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Environnement

Oliviers, kiwis, bovins... Les viticulteurs bordelais en difficulté poussés à se diversifier

Un vignoble de Pessac-Léognan du Château Picque Caillou, le 2 août 2022 à Mérignac près de Bordeaux

Un vignoble de Pessac-Léognan du Château Picque Caillou, le 2 août 2022 à Mérignac près de Bordeaux - Philippe LOPEZ © 2019 AFP

La région Nouvelle-Aquitaine veut inciter les viticulteurs à diversifier leurs activités pour être moins dépendants du marché viticole bordelais. Une stratégie qui demande des investissements financiers qui peuvent être un frein.

Entre deux rangs de cabernet sauvignon, les plants d'oliviers s'enracinent: à Courpiac en Gironde, dans l'Entre-deux-mers, un viticulteur a choisi de varier ses sources de revenus. Sur une parcelle bordée de ceps qui bourgeonnent, Thomas Solans profite d'une fraîche matinée de printemps pour planter une variété d'oliviers importée du Portugal et habituée aux climats océaniques.

"Ici, avant, il y avait de la vigne. On l'a arrachée pour faire ce carré et voir si ça marche", sourit le vigneron de 38 ans en fichant des piquets en terre pour aligner ses arbustes.

S'il a choisi d'élargir sa palette, c'est notamment pour être moins dépendant du marché viticole bordelais, en plein marasme. "Des crises, on en reverra d'autres", explique-t-il à l'AFP. Planter des oliviers, "c'est essayer d'anticiper", même si "les gens vont nous prendre pour des fous".

Des viticulteurs en difficulté

La polyculture était de mise en Gironde jusque dans les années 1980, avant que l'essor du vin et la spéculation foncière n'évincent certaines productions. En 2021, 85% des exploitants agricoles du département étaient des viticulteurs, une proportion bien plus élevée qu'au niveau national.

Désormais, le premier vignoble AOC de France avec 110.000 hectares est en souffrance: surproduction évaluée à un million d'hectolitres, effondrement des prix pour les appellations les moins prestigieuses... En janvier, plus d'un vigneron sur trois se déclarait en difficulté auprès de la Chambre d'agriculture.

En réponse, l'État et l'interprofession ont annoncé un plan de distillation des excédents et une campagne d'arrachage "sanitaire" de quelque 10.000 hectares, à hauteur de 57 millions d'euros... sans désarmer la contestation de certains producteurs, réunis au sein du collectif Viti33, pour qui ce n'est pas suffisant.

Incitation à la diversification

La région Nouvelle-Aquitaine, elle, compte investir 10 millions d'euros de fonds régionaux et européens pour aider "au moins 300 viticulteurs" à se diversifier, soit en moyenne 25.000 à 35.000 euros par exploitation... à condition d'arracher au moins trois hectares. Outre l'olivier, la Chambre d'agriculture évoque d'autres pistes: forêt, prairies de fourrage, kiwi, chanvre, tabac, houblon, noisette, raisin de table, canards, agneaux de Pauillac, bovins, oenotourisme, énergies renouvelables...

"L'important, c'est de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, du fait des aléas climatiques et surtout économiques", résume Philippe Abadie, directeur du pôle entreprises à la Chambre d'agriculture, qu'une centaine de viticulteurs ont déjà sollicitée. À la Région, on vise une cinquantaine de "pionniers" d'ici 2024.

Le montant des investissements nécessaires (50.000 à 80.000 euros par hectare pour le kiwi, par exemple), comme l'âge et la situation financière des vignerons, restent cependant des freins à cette réorientation. "J'ai 54 ans, je ne vais pas me lancer dans une autre production", confirme Romain Loustal, vigneron qui produit aussi des céréales, après avoir assisté fin mars à l'une des "Rencontres de la diversification", organisée par la Chambre d'agriculture à Sauveterre-de-Guyenne.

S.C avec AFP