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Inondations: quelles mesures ont été prises depuis la crue historique de 1910?

La Seine est actuellement à son plus haut niveau dans la capitale depuis 1982. Si on est encore loin des hauteurs de 1910, son spectre est dans tous les esprits. Quels travaux ont été menés depuis cette crue historique? Eléments de réponse avec Emma Haziza, spécialiste du risque inondation, invitée de L'Histoire en direct vendredi.

Paris coule-t-il? Depuis 1982, on n’avait pas vu la Seine aussi haute dans la capitale. Une dizaine de départements impactés, les populations évacuées... Le spectre d’une crue centennale est dans tous les esprits. 

Mais pourrait-on aujourd'hui revoir la Seine monter de 8 mètres à Paris, comme en 1910? Non, pour Emma Haziza, présidente de Mayane, un bureau d'étude spécialisé dans la gestion du risque sur nos territoires. Invitée de l'émission L'Histoire en direct sur BFMTV vendredi soir, l'experte estime que "vu le scénario actuel, on n’atteindrait pas ces hauteurs".

Construction de quatre barrages réservoirs

Depuis cette crue historique, des travaux ont été menés, des mesures ont été prises. "La réflexion a commencé au XXe siècle. Avec la crue de 1910 on s’est dit qu’il fallait construire des barrages réservoirs, situés à l’amont de la Seine. C’est une réflexion qui a continué pendant une vingtaine d’années. On a eu le premier barrage réservoir, puis la Seconde Guerre mondiale a freiné un peu le développement de ces infrastructures", explique Emma Haziza.

Ensuite, selon elle, "il y a eu un vrai déni entre 1930 et 1980". "Tout simplement, parce que sur le plan statistique, il y a eu moins de crues d’ampleur majeure", jusqu'à celle de 1982. 

Désormais, nous disposons de quatre barrages réservoirs. "Ils vont permettre d’absorber 810 millions de mètres cubes d’eau", souligne cette spécialiste du risque inondation. Pas assez, toutefois, pour faire contenir une crue comme celle de 1910, où "on avait six milliards de mètres cubes excédentaires". 

"On n’est pas sur les mêmes niveaux. Bien qu’on puisse réguler, on appelle ça écréter, le pic de crue, ce volume qu’on souhaite conserver reste quand même mineur en comparaison à ces eaux diluviennes qui sont en train de s’écouler sur le bassin parisien", note-t-elle.

"On est en train d’intégrer que le risque est présent"

"Aujourd’hui", avec la crue de ces derniers jours, "on est en train d’intégrer que le risque est toujours présent", analyse donc Emma Haziza.

Est-on alors en train de payer pour une urbanisation à outrance? "Je ne pense pas que ce soit une question d’urbanisme. Aujourd’hui on est obligés de développer nos villes, d’accueillir nos populations", répond-elle. 

Pour autant, si "on a toujours vécu au bord des rivières parce que c’est un bassin de vie", on a aussi "accru la vulnérabilité de nos territoires". "A l’époque, on avait intégré ces crues, et on savait vivre avec et on vivait avec. On avait toujours une grange au rez-de-chaussée", qui permettait de se réfugier à l'étage en cas d'inondation. "C’est devenu le salon."

"Intégrer ce risque inondation devrait être systématique"

"La question c’est comment on va intégrer ce risque inondation dans l’urbanisme. C’est une question qui est très nouvelle, très peu d’architectes, de promoteurs l’intègrent aujourd’hui. Même quand on construit en zone inondable, alors que ça devrait être systématique."

En conséquence, la spécialiste appelle à mener cette réflexion. "On sait faire aujourd’hui. On sait mettre des batardeaux surélever les hauteurs des bâtiments, mettre des clapets anti-retours. On peut mettre en place des choses avant les pilotis."

Car si la crue actuelle est de moindre ampleur que celle de 1910, elle pourrait se révéler plus coûteuse, d'après Emma Haziza. "Avec les niveaux atteints, niveaux de l’ensemble du bassin de la Seine et notamment sur Paris, quels vont être les dégâts dans les heures et les jours à venir?", interroge-t-elle. "Le Paris de 1910, et même de 1982 n’est pas celui d’aujourd’hui. On a des enjeux d’infrastructures, sur le plan économique, qui sont quand même bien plus importants. On voit déjà des dommages, Amazon qui n’arrive plus à livrer ses colis, etc."

V.R.