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La télémédecine est désormais remboursée en France

À partir de ce samedi, les consultations de médecins en visioconférence sont remboursées par la Sécurité sociale. Un marché sur lequel de nombreuses entreprises souhaitent se lancer, mais qui suscite aussi de la confusion chez les professionnels.

À compter de samedi, le remboursement des consultations de médecins libéraux par visioconférence se généralise en France: une aubaine pour de nombreuses entreprises désireuses de conquérir ce nouveau marché, avec des approches parfois divergentes et pleines d'incertitudes.

"Enfin, il y a un premier modèle d'activité pérenne et assez universel" pour la télémédecine en France, "bien au-delà des dispositifs précédents", expérimentaux et disparates, déclare Arnaud Billy, directeur de Docavenue, filiale de télémédecine du groupe de logiciels médicaux Cegedim.

"C'est un changement de paradigme, c'est copernicien" s'enthousiasme aussi Nicolas Wolikow, cofondateur et patron de Qare, autre start-up de télémédecine. Il prédit une progression "graduelle" de cette pratique en France, tout en misant aussi sur "un effet de curiosité au départ". Au final, "cela va beaucoup dépendre des médecins".

Une majorité de médecins favorables

Après des années de défiance, une majorité d'entre eux seraient désormais favorables au développement de la télémédecine, assurent les acteurs du secteur, sondages à l'appui.

En réalité, "il y a beaucoup d'incertitudes sur le niveau de formation et d'adhésion des médecins" à cette nouvelle pratique, tempère Mickaël Chaleuil, président de l'association Agir pour la télémédecine. "De nouveaux acteurs naissent chaque jour, beaucoup de mutuelles et d'assurances s'y intéressent, des sociétés étrangères aussi. C'est très épars et on n'arrive pas à avoir un état des lieux précis", relève-t-il.

Côté assureurs, le géant Axa, notamment, offre différents services de télémédecine et finance des projets dans le secteur, tandis que le groupe mutualiste VYV (Harmonie, Isty, MGEN) a racheté l'an dernier la start-up MesDocteurs.com.

En juin, le groupe suédois de télémédecine Kry a levé 66 millions de dollars pour préparer son lancement en France et en Royaume-Uni. Quant à Doctolib, il a aussi des vues sur ce segment connexe à son activité historique de prise de rendez-vous médical en ligne.

On ne remplace pas l'examen physique

Quels genres de services permet une téléconsultation médicale? La majorité des plates-formes comptent d'abord se concentrer sur des actes sans prise de mesure, tout en envisageant de recourir à des objets de santé connectés par la suite. "On ne va jamais remplacer des examens physiques. On vise d'abord la médecine de suivi, de compte-rendu de consultations, le partage de documents" entre médecins et patients, explique-t-on par exemple chez Qare.

Une vision très éloignée de la "solution globale" de télémédecine prônée par la société parisienne H4D. Celle-ci a développé une cabine médicale truffée d'outils de santé connectés, où le patient peut prendre lui-même des mesures, guidé en direct par un médecin à distance.

Dans la plupart des offres actuelles de télémédecine, "on confond téléconsultation et téléconseil" affirme Franck Baudino, fondateur et président de H4D. "Je mets au défi de soigner une bronchite par vidéoconférence. C'est impossible. Tous les plateaux de télémédecine font perdre du temps, car les patients sont obligés de voir un médecin" après, ajoute ce docteur de formation.

Un service irréprochable pour survivre

H4D a initialement ciblé le marché des entreprises: une cinquantaine de sociétés en France sont pour l'heure équipées de sa "Consult Station", destinée à leurs salariés. Cependant, "le remboursement des actes nous ouvre tout le champ du domaine public", note Franck Baudino, qui imagine un déploiement futur dans des mairies, des centres communaux d'action sociale (CCAS), des résidences pour seniors, voire des casernes de pompiers.

Les cabines médicales "ne vont pas dans le sens de l'histoire, qui est de pouvoir consulter partout, tout le temps" avec un smartphone, estime au contraire Nicolas Wolikow, tandis que Mickaël Chaleuil souligne le coût "prohibitif" de tels équipements.

S'agissant des données de santé, dans l'attente de la généralisation prévue du dossier médical partagé (DMP), les acteurs de télémédecine devront veiller à "l'interopérabilité" de leurs différents systèmes, de sorte qu'un médecin puisse toujours avoir accès à l'ensemble du parcours de soins de son patient, prévient Mickaël Chaleuil.

"Ceux qui vont s'en sortir sont ceux qui assureront un service irréprochable: des rendez-vous à l'heure, des équipements qui marchent, un envoi facile des prescriptions, c'est ça qui fera la différence", prédit Nicolas Wolikow.

N.G. avec AFP