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Vers 7 milliards d'euros de pertes pour Air France-KLM?

Air France - KLM ne devrait pas échapper à une recapitalisation

Air France - KLM ne devrait pas échapper à une recapitalisation - AFP

Ravagé comme tout le secteur aérien par le Covid-19, Air France-KLM devrait publier jeudi des pertes abyssales pour 2020, au moment où se négocient à Bruxelles les conditions d'une nécessaire recapitalisation et sur fond de reprise encore floue du trafic.

Sur les trois premiers trimestres, la perte nette cumulée du groupe franco-néerlandais atteignait déjà plus de 6 milliards d'euros, et les prévisions d'analystes compilées par Factset et Bloomberg les voient à plus de 7 milliards pour l'année.

La crise sanitaire a privé Air France-KLM des deux tiers de ses passagers (104 millions en 2019). Le chiffre d'affaires 2020 est attendu autour de 11 milliards d'euros par les analystes, contre 27,2 milliards en 2019.

Malgré des économies drastiques passant notamment par des réductions d'effectifs, Air France "brûle" encore 10 millions d'euros par jour, avait indiqué fin 2020 sa directrice générale Anne Rigail.

Son cas n'est pas isolé. Les compagnies aériennes, dont la rentabilité dépend de leur capacité à faire voler le plus possible des appareils pleins, ont subi des pertes cumulées de 370 milliards de dollars l'année dernière, selon l'Organisation internationale de l'aviation civile.

Dès le début de la crise, les gouvernements français et néerlandais sont venus à la rescousse de l'entreprise, avec des prêts directs ou garantis dépassant 10 milliards d'euros, écartant la menace immédiate d'une faillite.

En revanche, a prévenu le directeur général d'Air France-KLM Benjamin Smith le 4 février dans un entretien à L'Express, "nous ne pouvons rien garantir à 100% et le soutien de la France et des Pays-Bas n'est pas un chèque en blanc".

Les prêts devraient permettre de tenir au moins jusqu'à la fin de l'année. Mais M. Smith a concédé qu'il serait "difficile" de les rembourser, "à court terme comme à moyen terme".

La reprise encore incertaine, à la merci notamment du rythme de vaccination et de la progression des variants du Covid-19, rend ardus les pronostics de rétablissement. Le secteur s'attend à ne pas retrouver le trafic de 2019 avant 2024, au niveau mondial.

Recapitalisation contre créneaux

Dans l'immédiat, Air France-KLM va devoir affronter la question de sa dette, prévient Yan Derocles, analyste à Oddo BHF Securities. "On est sur des montants qui ne sont pas supportables pour cette société comparé à sa capacité de génération de trésorerie."

"2020 se clôturera avec un montant de dette nette d'environ 13 milliards alors que, dans le passé, cette société a approché dans les très bonnes années 700 millions d'euros de génération de cash, on voit bien le nombre d'années qu'il faudra pour régler cette question d'endettement", explique-t-il à l'AFP.

D'où l'idée d'une recapitalisation, qui passerait par la conversion d'une partie de la dette contractée auprès des États. Le montant qui circule est de quelque quatre milliards d'euros.

Pour valider ce montage dans les prochaines semaines, la Commission européenne, gardienne d'une concurrence équitable, exigerait toutefois d'Air France qu'elle renonce à des créneaux d'atterrissage et de décollage à l'aéroport parisien d'Orly. Plafonnés dans une installation saturée, ils sont très convoités en particulier par les "low cost" comme le numéro un européen Ryanair.

La concurrente allemande Lufthansa s'était vue demander les mêmes contreparties à une recapitalisation l'année dernière.

Cette exigence hérisse tant la direction d'Air France-KLM que les syndicats, Orly figurant au coeur de la stratégie de reconquête du groupe qui veut développer sa "low cost" Transavia dans l'Hexagone.

"Nous ne comprendrions pas que l'on nous impose des mesures drastiques, qui affaibliraient notre position à Paris", a lancé M. Smith.

Il est "hors de question" que le groupe "se retrouve grevé en compétitivité", a renchéri le ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, tandis que FO, premier syndicat d'Air France, dénonçait un projet "révoltant" et "ubuesque".

Tant les dirigeants de l'entreprise que les membres du gouvernement français réfutent l'idée qu'Air France soit "immortelle" et insistent sur les efforts à consentir pour dépasser la crise.

"Compte tenu de l'importance pour le développement économique et le rayonnement d'un pays, on voit que ces compagnies dites +porte-drapeaux+ ne peuvent pas disparaître", juge néanmoins M. Derocles.

OC avec AFP