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Environnement

La marque responsable: un défi pour l'entreprise

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L'adjectif "responsable" supplante de plus en plus "durable". Etre une entreprise qui assume ses choix environnementaux et sociétaux tout en étant rentable, ce serait la clé de la réussite de demain. Est-ce si simple? L'agence de communication et de design Pixelis organisait ce mardi une matinée de débats riches en enseignement.

"Le développement durable sera un nouvel humanisme. C'est la seule chance de survie des entreprises". Le décor est planté avec cette phrase du sociologue Christian Gatard prononcée lors d'une matinée de débat sur les entreprises responsables, organisée par l'agence de communication et de design Pixelis.

Une enquête d'Ethicity enfonce le clou: 88% des consommateurs français prennent en compte l'action environnementale de l'entreprise dans leur décision d'achat. De quoi faire très peur. Toutes les entreprises ont désormais conscience qu'il faut bouger. Cabinet d'audit, opérateur télécoms, industriel et distributeur, leurs représentants ont échangé en toute franchise.

Une marque responsable, c'est évidemment une question d'images. C'est ainsi que Ernst&Young met en avant la confiance que l'on peut, que l'on doit lui porter. Un cabinet d'audit jeune, 4.000 employés et une moyenne d'âge de 28 ans. En interne le bien-être au travail est mis en avant. Et parfois il y a un fossé entre le discours et la réalité. Qui n'a jamais échappé à cette réflexion en partant à 18 heures: "tu as pris ton après-midi?" Quand des profils sont recrutés pour leur résistance au stress et le nombre d'heures travaillés, il est plus que compliqué de dévoiler aux yeux de tous que l'on a bouclé le dossier plus tôt que prévu. Et pourtant la qualité du travail est la même.

Social washing?

Pour Orange, la problématique était encore plus complexe à l'origine. Une lourde crise sociale en 2008-2009. Des salariés qui se suicident et des mots mal venus du côté de la direction. Le nouveau patron a lancé "Conquête 2015".

Quatre axes de développement pour l'opérateur: les réseaux, les clients, l'international mais aussi les femmes et les hommes d'Orange. Dans un premier temps un nouveau contrat social a été adressé à chacun. Et puis une charte "employeur"mondiale a vu le jour. Orange, ce sont tout de même 220 pays. Et une même communication partout dans le monde. Richesse des métiers, formation et égalité professionnelle, la marque employeur est résolument responsable. Mais attention à la frontière ténue avec le "social washing".

Orange reste donc en éveil avec un baromètre permanent. La quasi-totalité des salariés trouve désormais que travailler chez Orange c'est mieux ou équivalent à d'autres opérateurs. Seuls 3% estiment que c'est pire. Orange vise évidemment 0%. Gérer une image d'entreprise engagée n'est donc pas si simple.

OGM ou huile de palme?

Qu'en est-il en termes de produits? Unilever et Carrefour affichent tous deux leurs ambitions. L'industriel et le distributeur travaillent d'ailleurs parfois ensemble. Des économies d'énergie, une réduction conséquente de l'impact environnemental (diviser par 2 dans 10 ans, c'est l'objectif d'Unilever). Certaines marques se veulent des produits phares. Unilever sensibilise à la "vraie beauté" avec Dove ou au brossage des dents des plus jeunes avec Signal. Carrefour fait comprendre à ses clients qu'il est fini le temps où nous gelions au rayon "surgelés". Ils seront tous fermés à l'horizon 2020.

Avec ses 20.000 producteurs, le distributeur élabore une stratégie au quotidien. Et assume ses choix: faire disparaitre l'huile de palme n'est pas si raisonnable économiquement. Alors il opte pour l'huile de palme... responsable. Un discours qu'il faut tenir. A contrario, pas question d'OGM chez Carrefour. C'est donc au Brésil qu'il va chercher ses sojas sans OGM. Une démarche parfois difficile.

Valeur ajoutée partagée

De tels choix impliquent de réinventer un modèle économique. La réglementation pousse à bouger. C'est ainsi que l'éco-contribution soutient les filières de recyclage à l'image d'Ecofolio pour le papier. Un papier a cinq vies. Chaque année, Ecofolio collecte cette éco-contribution auprès des émetteurs de papiers puis la reverse sous forme de soutiens financiers aux collectivités locales en charge du service public de gestion des déchets. Et que dire d'un acteur public comme Eaux de Paris. Grâce à lui les Parisiens ont de l'eau du robinet sans souci. Pour le même prix alors que les coûts augmentent. La consommation, pendant ce temps-là diminue: 2 à 3 % par an car le tissu économique évolue en Ile-de-France (moins d'industrie et plus de tertiaire). Eaux de Paris a encore cinq ans de visibilité mais son modèle pourra-t-il tenir? Finalement moins d'eau prélevé serait une victoire mais obligerait aussi à revoir toute une politique publique. Les vases vont devoir communiquer.

Penser en terme de "valeur ajoutée partagée", voilà un défi à relever et un changement de mentalité forte pour les patrons d'aujourd'hui et demain. Et se dire que des investissements pourront être porteurs tout comme la capacité à s'adapter à notre environnement. Les consommateurs sont attentifs: 8 sur 10 estiment d'ores et déjà que les marques qui ont une véritable raison d'être s'ouvriront des opportunités business. Le mot est lâché...

Nathalie Croisé de BFM Business