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Faut-il s'attendre à une panique bancaire créée par les gilets jaunes ?

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- - PHILIPPE HUGUEN / AFP

Certains gilets jaunes appellent à provoquer un "bank run". Mais l'hypothèse d'un tel mouvement est peu probable.

Afin de déstabiliser le gouvernement, certains gilets jaunes appellent à provoquer une panique bancaire. Dans une vidéo diffusée lundi sur Facebook, Maxime Nicolle, l'une des figures les plus connues du mouvement, explique aux internautes que "votre pouvoir, c'est l'argent qu'il y a sur vos comptes" (29e minute). S'il indique "parler en son nom" au début de son live, il incite par la suite les internautes à retirer l'argent de leur banque. "On va pas retourner aux urnes mais aux distributeurs (…) On va essayer de fixer un jour précis où tout le monde ira retirer une somme d'argent, le maximum qu'il peut retirer" pour ensuite aller "payer en liquide les petits commerçants", détaille-t-il.

Ce mécanisme, appelé "bank run", est bien connu des économistes. Ce phénomène se produit lorsque les épargnants se ruent en même temps aux guichets de leur banque pour retirer leurs économies. Faute de dépôts suffisants, l'établissement arrive à court de liquidités et finit par ne plus pouvoir honorer ses engagements, entraînant ainsi sa faillite. Le phénomène s'étend alors parfois à tout le système bancaire. Parmi les dernières "courses aux guichets" les plus connues, celle qui a touché la banque britannique Northern Rock en 2007, précipitant la faillite du groupe qui sera finalement nationalisé en 2008.

Les gilets jaunes pourraient-ils entraîner la chute d'une grande banque en France? Ce serait la première fois qu'un tel mouvement serait orchestré sciemment. Généralement, c'est une panique ou une peur irrationnelle qui provoque cette course aux espèces. D'autant que les épargnants sont souvent les premières victimes. Si leur banque ferme ses portes, ils ont de fortes chances de ne plus pouvoir accéder à leurs comptes voire de perdre une partie de leur épargne. Pour rappel, si une banque plonge, c'est le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) qui prend le relais, avec une garantie des dépôts allant jusqu'à 100.000 euros par déposant dans les 7 jours ouvrables. Ce plafond est relevé à 500.000 euros pour chaque "dépôt exceptionnel temporaire", comme par exemple après la vente d'une maison, encaissé dans les trois mois qui précèdent la faillite de la banque, rappelle le FGDR sur son site.

344 millions d'euros retirés par jour

Un élément rend ce phénomène improbable: les retraits bancaires sont le plus souvent limités à quelques centaines d'euros par jour. Il faudrait donc une force de frappe considérable pour déstabiliser un établissement, comme le souligne Capital. Car chaque jour, des millions d'euros sont déjà sortis en espèces. En 2017, les retraits en espèces via des cartes bancaires ont représenté 125,45 milliards d'euros en France, d'après les données du groupement d’intérêt économique des cartes bancaires, une organisation qui regroupe l'essentiel des acteurs financiers français. Soit l'équivalent de 344 millions d'euros par jour. Il faudrait que ce chiffre gonfle énormément pour assécher le système bancaire. D'ailleurs, les banques contactées par Les Echos indiquent ne pas avoir pris de dispositions particulières sur ce point. Enfin, le gouvernement pourrait rapidement limiter le montant des retraits bancaires pour éviter un tel phénomène.

Contactée par BFMTV, la Banque de France souligne que "le volume de billets (et de pièces) en circulation en France n’est plus connu depuis le passage à l’euro fiduciaire en 2002". En effet, les billets en euros sortent régulièrement du territoire (par exemple lorsqu'un Français va payer son plein d'essence en liquide lors d'un voyage en Belgique), tandis que d'autres espèces rentrent (un touriste allemand payant avec de la monnaie un restaurant à Paris par exemple). Les pièces et les billets circulent librement au sein de la zone euro. Et il n'existe pas de traçabilité de ces mouvements. La Banque de France ne dispose pas non plus de données sur le montant des billets entreposés au sein des établissements français.

Jean-Louis Dell'Oro