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Quand des tulipes ont déclenché le premier krach boursier de l'histoire

Le premier krach boursier de l'histoire a été provoqué à cause… d’une tulipe. Cette fleur, prisée pour sa rareté, a un temps entraîné la ruine de nombreux investisseurs.

Qui aurait cru que de simples tulipes pourraient être à l’origine d’une bulle spéculative? C’est pourtant bien cette variété de fleurs qui a donné lieu au premier krach boursier de l'histoire.

À la fin du XVIe siècle, la tulipe est introduite en Europe. Par sa beauté, et surtout sa rareté, elle devient rapidement un symbole de prestige parmi les classes aisées. Tant et si bien que de nombreux investisseurs se mettent à miser dessus. Un simple bulbe de tulipe atteint alors des sommes délirantes, l'équivalent de centaines de milliers d'euros aujourd'hui. Retour sur cette histoire boursière riche d'enseignements.

Premiers marchés à terme

Dès 1635, les premiers marchés à terme s'emparent du marché des tulipes en Hollande. Dans ce nouveau système financier, vendeurs et acheteurs s'empressent de fixer le prix d'actifs pour des transactions futures. De juin à septembre, alors que les bulbes sortent de terre, les transactions effectives ont lieu. Mais passé l'été, place à l'anticipation. Le marché se mue en un ballet de contrats à terme, précurseurs des "futures" d'aujourd'hui.

Sur ce marché à terme, un individu peut acheter un bulbe de tulipe en décembre, avant même le début de sa croissance. Il s'engage ensuite à le vendre en juin lors de la floraison de la tulipe, sous réserve d’une production suffisante.

Le conseil de l'expert : Saviez-vous planter les bulbes ? - 19/10
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Mais ce n'est pas tout. Ce système est couplé à l’introduction de billets à effet. Concrètement, ces documents détaillent le prix et les spécifications des bulbes. Les billets, échangés comme des titres de propriété, permettent de vendre des bulbes encore en terre.

Qui dit transactions différées dit hausse des prix, et donc nouveaux investisseurs en vue. Ces billets à effet passent de mains en mains: ils changent de propriétaire jusqu’à 10 fois dans la même journée! Tous les ingrédients sont réunis pour une bulle spéculative. C’est le début d’un "windhandel", ou commerce du vent, tel que décrit par les contemporains.

Un bulbe pouvait valoir… deux maisons

Mais le vent commence à tourner. En 1636, un projet de loi change la donne et modifie les cours sur les marchés. Les contrats n'incluent désormais plus une obligation d'achat mais ne sont que des options. Résultat, les spéculateurs se ruent en masse sur le marché. Mêmes les tulipes dites "normales" s’achètent à des prix indécents.

La bulle spéculative éclate. Au sommet de la bulle spéculative, un bulbe de la variété très prisée Semper Augustus se vendait ainsi jusqu'à 10.000 florins, soit l’équivalent à cette époque de deux maisons à Amsterdam. Il est donc courant, pour les plus riches, de placer son argent dans des tulipes plutôt que dans des tableaux de peintres renommés.

D’après les historiens, la peste noire serait à l’origine du crash. Lors d’une vente aux enchères, anticipée comme un autre succès, les enchérisseurs habituels désertent la place, faute de pouvoir honorer leurs contrats. C'est la fin de la folie spéculative.

Sans organisation et régulation, le marché a engendré des transactions sans garanties. Résultat? L'annulation massive des contrats a plongé plusieurs individus malchanceux dans la faillite. Ce qui n'a pas détourné pour autant les Hollandais de la tulipe: les Pays-Bas sont aujourd'hui le premier producteur au monde de cette fleur, avec deux milliards d'unités qui sortent des champs bataves chaque année.

Romy Azoulay