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Environnement

Rejets dans les Calanques: les pêcheurs veulent "une station d'épuration à 100%"

Le porte-parole des pêcheurs de La Ciotat a réagi vivement, mardi midi sur BFMTV, à l'autorisation donnée à l'industriel Altéo de poursuivre pendant 6 ans ses rejets dans la Méditerranée.

A quelques jours de la fin de la COP21, la décision passe mal. Le préfet de la région Paca a indiqué mardi qu'il autorisait la poursuite d'activité de l'industriel Altéo. Le fabricant peut rejeter en mer, pour 6 ans, des effluents résultant de la production d'alumine. Gérard Carrodano, porte-parole des pêcheurs locaux de La Ciotat, a expliqué en direct du port, bonnet noir vissé sur la tête, les raisons de son profond désaccord. La colère et l'incompréhension dominent.

Des effluents invisibles

Ce spécialiste dans la capture de poissons et invertébrés vivants tient d'abord à préciser qu'il faut perdre l'habitude de parler de boue rouge, l'industriel ne rejetant que les effluents. Des eaux usées toxiques, selon le pêcheur. "Les boues rouges nous les avons subies pendant 50 ans", rappelle-t-il. La demande de renouvellement de rejets concerne uniquement les effluents. Cela pose un problème car ils ne sont pas visibles ou alors il faut descendre profond.

Ces dernières années, il a constaté une réduction de "capacité de pêche drastique". Ces boues ont recouvert l'ensemble du canyon de Cassidaigne qui était un poumon nourricier pour le plateau continental. Gérard Carrodano déplore que l'industriel ait fait une demande de dérogation malgré les lois qui condamnent et empêchent tout rejet. Le militant ne manque pas de citer les différents textes: la convention de Barcelone, le traité d'Athènes, la loi sur l'eau, la loi sur les aires marines protégées et les parcs nationaux.

"Un chantage à l'emploi"

Le marin insiste sur le fait que la loi interdit tout rejet solide ou liquide dans le parc national des Calanques. "Le préfet a obéi au gouvernement, il n'a pas hésité à le dire. Madame Royal est tout à fait hostile au rejet", ajoute-t-il. La ministre de l'Ecologie a effectivement désapprouvé ce choix. "Je pense que c'est une mauvaise décision qui est essentiellement suscitée par le chantage à l'emploi", a-t-elle indiqué un peu plus tôt dans la journée.

Le marin précise tout de même que les pêcheurs ne sont pas "les ennemis des gens de Gardanne" où est implantée l'usine. "Nous ne voulons pas qu'il ait des chômeurs. Nous voulons qu'il ait une station d'épuration à 100%", demande-t-il, estimant que l'industriel savait depuis 30 ans qu'il devait s'arrêter en 2015.

"On vous fait une conférence sur le climat et, trois jours après, on autorise un déversement à hauteur de 270 mètres cube par heure, 24 heures sur 24, 364 jours par an avec des composantes qui, à l'énoncé des éléments comme l'arsenic, le titane, etc., donnent froid dans le dos", déplore-t-il.

Des poissons "tout rouge"

Le porte-parole comprend les gens de Gardanne qui "veulent conserver leur emploi" mais "pas les politiques". Il propose de créer des emplois pour épurer. "Aujourd'hui, il est interdit de rejeter dans la mer des produits toxiques. Il n'y en a pas un, il y en a sept qui sont hors norme sanitaire. L'Agence nationale de la sécurité et de la santé a fait des analyses, elles sont accablantes. L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) a fait des analyses, elles sont accablantes", s'insurge-t-il.

Le pêcheur explique enfin comment la profession est obligée de s'échapper de sa zone de travail. "Lorsqu'on remonte un poisson qui a touché le fond, il est tout rouge, on n'a pas envie de vendre à nos clients des poissons qui sont souillés par des produits toxiques", se désole-t-il. En revanche, il constate que l'industriel a reçu 15 millions d'euros pour améliorer la qualité de sa filtration. "Les pêcheurs n'ont rien reçu et sont obligés de s'échapper et de 'surintensifier' l'effort de pêche dans les zones où on est obligé d'aller. On n'a pas le droit de changer le moteur de nos bateaux mais il faut qu'on s'échappe de plus en plus loin", regrette-t-il.