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Pas-de-Calais: quel avenir et quelles solutions pour l'agriculture après les inondations?

Un champ inondé à Witternesse, dans le Pas-de-Calais, le 2 janvier 2024.

Un champ inondé à Witternesse, dans le Pas-de-Calais, le 2 janvier 2024. - DENIS CHARLET © 2019 AFP

Les agriculteurs du Pas-de-Calais ont été très touchés par les crues et les inondations ces derniers mois. Les maraîchers et éleveurs ont manifesté pour demander au gouvernement des travaux pour une meilleure prévention des inondations dans le futur. Quelles sont les solutions les plus pérennes pour éviter de nouvelles catastrophes?

Champs inondés, cultures compromises, animaux malades... Les agriculteurs du Pas-de-Calais sont résilients. Après les tempêtes puis les inondations de novembre 2023 et celles de janvier 2024, ces derniers se sont relevés et ont continué leur travail comme ils le pouvaient.

Un mois après la catastrophe, ils le savent, la saison actuelle et celle à venir seront compliquées en raison notamment des sols encore imbibés d'eau. Selon la FDSEA, dans le Pas-de-Calais, les inondations ont d'ores et déjà compromis "des cultures de betteraves sucrières qui devront être arrachées" et ont aussi empêché les semis de blé dont les surfaces ne sont "ensemencées qu'à 50%" depuis novembre.

Jean-Pierre Clipet, agriculteur à Serques, près de Saint-Omer n'est pas très confiant. "C'est de la paille qui ne sera pas disponible pour les éleveurs", se désole-t-il. Il y aura des conséquences pour 2024 et même après.

"Les maraîchers ont aussi perdu leurs légumes d’hiver. À partir de février ils vont semer les légumes de printemps, mais eux aussi sont compromis par l’état des terres", assure le membre du syndicat agricole à BFMTV.com.

Comment adapter le territoire?

Actuellement, "l’évacuation à la mer est bouchée avec la vase. Il n'y a pas eu d’entretien depuis de longues années", rapporte Jean-Pierre Clipet pour qui le curage "paraît indispensable". Le curage, c'est l'opération dont l'objectif est d’enlever les sédiments qui s'accumulent dans le lit des cours d'eau pour améliorer le rejet de l'eau à la mer.

À l'appel de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs de la région, une centaine de tracteurs se sont rendus ce lundi 8 janvier à Boulogne-sur-Mer pour curer la Liane. Ils ont ensuite déversé la vase devant la direction départementale des Territoires et de la Mer, la structure qui est en charge du traitement des dossiers de curage.

Une action coup de poing pour dénoncer l'immobilisme des pouvoirs publics et réclamer un curage des fleuves, qui permettrait selon eux de prévenir de nouvelles inondations catastrophiques pour leurs cultures.

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a annoncé jeudi 4 janvier dans le Pas-de-Calais un changement de réglementation pour "faciliter le curage", dont les possibles conséquences restent cependant débattues entre experts et défenseurs de l'environnement.

Au-delà du curage, les agriculteurs demandent des pompes de grande capacité. "Des pompes à nous, qu'on ne soit pas obligés d’aller en chercher dans d’autres pays européens", poursuit l'agriculteur de Serques.

"Notre demande c’est un plan d’entretien général, d’évacuation de l’eau à la mer", explique-t-il.

Le représentant de la FDSEA 62 espère que "les travaux soient entrepris rapidement" et "que chacun prenne sa responsabilité dessus". Ce dernier a été entendu, les opérations de nettoyage des cours d'eau ont débuté ces derniers jours.

Faut-il changer les modes de culture?

Pour Charlène Descollonges, ingénieure hydrologue, interrogée par BFMTV.com, il faut essayer de trouver des solutions plus pérennes. Elle évoque notamment l'agriculture de conservation pour ainsi "éviter de retourner les champs et éviter les sols nus". L'agriculture de conservation c'est également "favoriser la rotation des cultures".

C'est déjà ce que fait Jean-Pierre Clipet dans son exploitation. "Betteraves, pommes de terre... Tous les ans on change de culture", développe ce dernier.

Pour éviter de nouvelles inondations sur les exploitations agricoles, Charlène Descollonges, également co-fondatrice de l’association "Pour une hydrologie régénérative", propose de développer les haies bocagères.

Car "au cours du 20e siècle, la mécanisation agricole à conduit au regroupement des parcelles par l'arrache des haies", le tout transformant le maillage bocager, peut-on lire sur le site de l'office français de la biodiversité.

Réimplanter les haies et les bocages a de nombreux objectifs, comme la conservation de la biodiversité mais aussi la régulation des inondations et l'épuration des eaux.

Enfin, Charlène Descollonges évoque la mise en place des méthodes d'hydrologie régénérative, "pour régénérer massivement le cycle de l’eau par l’aménagement des territoires afin d’améliorer leur résilience face aux sécheresses, aux inondations et à l’érosion", peut-on lire sur le site internet de l'hydrologue.

"Avec tout ça, vous avez le combo gagnant", assure la jeune femme à BFMTV.com.

Le 4 janvier dernier, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique a ouvert la porte à la possibilité de déclarer des zones sous les eaux dans le nord de la France en zone inconstructible.

Concrètement, cela signifierait que l'État rachèterait les biens des habitants au prix du marché avant les inondations, avant de les détruire. Mais le ministre n'a pas donné plus d'informations concernant les zones agricoles.

Peut-on imaginer la même chose pour les exploitations agricoles? Faut-il abandonner l'idée de cultiver les zones sinistrées? "Ce sont des décisions importantes à prendre", estime Jean-Pierre Clipet.

"J’espère qu’on ne va pas fermer les fermes", déclare le secrétaire général de la FDSEA 62.

Il explique cependant que "certaines personnes se posent la question de déménager". Car certains agriculteurs ont subi des dégâts en novembre puis en janvier et qu'"il faut faire des travaux". Cela coûte de l'argent, alors des exploitants se demandent s'il n'est pas préférable de déménager un peu plus loin.

Tous espèrent que les décisions prises par le gouvernement suffiront à endiguer les crues futures. Christophe Béchu annonçait le 4 janvier, "plus de 100 millions d'euros de travaux" estimés "en termes de prévention des inondations".

Pourquoi le département subit autant d'inondations?

Le Pas-de-Calais a reçu des précipitations importantes et ce, "dès le 15 octobre", explique Charlène Descollonges. La région est très pluvieuse en automne/hiver. Mais cette année, les statistiques hydrologiques ont battu des records.

Les sols gorgés d'eau ne peuvent plus absorber les pluies et un phénomène de ruissellement apparaît. L'eau finit sa course dans les cours d'eau. Ceci explique "en partie les débordements", indique Charlène Descollonges qui note que le niveau des nappes superficielles est très haut dans le département.

On parle aussi d'inondations par remontées de nappes: les eaux contenues dans ces nappes atteignent la surface du sol. Cela arrive quand les nappes sont peu profondes et qu'elles sont réactives aux pluies, comme dans le Pas-de-Calais.

Alicia Foricher