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Prosélytisme à Roubaix: huit mois de sursis requis contre le maire pour des manquements

Guillaume Delbar, maire de Roubaix

Guillaume Delbar, maire de Roubaix - BFMTV

Guillaume Delbar est jugé à Lille pour "détournement de fonds publics par négligence". Trois autres personnes sont poursuivies pour "abus de confiance".

"L'État français ne subventionne pas les cultes": huit mois de prison avec sursis ont été requis vendredi à l'encontre du maire DVD de Roubaix Guillaume Delbar, jugé à Lille pour "détournement de fonds publics par négligence" concernant une association accusée de prosélytisme religieux.

L'État "ne finance pas ce qui est cultuel et on demande aux associations qui reçoivent des subventions publiques de fournir des comptes avec des bilans comptables", a lancé la procureure après une journée d'audience. "Cela n'a pas été le cas."

Guillaume Delbar "ne peut pas me faire croire qu'il a contrôlé cette association", insiste-t-elle, réclamant, outre ces huit mois d'emprisonnement avec sursis, une peine d'inéligibilité de trois ans.

Trois personnes poursuivies pour "abus de confiance"

Poursuivi pour "détournement de fonds publics par négligence" pour n'avoir pas vérifié l'usage des fonds remis à cette association de soutien scolaire, Guillaume Delbar reste impassible.

Ses co-prévenus, trois membres de la structure en question - "Ambitions et initiatives pour la réussite" (AAIR) - sont poursuivis pour "abus de confiance".

L'AAIR aurait utilisé des subventions publiques, des locaux mis à disposition gratuitement et deux volontaires du service civique "pour dispenser des enseignements religieux sous couvert de cours de langue arabe" au préjudice de la mairie et de l'État.

La procureure a requis douze mois d'emprisonnement avec sursis contre son président Nordine Khabzaoui et cinq mois avec sursis à l'encontre du trésorier et une salariée de l'association. La décision est attendue le 8 juin à 14h.

À la barre vendredi, les trois membres de l'association se sont défendus d'avoir dispensé des "cours coraniques" financés par de l'argent public.

"Je n'ai jamais entendu un parent dire 'Merci Nordine, mon fils est devenu imam'. Par contre j'ai entendu, 'Merci Nordine, mon fils est devenu médecin'", affirme devant la cour Nordine Khabzaoui, le président de cette association, située dans "le quartier le plus pauvre" de l'une des villes les plus pauvres de France.

"Nous n'étions pas dans une attitude de promouvoir l'Islam"

Puis, ce professeur de mathématiques dans le public fait valoir que "dans la culture maghrébine il y a la langue et il y a ses us et coutumes. Trouver la frontière entre la culture et la religion dans les pays du Maghreb, même nos plus grands experts n'ont pas réussi. Il y a toujours des références religieuses".

Mais "il n'y a pas eu d'enseignement religieux, il n'y a pas eu d'activités religieuses", jure-t-il. "Nous n'étions pas dans une attitude de promouvoir l'Islam."

Vient ensuite l'audition de Guillaume Delbar. Lui explique avoir manqué de "preuves" pour intervenir. "Je n'ai pas les moyens d'enquête de police (...) Moi, quand j'entends de l'arabe, je ne sais pas si c'est du Coran ou de la poésie", lance-t-il.

Il jure aussi que "pas un centime" n'a été versé à l'association depuis "la première alerte". Cette affaire avait été évoquée début 2022 dans un reportage de "Zone Interdite" sur M6, consacré aux "dangers de l'islam radical", qui avait défrayé la chronique.

Parmi les témoins de l'émission, Amine Elbahi, jeune juriste et militant associatif de Roubaix, est, selon le président du tribunal, le premier à avoir alerté la préfecture fin 2020, via un courrier indiquant que "des cours d'arabe à caractère religieux" étaient prodigués par l'association.

Le préfet avait ensuite signalé au procureur des manquements, affirmant que l'association ne respectait pas "le principe de laïcité", a déroulé le président du tribunal à la lecture des faits, en ouverture de l'audience.

Selon ses statuts, la structure, créée en 2007, vise à "promouvoir l'instruction et l'émancipation des femmes dans le quartier", "développer le suivi scolaire" ou encore "soutenir les populations en détresse", a-t-il dit.

Mais ils ne mentionnent pas "d'enseignement de l'arabe ni de religion". Or, l'association "donnait des cours d'arabe" et dans ces cours "il y avait un fondement religieux, ce qui posait une difficulté à l'égard de la laïcité que défend l'État et le préfet", selon le résumé du président du tribunal.

S. B. avec AFP