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Chaleur tardive: quelles sont les conséquences de la hausse des températures automnales sur les fonds marins?

La mer Méditerranée.

La mer Méditerranée. - BFM Marseille Provence

En ce début octobre, les eaux des côtes françaises dépassent régulièrement les 20°C, une température anormalement élevée en cette période de l'année. Les scientifiques s'interrogent sur les conséquences à long terme pour les fonds marins de cette hausse du mercure.

Mers et océans eux aussi touchés. Alors que, ces derniers jours, l'Hexagone connaît une chaleur inhabituelle pour un début octobre, ces températures douces n'en sont pas moins inquiétantes pour les fonds marins, selon certains experts.

2 à 3°C au-dessus des normales

Une eau à 22°C près du Mont-Saint-Michel ou à 24°C à Montalivet plage, près de Bordeaux, ces chiffres, anormaux en plein automne, surprennent les baigneurs, mais surtout, ils alarment les experts.

"On est largement au-dessus des normales de saison", assure Guillaume Séchet, météorologiste pour BFMTV et fondateur du site Météo Villes,

"Dans l'Atlantique, on est 2 à 3°C au-dessus à partir du sud de la Bretagne jusqu'au Pays basque et en Méditerranée, c'est à peu près pareil", dit-il. Un phénomène moins visible dans la Manche qui ne voit pas son mercure grimper de façon aussi notable.

Carte indiquant les écarts de température des eaux en surface en Méditerranée en date du 30 septembre 2023, comparé à la période 1982-2011
Carte indiquant les écarts de température des eaux en surface en Méditerranée en date du 30 septembre 2023, comparé à la période 1982-2011 © CEAM - Fondation du centre d'études environnementales de la Méditerranée

"Il fait 22°C sur toute la côte aquitaine" contre "15 à 19°C habituellement", indique-t-il, assurant que les valeurs observées cette année se rapprochent plutôt de celle d'une "fin d'été".

"Ça s'envole, on bat tous les records de très loin", s'inquiète Guillaume Séchet.

Un été déjà en surchauffe

De fait, ces températures anormalement hautes surviennent alors que cet été déjà, les mers et les océans ont connu une surchauffe inédite.

Selon le Service européen Copernicus sur le changement climatique, la température moyenne enregistrée à la surface des océans pendant la première semaine d'août était de 20,96°C, soit la plus haute jamais établie.

En mer Méditerranée, le thermomètre est même grimpé jusqu'à atteindre une température médiane de 28,71°C fin juillet, là aussi il s'agissait un record.

L'automne, une période où les océans "se régénèrent"

Après les fortes chaleurs connues cet été, le fait que la température des eaux soit à nouveau supérieure aux normales de saison cet automne interroge les scientifiques concernant de possibles conséquences sur les mers et les océans.

"Les canicules marines d'été ont des conséquences dramatiques, parce que les fonds marins doivent supporter des températures extrêmes, mais en automne, ce qui est préoccupant c'est qu'il y a une perturbation du passage des saisons", indique à BFMTV.com Marina Lévy, directrice de recherche CNRS au laboratoire d'océanographie et du climat.

En effet, comme pour la terre, l'automne et l'hiver sont des périodes essentielles pour les océans. C'est une époque de l'année pendant laquelle "les océans se régénèrent", assure à BFMTV.com Roland Séférian, chercheur Météo-France au Centre national de recherches météorologiques (CNRM).

"Dans une situation normale, en automne, avec le mistral en Méditerranée, les eaux vont perdre en température, donc l'eau devient dense, chute au fond et apporte de l'oxygène et des nutriments nécessaires pour les espèces des fonds marins", explique-t-il.

L'écosystème bousculé

Désormais, avec le réchauffement de la température des eaux en surface, lié non seulement aux températures anormalement douces en automne, mais aussi aux canicules marines l'été, les scientifiques s'interrogent.

"L'accroissement de la chaleur dans les océans de façon anormale va perturber la dynamique de l'écosystème", notamment en perturbant la croissance et le cycle de reproduction des espèces marines, estime Roland Séférian.

On pourrait potentiellement voir se "modifier l'écosystème" et la "fertilisation marine qui est très importante pour les micro-algues mangées par les poissons", abonde Marina Lévy.

"Le cycle total est perturbé (...). Ça pose question sur la résilience de l'écosystème à long terme", indique le chercheur à Météo-France.

Des conséquences encore largement inconnues

Les scientifiques se montrent cependant prudents quant aux conséquences concrètes pour la faune et la flore marines. Si la prolifération d'algues marines a déjà été observée, l'impact à long terme de l'augmentation de la température des eaux reste encore incertain.

"On ne sait pas quelles espèces vont en souffrir et lesquelles vont en profiter", souligne Marina Lévy.
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L'océanographe avance que cette évolution pourrait modifier l'équilibre entre espèces dominantes et espèces dominées, ce qui peut potentiellement bouleverser tout l'écosystème, mais sans que cela ne soit encore observé ou encore moins confirmé.

"Ce sont des conséquences qu'on modélise, mais il y a une grande différence avec le fait de les observer", souligne Roland Séférian, tout en se disant malgré tout "inquiet" car "cela présage de qui va se passer au long terme".

Juliette Desmonceaux