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Environnement

Les "mégafeux" australiens ont entraîné une prolifération d'algues dans le Pacifique

Les feux ravageant l'Australie.

Les feux ravageant l'Australie. - AFP

Selon des travaux scientifiques parus à la mi-septembre et épluchés par la presse ce jeudi, les brasiers qui ont enflammé les forêts australiennes en 2019-2020 ont été à l'origine d'une multiplication du phytoplancton sous les mers, à des milliers de kilomètres de là.

Les images, effroyables, nous avaient accompagnés tout au long de la seconde partie de l'année 2019, s'enfonçant jusqu'aux premiers mois de 2020. Entre juin et mars, en effet, des feux de brousse ont dévasté l'Australie, à commencer par la Nouvelle-Galles-du-Sud, avant de déborder les zones boisées.

Au terme de ce cataclysme emblématique du dérèglement climatique: 19 millions d'hectares ravagés, un milliard d'animaux morts dans les flammes ou au milieu d'un biotope calciné... et 715 millions de tonnes de CO2 rejetées dans l'atmosphère.

Et si de ces nuages de cendres avait jailli une lueur? Et si l'océan, épongeant une nouvelle fois l'ambiance viciée de la surface, y avait pour une fois trouvé son compte? C'est l'hypothèse d'une étude parue le 15 septembre dernier sous la férule de chercheurs attachés à des institutions diverses mais d'égal prestige, comme Princeton, ou encore Duke. Selon ces travaux publiés dans la revue spécialisée Nature - et titrés les Incendies de forêts australiens de 2019-2020 à l'origine de larges efflorescences de phytoplancton - le CO2 a provoqué l'apparition et la multiplication d'algues, ou phytoplanctons, dans une zone pourtant distante de milliers de kilomètres de l'Océanie, située face à la Patagonie.

Une aubaine?

Les mensurations de cette efflorescence sont impressionnantes. On parle ici d'une diffusion d'algues au long d'une région marine forte de neuf millions de km2. Ce "bloom phytoplanctonique", d'après une terminologie plus anglosaxonne, a été mesuré de deux manières, comme l'a détaillé ici le National Geographic dès le 21 octobre. Tout d'abord, un relevé satellitaire a permis de mettre en évidence une présence massive et inédite de chlorophylle dans ces eaux barbotant entre la Tasmanie et le Chili. De surcroît, les chercheurs ont pu s'appuyer sur les données collectées par les flotteurs Argo, des machines qui draguent les fonds jusqu'à 1000 mètres et sur des périodes de dix jours.

Et voilà qu'après le marasme écologique des incendies, on se prend à espérer d'un inattendu effet d'aubaine, d'un rééquilibrage des affres terrestres à travers un bénéfice pour l'océan. Car le plancton a pour lui, notamment, de servir de pitance aux poissons et aux mammifères, et leur permet donc de croître et se multiplier. Toutefois, certaines variétés contiennent également des toxines, à même d'attaquer leur système nerveux voire de causer leur mort, contrebalance le National Geographic. La prudence scientifique reste donc de mise.

Par la grâce du fer

Reste à expliquer le phénomène de cette formation de bancs d'algues gigantesques après des incendies si lointains. La piste avancée par les auteurs de l'étude, et résumée ici par cette chronique de France Info ce jeudi, est la suivante: les feux ont généré des particules fines contenant du fer. Celles-ci sont bien sûr destinées à retomber dans les sols ou les eaux. Or, moyennant les bonnes conditions météorologiques, ces particules ont cette fois-ci voltigé jusqu'à une zone habituellement pauvre en fer, y provoquant une efflorescence d'algues, celles-ci se nourrissant aussitôt des cendres descendues à leur portée. Ce qui explique d'ailleurs qu'elles aient disparu comme elles étaient apparues, au bout de quatre mois, une fois que les brasiers ont cessé de les alimenter.

Le "Billet sciences" de la radio publique remarque un dernier mécanisme naturel salutaire observé à la faveur de ce "bloom phytoplanctonique": grâce à la photosynthèse, les algues ont absorbé une majeure partie du carbone rejeté par les feux.

Prudence autour d'un "Graal"

"Le Graal pour nous, serait de déterminer si ce phénomène a permis de contrebalancer le taux de CO2 diffusé dans l’air", a ainsi déclaré Nicolas Cassar, coauteur de l'étude auprès du National Geographic. Il conserve cependant une réserve quant à savoir si on peut tabler sur la réédition de ce phénomène, et s'il permet vraiment de pallier même partiellement la catastrophe représentée par ce type d'incendies: "C’est la bonne question, mais nous n'avons pas de réponse. La première étape est de démontrer qu’il y a un effet. S’il est fréquent, il va falloir que l’on modifie ou que l’on améliore les modèles climatiques pour inclure cet effet".

C'est pourquoi, comme le précise le magazine, son équipe travaillera directement avec des acteurs présents lors de prochains feux afin d'observer les réactions de l'environnement local.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV