Le "feu du siècle": cet incendie qui a fait 82 morts en 1949 en Gironde

L'incendie de 1949 dans le massif forestier des Landes de Gascogne est le plus meurtrier du XXe siècle. Il a eu lieu au milieu d'un été où les feux avaient déjà ravagé des milliers d'hectares dans la région, à la suite de fortes sécheresses.

"Nous avons ici face à nous l'un des plus grands feux de notre histoire", a déclaré le président de la République Emmanuel Macron mercredi, en déplacement dans la Gironde, où les incendies ont ravagé plus de 20.000 hectares en une semaine. Parlant d'un "phénomène exceptionnel", il a également rappelé les précédents historiques en termes d'incendies, notamment les feux de 1949 dans le massif forestier des Landes de Gascogne, qui "ont marqué les esprits".

L'incendie d'août 1949 est surnommé "l'incendie du siècle", notamment parce qu'il est le plus meurtrier du XXe siècle: 82 personnes, notamment des sauveteurs, ont péri dans ses flammes et près de 40.000 hectares sont partis en fumée.

"Ce tableau noir de l’année 1949"

Comme cette année, les incendies ont été nombreux en France en 1949, notamment en raison de la grande sécheresse qui a frappé le pays. Météo-France cite la période de février 1949 à avril 1950 parmi les sécheresses les plus importantes de ces dernières décennies dans le pays. Du côté des feux, l'année 1949 "fut dramatique pour le département" des Landes, écrivent les autorités départementales dans un rapport de 2010.

Et au cours de cette année critique, "c’est le feu du 19/20 août de Saucats qui contribue le plus à ce tableau noir de l’année 1949", est-il précisé.

Le vendredi 19 août, un départ de feu est signalé à Saucats (Gironde), au sud de Bordeaux. L'enquête révélera par la suite que l'incendie est parti d'une scierie, où un ouvrier a allumé une cigarette. Une couverture s'embrase, puis la cabane, puis le feu atteint la forêt, raconte Le Parisien.

Dans la commune de Cestats, à proximité, le feu "prend très vite d'immenses proportions" alors que "les moyens de lutte sont mobilisés ailleurs", sur les autres incendies du territoire, rappelle l'INA. À cette époque, des pompiers avaient même été envoyés en renfort d'Angleterre dans le département. "Les secours manquent de tout, et d'abord d'eau", raconte Le Parisien.

Le peu d'entretien de la zone forestière pendant la Seconde Guerre mondiale, et un vent changeant ce jour-là, contribuent également à ce que les flammes se répandent rapidement. Sur place, des contre-feux "allumés parfois de façon peu judicieuse" aggravent même la situation", explique l'INA.

Une tornade de feu fait 82 victimes

L'épisode tragique de cet incendie concerne la mort de 82 sauveteurs le samedi 20 août après-midi, victimes d'un changement de sens du vent violent dans la commune du Barp.

Il s'agit d'un "phénomène encore mal expliqué aujourd’hui de 'tempête de feu' qui emporte en quelques instants la vie de 82 sauveteurs: sapeurs-pompiers, habitants et militaires venus en renfort...", peut-on lire sur le site de l'Institut des Risques Majeurs IRMA, dans la présentation du livre L'incendie meurtrier. Dans la forêt des Landes en août 1949. En somme, le vent fait un demi-tour complet sur les sauveteurs qui se retrouvent pris au piège d'un air brûlant.

"Une équipe sous les ordres du maire de Saucats répare un contre-feu quand [une tornade de feu] les surprend. Elle sera visible à plus de 100 km" raconte l'INA.

"La température monte à plus à de 1000°C, ne laissant aucune chance à ceux qu'elle rencontre. Des bâtiments situés à 300 mètres s'embrasent instantanément. Cette tornade aurait pour cause l'explosion d'un gaz produite par l'association de composés volatils dégagés par les pins en combustion, de fines particules de poussière et de carbone en suspension dans l'air", ajoute l'institut.

Photo d'une maison brulée par les flammes le 22 août 1949 dans la forêt des Landes de Gascogne © INTERCONTINENTALE / AFP

Cet épisode laisse la région sous le choc, 10 communes déplorent des victimes. Le maire de Saucats, Louis Giraudeau, âgé de 44 ans, est ainsi retrouvé mort. La commune de Canéjan paie le plus lourd tribu avec 29 victimes, selon la municipalité. "Dans un village qui compte à peine 500 habitants, le traumatisme est très fort. Presque toutes les familles sont touchées par le deuil. Aujourd’hui encore, la date du 20 août est commémorée", écrit la mairie de cette commune.

Le 33e Régiment d'Artillerie basé à Poitiers est aussi décimé, avec 25 morts. "Le 24 août ont lieu les funérailles des militaires tombés lors de cet incendie. Il est décerné à chacun la Médaille militaire à titre posthume", écrit l'INA.

Des monuments aux victimes ont été érigés dans certaines des communes meurtries, avec des commémorations pour rappeler cet épisode tragique.

Plus de 50.000 hectares brûlés

Le feu sera "fixé le 24 août à la Brède mais laissera des cicatrices profondes pendant de nombreuses années dans le paysage et dans les mémoires", écrit le département des Landes.

En tout cet été-là, "plus de 50.000 hectares de forêt ont été brûlés en Gironde, et pas moins de 35.000 par le gigantesque incendie qui a ravagé la commune et les communes avoisinantes au mois d'août", écrit le maire de Saucats Bruno Clément dans le journal municipal en octobre 2019.

Cette crise majeure a conduit à la mise en place de nouvelles mesures pour les incendies, l’État a par exemple élaboré "un atlas départemental du risque feu de forêts" et "cet atlas a permis d’identifier les communes les plus sensibles aux incendies de forêt", écrit le département des Landes.

"Il y a des événements qui sont souvent des bascules dans la doctrine", déclarait mercredi Emmanuel Macron, au sujet des grands incendies en France, après avoir annoncé plusieurs mesures pour que des incendies comme ceux en cours en Gironde ne se reproduisent pas.

Salomé Vincendon Journaliste BFMTV