblissement des dispositifs de soutien à l'accession et à l'investissement locatif, et hausse rapide et brutale des taux d'intérêts" là encore. De plus, finie l'époque où l'on construisait sans compter sur des terres agricoles: les promoteurs immobiliers doivent désormais composer avec l'objectif "zéro artificialisation nette", un exercice d'équilibriste délicat.

Des passoires thermiques qui ne pourront plus être louées

Même à la marge, les craintes sur la consommation d'énergie et la réglementation qui se durcit pour les possesseurs de passoires thermiques, a pénalisé le marché. Notamment celui des maisons, celles-ci étant en général plus grandes et plus énergivores, selon Alain Tourdjman, directeur des études économiques chez BPCE.

Pour rappel, la loi climat et résilience prévoit l'interdiction progressive à la location des logements énergivores. Depuis le 1er janvier, un logement ne peut plus être mis en location en France métropolitaine lorsque sa consommation d'énergie dépasse 450 kWh/m2/an. Il s'agit d'une partie des logements classés G au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE). Cette interdiction à la location (pour des résidences principales) va ensuite être progressivement étendue à l'ensemble des logements classés G au 1er janvier 2025, puis F en 2028 et enfin E en 2034.

De nombreux propriétaires n'ayant pas les moyens d'effectuer les travaux (ou se trouvant dans l'incapacité de le faire pour des raisons techniques, comme c'est le cas pour la plupart des bâtiments haussmanniens) ont donc décidé de vendre leur bien. C'est en particulier le cas de logements qui étaient autrefois loués et qui sont vendus pour devenir la résidence principale des nouveaux propriétaires (l'interdiction des passoires thermiques ne s'appliquant qu'à la location). Ainsi, les professionnels du secteur ont constaté dès 2021 un afflux de passoires énergétiques (les logements classés F et G) à vendre, avec en parallèle une baisse du nombre d'annonces pour des locations. Cela pèse également à la baisse sur les prix à l'achat dans l'ancien.

Le marché de la location qui se grippe

Du côté de ceux qui investissent, l'observatoire Clameur constate que les loyers progressent moins rapidement que l'inflation. Ainsi, sur les 5 dernières années, à l'échelle nationale, les loyers ont progressé de 7% alors que l'inflation cumulée sur la période dépasse les 10,5%. En parallèle, les prix à l'achat ont grimpé de près de 30%. Au global, les prix ont tellement monté que Clameur ne peut que constater une baisse de la rentabilité locative moyenne. On est passé de 5,8% de rendement brut (avant charges et impôts) à l'échelle nationale il y a 5 ans à 5% aujourd'hui. Ce qui peut refroidir les potentiels investisseurs.

Du côté des locataires, Clameur constate là aussi un début de blocage. Comme une panne de mobilité ou du parcours résidentiel. Et pour cause, les loyers augmentent certes mais moins vite que les prix à l'achat. Et avec la hausse des taux qui s'est amorcée au milieu de l'année dernière, bon nombre de ceux qui auraient pu acheter restent locataires. Moins de mobilité et donc in fine moins d'offres à la location avec une rotation du parc locatif qui ralentit.

https://twitter.com/DianeLacaze Diane Lacaze Journaliste BFM Éco