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Environnement

Coraux: une étude prouve l'effet négatif de substances chimiques, dont celles de crèmes solaires

Blanchissement de corail sur la Grande Barrière d'Australie, le 7 mars 2022

Blanchissement de corail sur la Grande Barrière d'Australie, le 7 mars 2022 - Glenn NICHOLLS

L'Agence de sécurité sanitaire (Anses) a étudié l'impact d'une cinquantaine de substances chimiques, comme les filtres UV et les métaux, sur les coraux. Les composantes de certaines crèmes solaires sont notamment pointées du doigt.

L'effet négatif de certains composés chimiques sur les coraux est confirmé par une étude parue ce lundi et menée Outre-Mer par l'Agence de sécurité sanitaire (Anses), qui identifie notamment des substances toxiques présentes dans les crèmes solaires.

La moitié des substances testées considérée à risques

"L'expertise montre que la moitié des substances évaluées peut présenter des risques pour les récifs coralliens et contribuer à leur dégradation", conclut l'Anses.

"L'Agence alerte sur le fait que, faute de données disponibles, ce nombre est très probablement sous-estimé", précise-t-elle.

Les récifs coralliens abritent près de 100.000 espèces vivantes et font partie des écosystèmes les plus riches de la planète. Les récifs coralliens de Guadeloupe et plus largement du nord des Antilles ont été placés la semaine passée en alerte maximale par l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA en anglais), pour "blanchissement sévère et risque de mortalité probable".

Filtres UV et pesticides passés au crible

"Nous nous sommes appuyés sur une étude de l’Office français de la biodiversité et de PatriNat (OFB-MNHN-CNRS-IRD) qui recense des substances chimiques susceptibles d’avoir des effets toxiques sur les coraux", explique dans le rapport Karen Burga, coordinatrice de l'étude.

"Nous avons ensuite croisé les seuils de danger applicables aux coraux pour ces substances aux niveaux de concentration observés dans l’environnement. Cela nous a permis d’identifier les substances à risques pour les coraux situés en Guadeloupe, Martinique, à Mayotte et à la Réunion", développe-t-elle.

Au total, une cinquantaine de substances ont été étudiées appartenant à la famille des filtres UV, des hydrocarbures, des pesticides et des métaux.

L'Anses avait été saisie en 2018 par le gouvernement, conjointement avec l'Office français de la biodiversité (OFB), pour réaliser un état des lieux. De fait, la France s'intéresse particulièrement à la question car elle abrite 10% des récifs coralliens du monde avec ses Outre-mers.

Une liste de recommandations de l'Anses

En conclusion, l'Anses recommande de créer ou de renforcer la surveillance et le suivi des substances chimiques, de limiter les rejets de substances dangereuses à la source (notamment avec des interdictions réglementaires de mise sur le marché) et d'améliorer les réseaux d'assainissement des eaux usées.

Les experts se penchent, par ailleurs, particulièrement sur les crèmes solaires, alors que l'expertise a "identifié trois substances comme toxiques pour les coraux: l'oxybenzone, l'octinoxate et l'octocrylène".

L'État a été récemment saisi d'une demande de l'Anses pour restreindre l'utilisation de cette dernière substance. La France souhaite toutefois que le dossier soit géré à "l'échelle européenne", notamment dans le cadre de la révision du règlement sur les produits chimiques Reach, avait indiqué une source gouvernementale début juillet.

Une possible évolution des logos des crèmes solaires?

Dans une déclaration transmise à l'AFP, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, s'est dit ce lundi "favorable à ce que la révision de ce règlement permette de prendre en compte l'étude de la toxicité sur les coraux dans l'évaluation de danger des substances chimiques afin que l'impact sur les coraux d'une substance puisse être un motif d'interdiction".

Dans son rapport publié ce lundi, l'Anses souhaite en outre que les assertions de protection de l'environnement et de respect des milieux marins portées par certaines marques de crèmes solaires soient "justifiées".

"La présence d'une des substances mentionnées ci-dessus semble incompatible avec la possibilité de bénéficier de telles allégations", estime l'Agence.

Un point dont s'est saisi Christophe Béchu: "J'ai demandé à mes services d'étudier les possibilités juridiques permettant d'interdire les allégations et logos, présents sur un certain nombre de produits solaires, vantant leur respect du milieu marin", a-t-il dit.

Juliette Desmonceaux avec AFP