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Environnement

Pollution: le scandale sanitaire des bateaux au fioul en Méditerranée

En mer Méditerranée, les ferrys ne sont pas contraints d'utiliser des carburants moins polluants, suscitant de vives inquiétudes quant aux conséquences de cette pollution sur la santé humaine.

Sur le front de mer d'Ajaccio, en Corse-du-Sud, des traces noires sur les façades ou les tables en terrasse. En cause: la pollution provoquée par les ferrys. En mer Méditerranée, ces navires imposants ne sont pas soumis aux mêmes normes que dans d'autres zones maritimes.

"Le gros problème, c'est la poussière et la fumée"

Comme l'indique le port de Marseille, ces bateaux sont autorisés à naviguer avec un fioul contenant 1,5% de soufre -des particules fines qui pénètrent en profondeur dans les poumons- alors que ce taux est limité à 0,1% ailleurs. Ainsi, des ferrys très polluants naviguent en toute quiétude et causent un désastre écologique et sanitaire. 

Le fioul lourd, c'est chaque jour la bête noire de José Fanchi. Sur son balcon, des dépôts de goudron s'accumulent. La faute au ballet incessant de ferrys sous ses fenêtres.

"Le gros problème, en fait, c'est la poussière et la fumée, indique cet habitant d'Ajaccio à BFMTV. Il y a trop de bateaux. Tous les bateaux se mettent ici. À part un seul bateau au gaz qui a les nouvelles normes, tous les autres sont au fioul lourd."

Des teneurs en soufre importantes

Jean-Nicolas Antoniotti se bat depuis des années pour que les échappements des bateaux soient filtrés et que les navires passent au gaz. Mais surtout que la réglementation évolue en Méditerranée. Car ces bateaux n'ont pas le droit de naviguer ailleurs.

"On demande que la réglementation applicable en mer du Nord et en Baltique soit transposée à la Corse, indique à BFMTV ce président de l'association Aria Linda. À savoir qu'on ait des navires qui puissent évoluer en Méditerranée avec des teneurs en soufre inférieures."

Selon Daniel Moatti, chercheur associé à l'université de Nice Côte d'Azur, "la teneur en soufre des fiouls lourds utilisés par les navires en Méditerranée est de 1.500 à 3.500 fois supérieure à celle du fioul terrestre", expliquait-il pour Thalassa. L'équivalent de "70 fois, sur les navires eux-mêmes, à 20 fois, dans les zones portuaires, supérieurs aux concentrations estimées admissibles pour la santé humaine".

"L'équivalent d'un million de cigarettes"

Les particules fines émises par les navires en Méditerranée seraient six fois plus nocives pour la santé que celles des diesel automobiles. Une situation alarmante sur le plan sanitaire. Selon France nature environnement, les émissions du transport maritime "causent en toute discrétion 60.000 morts par an en Europe et coûtent 58 milliards d'euros par an aux services de santé européens".

"Ces particules fines de cette taille-là ont pour qualité première d'être à la fois cancérigènes et mutagènes, explique pour BFMTV Sauveur Merlenghi, médecin généraliste et président du comité départemental de la Ligue contre le cancer de Corse-du-Sud. Un seul bateau, c'est l'équivalent d'un million de cigarettes en particules fines. Quand vous avez quatre ou cinq bateaux dans le port, vous imaginez ce que cela représente."

Filtres à fumée, changement de carburant pour du gaz naturel liquide, des solutions existent. Mais il faudra attendre le 1er janvier 2020 pour que les niveaux de pollution baissent. Date à laquelle l'Organisation maritime internationale a fixé la généralisation du seuil maximal de soufre à 0,5%.

Céline Hussonnois-Alaya avec Jonathan Dupriez