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Grande-Synthe: une vingtaine de travailleurs sans-papiers d'Emmaüs en grève

La moitié des compagnons sans-papiers d'Emmaüs Dunkerque mènent une grève depuis une semaine à Grande-Synthe. Ils réclament notamment leur régularisation.

"Solidarité avec les sans-papiers". Ce slogan est chanté par une vingtaine de compagnons en situation irrégulière d'Emmaüs Dunkerque, en grève. Depuis mardi dernier, ces étrangers, accueillis en tant que "compagnon" dans le Nord, bloquent l'accès au dépôt de Grande-Synthe pour alerter sur leur situation.

"On ne se sent pas protégés"

Les grévistes dénoncent notamment des conditions de travail indignes et un manque d'allocations à la hauteur de leur activité. Ils regrettent également des différences de traitements entre les compagnons et le non-respect de leur droit quant à leur régularisation.

"On s'est mis en grève, on bloque l'activité car nous réclamons leur départ (la direction, ndlr) car on ne se sent pas protégés, ils ne font rien pour notre situation", explique Amara Lamine Soumah, compagnon depuis deux ans à Grande-Synthe.

Amara Lamine Soumah, qui se décrit comme le "porte-parole des sans voix" estime être "sans défense et ils se servent de nous". "Ils nous disent 'repartez d'où vous venez' lorsque nous réclamons notre droit", regrette-t-il en assurant que la "confiance est rompue".

Les compagnons de Saint-André-Lez-Lille aussi en grève

Cette grève, que les compagnons sont "déterminés" à poursuivre selon Fode Keita, fait écho à une mobilisation de la communauté de Saint-André-lez-Lille. Depuis près de deux mois, une vingtaine de compagnons sans-papiers de la Halte Saint-Jean sont en grève pour dénoncer les pratiques d'Emmaüs.

Selon eux, l'association leur aurait promis une régularisation de leur situation en échange d'heures de travail effectuées. Certains travailleurs sont hébergés depuis parfois cinq ans par cette antenne d'Emmaüs et réalisent 40 heures par semaine pour 150 euros de salaires par mois. Ils accusent la direction de les exploiter.

La communauté de Saint-André-lez-Lille est d'ailleurs visée par une enquête pour "traite d'êtes humains" et "travail dissimulé".

"20.000 euros perdus par semaine"

La direction d'Emmaüs Dunkerque s'est toutefois défendue dans un communiqué en assurant que "les situations n'ont rien de comparable".

Contrairement à la Halte-Saint-Jean, qui est restée une simple association, la communauté de Grande-Synthe a adopté le statut d'OACAS (organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires) qui prévoit une meilleure protection sociale des compagnons.

"En plus d'être nourris, logés et blanchis grâce aux actions solidaires de la communauté, ils bénéficient d'une allocation qui est la même que celle pratiquée dans 95% des communautés Emmaüs en France", assure la direction.

"Quelles que soient leurs conditions d'entrée en France, ils bénéficient aussi, après trois ans dans la communauté, de la possibilité d'accéder à un titre de séjour, dont l'attribution est uniquement fonction de l'appréciation par la préfecture du Nord, de leurs perspectives d'intégration", poursuit-elle en déplorant la grève qui pourrait entraîner la "paralysie de la distribution de centaines de repas à des personnes dans le besoin".

"Cette grève, c'est 20.000 euros perdus par semaine. On pense à nos clients qui ne peuvent plus venir au magasin. Nous ne sommes pas responsables de la régularisation, c'est du fait de la préfecture", regrette-t-elle interrogée par BFM Grand Littoral.

Une requête déposée devant le tribunal

Elle appelle à la levée du blocage "pour le bien-être de tous" et considère que les compagnons sont dans un "abus de droit de grève".

En ce sens, elle a déposé une requête lundi devant le tribunal judiciaire de Dunkerque afin d'"ordonner le départ spontané sous astreinte et à défaut d'expulsion des compagnons grévistes et de tout occupant de leur chef qui bloquent depuis le 22 août illégitimement et illégalement l'accès aux locaux sis à l'adresse de son siège".

Florine Kurek avec Juliette Vignaud