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Environnement

Pollution plastique: comment les plages luttent

Des déchets plastiques sur les rives de la rivière Jukskei à Johannesburg, le 3 juin 2018 (Illustration)

Des déchets plastiques sur les rives de la rivière Jukskei à Johannesburg, le 3 juin 2018 (Illustration) - Gulshan Khan-AFP

Alors que la Méditerranée détient le triste record de mer la plus polluée d'Europe, certaines villes prennent des dispositions pour tenter d'enrayer la pollution des eaux par les déchets plastiques.

Sacs et bouteilles plastiques, canettes métalliques, emballages alimentaires, filets de pêche, vêtements. Alors que la mer Méditerranée se noie sous les déchets, le gouvernement s'est fixé un objectif: zéro plastique rejeté en mer d'ici 2025. Brune Poirson, la secrétaire d'État à la Transition écologique, a ainsi présenté lundi une charte pour lutter contre les déchets plastiques sur les plages. Au total, quinze engagements -de l'installation de poubelles de tri à la sensibilisation des commerçants installés près du littoral à ne pas utiliser d'objets en plastique à usage unique- qui permettront de décerner un label aux plages.

La Méditerranée, mer la plus polluée d'Europe

Car il y a urgence. Chaque année, la France rejette plus de 10.000 tonnes de plastique en Méditerranée, selon un rapport de l'organisation environnementale WWF. La Grande Bleue est ainsi tristement devenue la mer la plus polluée d'Europe, pointe l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer).

Selon cet institut qui a mené une vaste étude de suivi entre 1994 et 2017, la quantité de déchets marins augmente chaque année depuis dix ans. Et le plastique représente plus de 60% de ces déchets. Aucune zone n'est épargnée: la pollution touche aussi bien les côtes que le large, la surface que les profondeurs.

"Deux (…) zones principales d'accumulation de déchets se distinguent: l'une au large de Marseille, l'autre au nord-est de la Corse, s'inquiète l'Ifremer. Les déchets marins sont transportés depuis la terre, par les cours d'eau ou les intempéries. D'autres sont jetés directement en mer ou sur les plages." 

Les sources sont multiples: la navigation commerciale ou de plaisance, la pêche, l'aquaculture, les décharges ou encore les zones industrielles ou urbaines. "Chaque année dans le monde, 8 millions de tonnes de plastiques sont déversées dans les océans, dont 200.000 tonnes en Méditerranée."

Des bacs de tri sélectif à Marseille

Pour lutter contre ce fléau, la ville de Marseille, dans les Bouches-du-Rhône, a mis en place une douzaine de points de tri sur ses plages après avoir remarqué que les corbeilles classiques étaient rapidement saturées de déchets en tous genres. Si les plages Pavillon bleu doivent être équipées de dispositifs de tri sélectif, c'est loin d'être systématique pour les autres. Sur les dix tonnes de déchets collectés quotidiennement sur les 21 plages de Marseille, 3 tonnes sont à présent issues de ces bacs de tri, précise la mairie à BFMTV.com.

Leur installation s'est accompagnée d'une campagne de sensibilisation: des macarons "Ici commence la mer" ont été placés sur les avaloirs (ces ouvertures le long du trottoir permettant d'évacuer les eaux de ruissellement vers les égouts) à proximité de la plage des Catalans -de tels macarons existent déjà dans plusieurs villes de France, comme en Loire-Atlantique. D'autres le seront prochainement sur tout le littoral de la Cité phocéenne. Des agents de la ville sont également allés et iront à la rencontre des plagistes afin de les sensibiliser aux bonnes pratiques.

Des "poissons gloutons" dans l'Hérault

Dans l'Hérault, ce sont quatre "poissons gloutons" qui ont été installés ces dernières semaines sur les 100km de plages. Ces grandes structures métalliques transparentes récoltent les déchets plastiques à La Grande-Motte, Frontignan, Agde et Vendres. Depuis le début de l'opération, quelque 800 kg de déchets plastiques ont ainsi été collectés. Objectif: inciter à ramasser.

"L'idée est de sensibiliser les touristes mais aussi les populations locales, indique à BFMTV.com Christophe Morgo, vice-président du conseil départemental délégué à l'environnement. L'Aude et le Gard se sont dits intéressés. L'objectif serait d'équiper toute la façade méditerranéenne jusqu'à l'Espagne et l'Italie."

L'opération s'est accompagnée d'animations pour sensibiliser et mobiliser, de manière "ludique et pédagogique", aux enjeux environnementaux. Des totems ont par ailleurs été installés à côté des poissons, pointant les effets néfastes de la pollution plastique jusque dans la chaîne alimentaire. L'année prochaine, l'expérimentation sera étendue à toutes les stations balnéaires du département, plages et lacs compris. Si Christophe Morgo, à l'origine du projet, reconnaît que ces "poissons gloutons" sont avant tout symboliques, l'élu assure qu'ils permettent une plus grande visibilité que les simples bacs de tri.

Plus aucune poubelle à Porge

Certains vont même plus loin. Porge, une commune de Gironde de 3200 habitants, a été la première à retirer il y a cinq ans les 50 poubelles de la plage du Gressier. Un choix payant: de 27 tonnes de déchets, la municipalité n'en ramasse plus que 730 kg par an.

"On ne pensait pas arriver à de tels résultats aussi rapidement, s'enthousiasme pour BFMTV.com Valentin Désiré, responsable du pôle technique et environnement. Si ça n'avait pas marché, on aurait bien sûr remis les poubelles. Les déchets étaient déposés au pied des corbeilles et finissaient par s'envoler. Il y avait beaucoup de dépôts sauvages. Et bien la suppression des poubelles a même réduit le nombre de dépôts sauvages. Du jour au lendemain, la plage est devenue plus propre."

La disparition des poubelles s'est là aussi accompagnée d'un plan de communication et d'information à destination des plagistes, notamment par le biais de panneaux mettant en scène des enfants de la commune interpellant les vacanciers: "Je ne veux plus ramasser tes déchets". Et cette année, la centaine de poubelles du parking ont également été supprimées. L'ambition de Porge: inciter les visiteurs à ne plus produire de déchets.

"Les gens repartent avec leurs déchets"

Des conteneurs de tri ont cependant été installés à la sortie du site, permettant aux visiteurs de se débarrasser s'ils le souhaitent de leurs déchets. "D'après les premiers tonnages, nous avons encore moins de déchets malgré une forte fréquentation grâce au beau temps, ce qui signifie que les gens repartent avec leurs déchets. Donc oui, les gens ne jettent plus n'importe comment leurs déchets et trient s'ils ont cette possibilité."

D'autres communes, comme Hossegor, Capbreton, Vielle-Saint-Girons et Vieux-Boucau dans les Landes, se sont inspirés de l'initiative de Porge et ont elles aussi retiré leurs poubelles. Valentin Désiré assure avoir reçu des appels intéressés venant du Canada et de Suisse. "La condition sine qua non lorsqu'il s'agit de développement durable, c'est l'éducation, poursuit Valentin Désiré. On se doit d'accompagner les changements de comportement si l'on veut que ça fonctionne."

durée de vie des déchets plastiques:

- 450 ans pour un sac

- de 100 à 1000 ans pour une bouteille

Céline Hussonnois-Alaya