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Environnement

"Une calamité nationale": en 1976, la sécheresse était un "cauchemar pour l'agriculture française"

Des militaires ramassent, le 12 juillet 1976 à Saint-Gilles-du-Gard, du fourrage qui était ensuite transporté et distribué par l'armée pour venir en aide aux régions déficitaires, victimes de la sécheresse.

Des militaires ramassent, le 12 juillet 1976 à Saint-Gilles-du-Gard, du fourrage qui était ensuite transporté et distribué par l'armée pour venir en aide aux régions déficitaires, victimes de la sécheresse. - AFP

Avant 2022, la France a connu une importante sécheresse en 1976. Cette vague de chaleur historique avait entraîné la création d'un impôt pour pour juguler les pertes des agriculteurs

La Première ministre Elisabeth Borne a activé ce vendredi la cellule interministérielle de crise, face à une "sécheresse exceptionnelle", qualifiant la situation "d'historique." "Cette sécheresse est la plus grave jamais enregistrée dans notre pays" et "la situation pourrait perdurer sur les 15 prochains jours, voire devenir plus préoccupante encore", souligne Matignon.

Pourtant, la France a déjà été frappée par d'importants épisodes de sécheresse. Ainsi, en 2011, un certain Bruno Le Maire, à l'époque ministre de l'Agriculture de Nicolas Sarkozy, craignait un épisode "plus terrible encore" que celui de 1976.

Feux de forêts, températures très élevées, manque d'eau et crainte dans les exploitations agricoles: comme cette année, les Français ont souffert en 1976 d'une sécheresse historique et marquante.

"Chaleur infernale et absence totale de pluies se conjuguent pour faire de l'été 76 un cauchemar pour l'agriculture française", résume l'Agence France presse.

Peu de pluie tout au long de l'année

Tout commence dès 1975, avec un déficit de pluie important sur tout le territoire entre décembre et juin 1976. Début mai, Le Monde sonne l'alerte. "S'il ne pleut pas d'ici une quinzaine de jours, la situation deviendra particulièrement grave", peut-on lire dans un article du quotidien

Mais l'eau nécessaire à un été calme n'arrive pas. Le déficit en pluie du pays entre mars et juin (46%) fait du printemps 1976 le plus sec du XXème siècle après celui de 1959. Et selon Météo-France, la sécheresse des sols de l'été 1976 sera la plus forte enregistrée depuis 1959 avec plus de 35% du territoire touché.

Photo de la rive d'un fleuve asséché prise en Bretagne le 23 avril 1976.
Photo de la rive d'un fleuve asséché prise en Bretagne le 23 avril 1976. © AFP

Un "impôt sécheresse"

Le 30 juin, le président Valéry Giscard d'Estaing parle d'une "calamité nationale" à laquelle doit répondre la "solidarité nationale". Dès juin 1976, des taxes sont imposées pour empêcher l'exportation de paille et de foin et l'armée réquisitionnée pour transporter du fourrage vers les régions sinistrées.

Fin août, le gouvernement annonce une aide de 2,2 milliards de francs pour l'agriculture financée par une majoration exceptionnelle de l'impôt sur le revenu, "l'impôt sécheresse".

L'Europe aussi touchée, le pape appelle à la prière

Comme la France, le vieux continent est aussi touché, notamment en Angleterre où les températures sont historiques. Le pape Paul VI invite le dimanche 4 juillet les chrétiens à prier pour la pluie dans les régions touchées par la sécheresse.

"Dieu attend peut-être la foi de notre invocation filiale pour rendre l'équilibre aux saisons, la fécondité à la terre, le courant aux rivières, le rafraîchissement à la soif des vivants. Prions donc pour que l'eau désirée recommence à courir sur le sol aride", déclare-t-il devant les fidèles.

En France, dans les campagnes principalement, des prières ont également lieu, demandant à Dieu "de répandre les eaux du ciel sur la surface desséchée de la terre", raconte à l'époque Le Monde.

Des habitants de la commune de Lesparre-Médoc prient, le 28 juin 1976, pour que la pluie fasse son apparition et mette fin à la sécheresse qui fait des ravages dans les cultures.
Des habitants de la commune de Lesparre-Médoc prient, le 28 juin 1976, pour que la pluie fasse son apparition et mette fin à la sécheresse qui fait des ravages dans les cultures. © AFP

En raison du manque de pluie chronique, les feux de forêts ravagent le pays. 80.000 hectares sont brûlés, notamment la forêt de La Palmyre, en Charente-Maritime.

Hausse des prix des fruits et légumes

Comme cette année, les conditions de travail sont largement impactées par les fortes températures. Les syndicats de la RATP appellent à la grève, et de nombreux travailleurs, dans tous les secteurs, sont obligés de faire des pauses en journée à cause de la chaleur.

Faute de pluie et de bon rendement dans les champs, les assiettes des Français sont aussi impactées. Une pénurie de pommes de terre est ainsi constatée dans l'ensemble du pays, souligne le HuffPost. Selon la presse de l'époque, les prix des fruits et légumes augmentent et la production d'électricité hydraulique baisse de 30%

Le premier ministre de l'époque, Jacques Chirac appelle les Français à la "modération des consommations individuelles et à la suppression du gaspillage" dans leur consommation d'eau. En 2022, la consommation d'eau est régulée dans de nombreux départements, voire limitée à 200 litres par jour dans certaines communes.

Au total, la vague de chaleur de 1976 a entraîné la mort d'environ 4500 personnes, estimait Santé Publique France dans un rapport publié en avril 2019.

Ariel Guez avec AFP