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Environnement

Le continent de plastique du Pacifique est tellement installé qu'un écosystème côtier s'y est formé

Des déchets plastiques sur les rives de la rivière Jukskei à Johannesburg, le 3 juin 2018 (Photo d'illustration)

Des déchets plastiques sur les rives de la rivière Jukskei à Johannesburg, le 3 juin 2018 (Photo d'illustration) - Gulshan Khan

Crustacés, anémones, mousses... Des chercheurs ont découvert de nombreuses espèces peuplant cette masse de plastique flottante, à des milliers de kilomètres de leur lieu d'origine.

Un tourbillon de déchets de près d'1,6 million de km², soit plus que la France, l'Allemagne et l'Espagne réunies, au milieu de l'océan Pacifique. Ce lieu peut paraître hostile et peu attractif pourtant, des scientifiques y ont découvert de nombreuses espèces, dont des dizaines non-indigènes à la haute mer.

Une étude publiée ce lundi dans la revue Nature Ecology & Evolution révèle en effet que des organismes côtiers comme des crabes, des anémones ou des mousses vivent sur ce continent de plastique, à des milliers de kilomètres de leur lieu d'origine.

Espèces côtières au milieu de l'océan

Les scientifiques ont prélevé et examiné des échantillons de déchets pêchés entre la Californie et Hawaï de novembre 2018 à janvier 2019. Ils y ont trouvé 46 espèces différentes, dont 37 évoluent normalement dans des habitats côtiers, originaires principalement de pays comme le Japon, de l'autre côté de l'océan.

"Il a été surprenant de constater à quel point les espèces côtières étaient fréquentes", affirme à CNN Linsey Haram, chargée de recherche scientifique à l'Institut national de l'alimentation et de l'agriculture et auteure principale de l'étude.

Selon cette étude, ces créatures peuvent se propager rapidement en se nourrissant des couches de mucus formées par les bactéries et des algues sur les plastiques flottants.

Prédation entre les deux groupes

Si la présence d'autant de plastique dans les océans est une menace pour de nombreuses espèces de la biodiversité marine, d'autres réussissent donc à survivre et à se reproduire sur ces déchets plastiques qui y flottent depuis des années.

L'existence de ce continent de plastique a donc entraîné la création de nouveaux écosystèmes composés d'espèces qui ne sont normalement pas en mesure de survivre en pleine mer. Mais avec quelles conséquences? Une précédente étude menée par la même équipe de chercheurs en 2021 avait averti que ces passagers pouvaient, en investissant ainsi de nouvelles zones, venir perturber des espèces qui y vivaient déjà.

"Il y a probablement une compétition pour l'espace, car l'espace est très limité en haute mer, et une compétition pour les ressources alimentaires, mais il se peut aussi qu'elles se mangent les unes les autres. Il est difficile de savoir exactement ce qui se passe, mais nous avons constaté que certaines anémones côtières mangeaient des espèces de haute mer, et nous savons donc qu'il y a une certaine prédation entre les deux communautés", explique Linsey Haram.

Pollution plastique

Pour le moment, les chercheurs ne savent pas précisément comment ces espèces côtières se sont retrouvées sur le continent de plastique. En 2012, des déchets plastiques "habités" avaient déjà été retrouvés sur les côtes nord-américaines, dispersés par le tsunami de 2011 au large du Japon.

En effet, selon l'initiative Ocean Cleanup, il y a environ 80.000 tonnes de plastique dans ce "continent", dont la majorité provient de l'industrie de la pêche et entre 10 et 20% du tsunami japonais, rapporte CNN.

Le continent de plastique, découvert en 1997, est la plus grande accumulation de plastique océanique au monde. Il ne s'agit pas d'un seul tenant mais plutôt une immense traînée de déchets qui s'agglutinent sous l'effet d'un gyre, un courant tourbillonnant.

Selon plusieurs études, la production de plastique pourrait doubler d'ici 2050. En conséquence, les pays du groupe du G7 se sont engagés dimanche à réduire à zéro leur pollution plastique d'ici à 2040.

Salomé Robles avec AFP