BFM Lille
Grand Lille

Lille: une version "critique" et revisitée de "Dom Juan" sur la scène du Théâtre du Nord

Le Théâtre du Nord.

Le Théâtre du Nord. - BFM Lille

David Bobée, le metteur en scène, entend questionner le rapport du public aux grands personnages historiques et littéraires "dont les histoires nous encombrent".

"Faut-il déboulonner les statues ?": dans une création présentée à compter de mardi prochain au Théâtre du Nord, à Lille, le metteur en scène David Bobée propose une relecture "critique" du "Dom Juan" de Molière, grande figure devenue selon lui "problématique" car symbole d'une "masculinité violente" révolue.

En revisitant ce classique, écrit au 17e siècle, le directeur du théâtre, connu pour son engagement politique, entend questionner le rapport du public aux grands personnages historiques et littéraires "dont les histoires nous encombrent", a-t-il expliqué ce mercredi lors d'une conférence de presse.

Présenté du 17 au 29 janvier à Lille, "Dom Juan ou le festin de pierre" sera ensuite joué jusqu'en juin dans 14 lieux à travers la France.

"C'est l'histoire de la domination"

À l'heure où "la société s'interroge" sur le déboulonnage des statues, les mêmes questions se posent dans l'espace culturel, estime-t-il: "Peut-on encore jouer certaines situations ou pièces, embêtantes" dans leur manière d'aborder "les rapports de domination, les violences faites aux femmes ?"

"Dom Juan, ce n'est pas juste l'histoire d'un séducteur, c'est l'histoire de la domination" et "tous les endroits de la discrimination contemporaine" s'y trouvent, avance-t-il.

"Chaque scène traite d'une violence qu'il fait subir" aux autres: "la glottophobie" face à l'accent des paysans, le mépris de classe "face aux pauvres", "l'âgisme avec son père", et "évidemment le sexisme".

Par sa mise en scène, David Bobée choisit "d'humaniser" des personnages secondaires, pour faire "ressortir la violence" de Dom Juan. Il a choisi comme décor d'immenses statues, abîmées ou couchées au sol, d'anciens personnages illustres: un dieu oublié (sans tête, membres, ni sexe), ou une "fusion" de personnages historiques comme Staline, Néron ou Caligula. Autant de "parties honteuses de notre histoire", selon le metteur en scène.

Le texte fidèle à l'original

Sans dénaturer le texte ni "couper les phrases problématiques", David Bobée s'est permis de "dégenrer" certains personnages ou de modifier leur origine ethnique. "Le père, figure majeure, devient une mère. Les paysannes, des paysans à l'accent mandarin."

Le choix des acteurs se veut aussi "manifeste" pour une "diversité d'origines, de corps, d'âges". Pour le rôle principal, David Bobée a choisi Radouan Leflahi, déjà interprète de son "Peer Gynt", en 2018. Shade Hardy Garvey Moungondo, Nadège Cathelineau ou Catherine Dewitt lui donneront la réplique.

"Le théâtre doit représenter la violence, mais pas n'importe comment", conclut David Bobée. "Faut-il déboulonner les statues? Non. Mais peut-être retirer quelques piédestaux."

F.B. avec AFP