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Environnement

"On est très en colère": l'inquiétude des Corses face à la pollution aux hydrocarbures

La population locale souligne d'une part les conséquences économiques de cette pollution, alors que les restrictions anti-Covid viennent d'être levées, mais également les conséquences écologiques pour l'île.

Une nappe d'environ 35 km de long contenant des hydrocarbures, a été repérée vendredi au large de la Corse, ce qui a entraîné la fermeture de plusieurs plages de l'Est de l'île depuis. Elle semblait toutefois limitée lundi soir, la préfecture maritime de Méditerranée ne notant "pas d'observation" de la nappe "au large par moyens aériens", et parlant de "boulettes éparses plus en plus fines proches littoral".

La situation reste surveillée de près, et "l’accès aux plages et la baignade restent strictement interdits" dans la zone écrivait lundi, la préfecture de Haute-Corse, des boulettes d'hydrocarbure ayant été retrouvées sur des plages. Alors que la saison touristique vient tout juste de reprendre, accompagnée de la levée des restrictions anti-Covid, les pêcheurs, et globalement la population locale, craignent les retombées pour leur île.

"Ce qu'il se passe sous l'eau c'est bien plus grave"

"On est un peu triste de voir ce phénomène se passer sur nos plages alors que l'activité commence tout juste à reprendre", déclare à BFMTV Sandrine, monitrice de plongée. "Pour nous c'est une catastrophe, mais pour ce qu'il se passe sous l'eau c'est bien plus grave, donc oui on est très très très en colère."

Après deux jours d'interdiction forcée, Pierre-Antoine Gougelet, pêcheur, explique à BFMTV avoir pu reprendre la mer, mais le secteur où la nappe d'hydrocarbure a été repérée reste interdit aux pêcheurs. "On a été obligés de sortir beaucoup plus loin, et là maintenant on attend d'avoir des nouvelles informations", raconte-t-il. "Un arrêté sur le secteur nord avait été enlevé, secteur sud je ne sais pas encore."

"On ne compte plus les pollutions autour de nos côtes. Cette mer, symbole de pureté et de vie est soumise à des attaques sans nom. Nos pêcheurs une fois de plus regardent et attendent... Connaissant l’impact sur l’écosystème, mais également les conséquences économiques pour leurs petites entreprises", réagissait dès dimanche le Comité Régional des Pêches maritimes et des élevages marins de Corse dans un message publié sur Facebook.

"Du point de vue environnemental c'est une catastrophe"

La surveillance de l'évolution de la nappe au large est active, avec des moyens aériens et maritimes mobilisés. Des opérations de pompage ont commencé dès samedi, et les équipes avaient pu récupérer trois à quatre tonnes d'hydrocarbures, selon la préfecture maritime de Méditerranée.

Localement, des mesures ont été prises pour que la pollution ne se répande pas. L'Étang de Palo, proche de la commune de Solaro (Haute-Corse), touchée par des résidus d'hydrocarbure, a ainsi été fermé en urgence samedi pour éviter sa contamination, mais cette fermeture pourrait mettre en danger sa faune et sa flore. La réouverture est prévue mardi, sous réserve que la situation soit meilleure.

"Ce matin on a eu des taux d'oxygénation de l'eau qui sont decendus à 15%, donc maintenant il est primordial de réouvrir pour pouvoir oxygéner l'eau et pour la santé de l'étang", explique à BFMTV Gaylord Pignol, pêcheur. "Du point de vue environnemental c'est une catastrophe, parce que là ce n'est pas uniquement le poisson qui risque de mourir, c'est vraiment toute la complexité du biotope qui va en pâtir".

"Retrouver les voyous des mers qui en sont responsables"

"Quand on regarde l'eau on s'aperçoit qu'il y a encore des boulettes d'hydrocarbure, donc on peut considérer que tout ça va revenir assez rapidement sur la côte" explique mardi à BFMTV Ange-Toussaint, chef de section de la sécurité civile de Haute-Corse.

Une pollution localisée et en faible quantité est attendue dans les jours à venir. Les préfectures soulignent d'ailleurs qu'en "cas de découverte de résidus d’hydrocarbures, il faut immédiatement joindre la gendarmerie (17) ou les pompiers (18) et ne pas les ramasser soi-même".

Une enquête a été ouverte par le parquet de Marseille, compétent pour les affaires de pollution maritime sur le littoral méditerranéen français, qui a assuré lundi dans un communiqué que tout était "mis en œuvre pour identifier le commandant et la compagnie responsables de cette pollution". Selon le parquet, "le criblage a permis d'identifier un certain nombre de navires suspects et les vérifications sont en cours".

La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili a de son côté assuré que "3 bateaux sont identifiés comme les auteurs potentiels" de cette pollution. La ministre de la mer Annick Girardin a parlé de "retrouver les voyous des mers qui en sont responsables".

L'ONG de protection des océans SurfRider a, elle, annoncé porter plainte contre X. "Nous souhaitons que ce cas de pollutions orpheline ne reste pas impuni et qu’il fasse au contraire cas d’école", explique-t-elle.
Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV