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Climat

Sécheresses, inondations... Les femmes, premières victimes des effets du réchauffement climatique

Deux femmes sur une moto dans la ville de Palu, en Indonésie, le 5 octobre 2018, après le tsunami du 28 septembre 2018.

Deux femmes sur une moto dans la ville de Palu, en Indonésie, le 5 octobre 2018, après le tsunami du 28 septembre 2018. - ADEK BERRY / AFP

Un rapport rédigé par le Cese souligne que les femmes sont plus nombreuses à périr en cas d'inondations ou de tremblements de terre, et qu'elles sont les premières à souffrir de la sécheresse.

Le 29 avril 1991, le cyclone Gorky, un des plus meurtriers de l'histoire, frappe le sud-est du Bangladesh. Avec des vents à 250 km/h et une marée cyclonique de six mètres de haut, il entraîna la mort de près de 140.000 personnes, dont une écrasante majorité de femmes. 90% des morts étaient des mortes.

Cette donnée, qui illustre les inégalités de genre face aux conséquences du réchauffement climatique, a été rappelé ce mardi dans un rapport publié par le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Intitulé Inégalités de genre, crise climatique et transition écologique, le document, fruit de plus d'une année de travaux menés par l'avocate et porte parole d'EELV Aminata Niakate et du juriste Antoine Gatet, entend montrer que les femmes sont en première ligne face aux catastrophes naturelles causées par le réchauffement climatique, et en constituent les premières victimes.

"Les femmes sont beaucoup plus impactées et subissent de manière disproportionnée les effets du changement climatique et les désordres environnementaux", note dans sa synthèse le document.

Ouragan Katrina, séisme au Japon...

Dans le détail, les chiffres avancés par les rapporteurs font état d'un constat difficilement discutable. Ainsi, en plus du cyclone ayant frappé le Bangladesh au début des années 90, de multiples autres catastrophes naturelles viennent confirmer la grande vulnérabilité des femmes. Aux États-Unis, après le passage Katrina en 2005, "80% des adultes laissés pour compte à la suite de l'ouragan étaient des femmes".

En Asie du Sud-Est, lors du dramatique tsunami de 2004, 70% des victimes étaient des femmes. Au Bangladesh, 80% de femmes ont péri lors du cyclone Sidr de 2007. En Birmanie, le cyclone Nargis a tué 61% de femmes et de fillettes. Un constat qui n'épargne pas le Japon. La mortalité des femmes lors du tremblement de terre de Kobe en 1995 était de 50% supérieure à celle des hommes.

Même en France, lors de la tempête Xynthia qui a fait une cinquantaine de morts en 2010, "une étude très détaillée sur la mortalité due aux inondations (...) fait apparaître une surreprésentation, avec les enfants, du nombre de décès de femmes suite à la tempête, particulièrement celles de plus de 60 ans qui forment à elles seules 44 % de l’ensemble des victimes de la submersion maritime", note le rapport.

Moins informées en cas de catastrophe

Comment expliquer ces données? D'abord, car les femmes à travers le monde sont plus soumises que les hommes à la pauvreté et à l'illettrisme. Elles sont également victimes des tâches qui leur sont imposées de par leur genre. Le rapport du Cese note que les femmes, à qui incombent les tâches domestiques, sont les dernières à quitter leur domicile et sont moins mobiles que les hommes en cas de catastrophe.

L'accès à l'éducation leur étant limité dans certains pays du monde, "elles ont moins accès à l’information concernant la survenue d’événements climatiques dangereux ou les actions à entreprendre pour s’en protéger". À titre d'exemple, au Bangladesh en 1991, les femmes ont parfois attendu l'autorisation maritale pour prendre la fuite. Sachant moins bien nager que les hommes, elles ont également été entravées par leur sari.

La sécheresse entraînée par l'asséchement des nappes phréatiques et l'augmentation des températures à travers le monde ne fait pas exception. Dans les pays pauvres, les femmes travaillent pour la plupart sur des petites exploitations agricoles dont elles ne sont pas propriétaires. C'est également à elle que revient la tâche de récolter l'eau, rendue encore plus ardue alors que le bien se raréfie, où quand les nappes sont polluées.

Autre conséquence de la sécheresse: les mariages forcés. C'est ce que pointe l'Unicef, qui indique que le nombre de 15 millions de mineures mariées de force chaque année pourrait doubler d'ici à 2050, "en raison du changement climatique".

"La pauvreté engendrée par la sécheresse et les inondations seraient la cause directe de 30 à 40 % des mariages précoces ou forcés au Malawi", note le rapport du Cese.

Plus sensibles au réchauffement climatique

Le constat est d'autant plus amer que les femmes, premières victimes des conséquences du réchauffement climatique, sont également celles qui se mobilisent le plus pour le contenir.

Le Cese note qu'elles sont "plus nombreuses à se dire prêtes à changer leur comportement et leur consommation", mais sont paradoxalement moins présentes dans les organes décisionnels relatifs au changement climatique. Seulement 35% des membres des délégations permanentes de la COP26 étaient des femmes.

"Socialisées très tôt à l’importance du soin, les études montrent qu’elles sont plus promptes à modifier leurs comportements et à initier des mouvements de résistance et de lutte pour préserver la planète", note le rapport du Conseil, qui rappelle une étude menée au Royaume-Uni. Sur 72% de Britanniques déclarant effectuer le tri des déchets, 67% étaient des hommes, 77% des femmes.

Jules Fresard