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Nord-Pas-de-Calais: les producteurs de betteraves contraints à arrêter les néonicotinoïdes dans les champs

Par décision de la Cour de justice de l'Union européenne, les agriculteurs ne peuvent plus bénéficier de dérogations pour continuer à utiliser ces pesticides, qui protègent les plantations des maladies mais qui tuent les abeilles.

C'est peut-être la fin d'un feuilleton. L'usage des néonicotinoïdes, ces pesticides surnommés "tueurs d'abeilles", a été officiellement interdit par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) jeudi.

Par cet arrêté, la juridiction juge plus précisément illégales les dérogations octroyées à certains États membres pour pouvoir continuer à utiliser sur une période donnée ces produits en principe prohibés depuis 2018.

Cette décision de la CJUE n'est pas sans conséquence pour les producteurs de betteraves français, et plus particulièrement ceux du Nord-Pas-de-Calais et leurs 60.000 hectares de terres, qui avaient bénéficié desdites dérogations ces dernières années.

"Un boulet au pied"

Si les agriculteurs recourent aux néonicotinoïdes, c'est parce que ces pesticides protègent leurs cultures des maladies.

Guillaume Wullens, président du CGB du Nord-Pas-de-Calais, le syndicat des betteraviers français, fustige la décision de la CJUE, qu'il estime brutale.

"Les betteraviers qui ont été touchés par cette jaunisse, ils ne veulent pas revivre ces épisodes, plaide l'intéressé au micro de BFM Grand Lille. En plus, il n'y a pas que la jaunisse aujourd'hui dans les champs. 2022, ça a été une sécheresse terrible. Donc on cumule les problèmes et on ne souhaite pas démarrer une campagne avec un boulet au pied."

8000 agriculteurs menacés?

De l'avis de Guillaume Wullens, l'interdiction des néonicotinoïdes menace directement les 8000 agriculteurs établis sur les deux départements.

Le président du CGB Nord-Pas-de-Calais anticipe même des pénuries de betteraves et des nombreux dérivés. "Ça peut être des sucreries qui vont être à l'arrêt cette année, du sucre et du superéthanol moins disponible, liste-t-il. Et ça va encore amplifier l'inflation et le chômage. Je pense que personne ne souhaite ça."

Le son de cloche est bien différent du côté des défenseurs des abeilles. Selon Christian Godbille, le président du syndicat apicole La mouche avesnoise, "il serait plus judicieux de faire un traitement de néonicotinoïdes quand cela est nécessaire".

Les débats toujours vifs

Au lendemain de l'annonce de la CJUE, les débats sont encore vifs. Et ils devraient selon toute vraisemblance se poursuivre dans les semaines à venir.

À l'origine planifiée ce vendredi, une réunion du ministère de l'Agriculture sur le sujet a été repoussée sine die au 26 janvier, rapporte Le Monde. Favorable à une nouvelle dérogation, le gouvernement souhaite se laisser le temps de la réflexion.

Une source proche du dossier indique même à nos confrères qu'"il est probable que l’arrêté de réautorisation, bien qu’illégal au regard du droit européen, sera signé, puis que les associations saisiront le Conseil d’État dans la foulée".

Quelle que soit la décision, les producteurs de betteraves espèrent une prise de décision avant mars prochain, période de l'année où ils commencent à semer les graines.

Cosima Mezidi Alem avec Florian Bouhot