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Faut-il craindre une invasion de moustiques en France?

Le moustique tigre (Aedes Albopictus) est la seule espèce en France à présenter un risque.

Le moustique tigre (Aedes Albopictus) est la seule espèce en France à présenter un risque. - -

Un site publie des bulletins d'alerte assez inquiétants à l'heure où l'Aube est envahie par les insectes piqueurs. Faut-il pour autant avoir peur de potentiels risques pour la santé?

"Les crues et les débordements de nappes phréatiques d'avril dernier ont fait éclore des milliards d'oeufs". La phrase d'Alain Boyer, président du syndicat de démoustication Marne-Aube a de quoi faire peur. Il faut dire qu'aux alentours de Troyes, la Seine est sortie de son lit pendant plusieurs jours et le soleil ayant fait son retour, les conditions sont idéales pour voir apparaître les insectes piqueurs, relate L'Est Eclair.

Dans le même temps est apparu un site Internet, vigilance-moustiques.com qui publie des cartes assez inquiétantes qui répertorient les cas de piqûres. Le département de l'Aube y apparaît notamment en rouge. Y a-t-il une invasion de moustiques en France à l'heure actuelle? Doit-on craindre des risques sanitaires liés à leur présence? Eléments de réponse.

Attention aux informations diffusées

Première mise au point, de la part du ministère de la Santé contacté par BFMTV.com, le site Vigilance-moustiques n'a "aucun lien avec les autorités nationales ou locales". Il s'agit d'un site d'initiative privée à vocation commerciale. D'ailleurs, le communiqué de presse de présentation fait état de liens avec un laboratoire qui produit et commercialise des anti-moustiques. En France, la surveillance des moustiques est organisée par les collectivités locales et les ententes interdépartementales de démoustication pour les questions de nuisances ou par le ministère de la Santé quand cela pose un problème de santé publique.

Et si le site présente un certain nombre de données officielles publiques tout à fait justes, il se base également sur des sources qui lui sont propres et "qui ne sont pas validées officiellement", met en garde Didier Fontenille, directeur du Centre national d'expertise sur les vecteurs en charge notamment de la lutte et la gestion des risques liés aux moustiques. "Ça ne veut pas dire que les données sont fausses mais elles n'ont rien de scientifique", insiste-t-il.

De fait, l'Aube connaît bien un épisode important d'émergence de moustiques. "Mais cela n'a rien d'exceptionnel après les épisodes météorologiques des dernières semaines." Même si, sur place, les professionnels estiment n'avoir pas vu autant d'insectes depuis 1985.

Pas de lien entre nombre de piqûres et danger potentiel

Question méthodologie, l'expert pointe une base de données assez floue, basée sur des signalements de piqûres par des particuliers ou des pharmaciens, qui n'a rien à voir avec les outils officiels de surveillance. "Les cartes sont basées sur le ressenti de quelques personnes, rien de plus. Quel est leur sens? Je ne sais pas très bien..." Elles indiqueraient donc plus particulièrement les lieux où de nombreuses personnes ont été piquées mais pas forcément les endroits où les moustiques sont les plus nombreux.

"Le risque, surtout, c'est de faire inutilement peur aux gens", s'inquiète Didier Fontenille. "On pourrait croire qu'un département marqué en rouge signale une zone dangereuse. Or, il n'en est rien! Le nombre de piqûres n'a rien à voir avec le danger potentiel."

Seul le moustique tigre est dangereux

Le spécialiste insiste sur la différence entre confort et santé publique. "Se faire piquer par un moustique est désagrable mais dans la majorité des cas, cela ne pose aucun problème sanitaire."

Car il faut savoir qu'il existe plus de 3.500 espèces de moustiques sur la planète. "En France, elles sont plus d'une centaine. Mais une seule espèce peut être vecteur de maladies. Il s'agit du moustique tigre qui n'est présent que sur le pourtour méditerranéen en métropole et dans les zones tropicales en outre-mer", explique le spécialiste des moustiques. Et ce n'est pas parce que le moustique tigre est présent qu'il transmettra nécessairement une maladie. Encore faut-il que les virus dont il est vecteur soient présents, que l'insecte pique une personne infectée et qu'il survive assez longtemps pour piquer une autre personne... De quoi relativiser le risque de voir apparaître une épidémie de chikungunya ou de dengue en métropole. "Le risque n'est pas nul mais il est rare, il faut toute une suite d'événements défavorables pour cela", précise Didier Fontenille.

Alors, pas de panique! Si les moustiques sont bien là, comme à chaque début d'été, et qu'ils est particulièrement désagréable de devoir quitter plus tôt la terrasse le soir pour éviter d'être dévorés, il n'y a, à l'heure actuelle, pas de vigilance particulière.

Violaine Domon