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Economie

Un PIB qui a fondu de 80% en 8 ans, la crise sans fin du Venezuela

L'inflation a été de 3000% au Venezuela en 2020.

L'inflation a été de 3000% au Venezuela en 2020. - LUIS ROBAYO

Hyperinflation, pauvreté, une production de pétrole divisée par 7, près de 20% de la population qui a fui le pays.

Crise, hyperinflation, baisse du pouvoir d'achat, sanctions économiques... Le Venezuela, qui a vu fuir quelque 5 de ses 30 millions d'habitants, est dans un gouffre dont il a du mal à sortir.

Situation politique

Si le dirigeant de l'opposition Juan Guaido s'est proclamé président intérimaire en 2019 et est reconnu comme tel par une partie de la communauté internationale dont les Etats-Unis, c'est bel et bien le chef de l'Etat socialiste Nicolas Maduro qui est aux manettes malgré la pression internationale pour l'évincer du pouvoir.

"Quand un Européen veut parler avec le Venezuela, il m'appelle moi. Il y a un Etat, un gouvernement qui fonctionne", assure le ministre des Affaires étrangères Jorge Arreaza. Pour lui, la non-reconnaissance du gouvernement est "une fiction".Le pays fait l'objet de sanctions économiques principalement américaines.

"Malheureusement, le Venezuela peut rester longtemps dans ce schéma. Je suis sceptique quant à une transition démocratique à court terme", estime l'économiste Asdrubal Oliveros.

Etat réduit

Le Produit intérieur brut (PIB) vénézuélien estimé à 48 milliards de dollars en 2020 a chuté de plus de 80% depuis 2013. Il devrait continuer à se contracter en 2021, selon le Fonds monétaire international (FMI).

Le Venezuela est ainsi passé du wagon des 30 premières économies mondiales à une position au-delà de la 100e.

"La taille de l'Etat s'est réduite brusquement", indique M. Oliveros, qui souligne que l'Etat a longtemps subventionné tout ou presque: de l'essence au logement, de l'électricité à la nourriture. "L'Etat ne subventionne plus, on est dans le "sauve qui peut". Le système a implosé".

Les importations ont été divisées par dix depuis l'arrivée de Nicolas Maduro au pouvoir en 2013.

Coronavirus

Relativement épargné jusqu'ici en raison de son isolement, le Venezuela fait face depuis mars à une virulente deuxième vague de l'épidémie de coronavirus avec notamment l'arrivée du variant brésilien réputé plus contagieux.

Le pays a enregistré plus de 175.000 cas dont plus de 20.000 en mars, pour un peu moins de 1.800 décès depuis le début de la pandémie, selon les chiffres officiels. Ils sont jugés "totalement faux" par l'opposition.

Les hôpitaux sont débordés. Juan Guaido dénonce "l'effondrement du système de santé".

Marché noir

Avec le marasme économique, le secteur informel explose.

"Les gens ont plus d'un travail. On vend des tartes faites maison, on fait taxi avec sa voiture, on achète et on revend... C'est une économie de survie", explique M. Oliveros.

"Il y a aussi une économie parallèle avec l'exploration illégale de l'or, la corruption et le narco-trafic". La contrebande de cigarettes s'est généralisée et on vend de l'essence et du diesel sous le manteau en province.

En 2020, l'inflation a atteint 3000% au Venezuela et la Banque centrale du Venezuela a annoncé qu'elle allait émettre des billets de 200.000, 500.000 et 1 million de bolivars.

Pétrole

Jadis un acteur majeur du marché pétrolier mondial, le Venezuela, qui a produit jusqu'à 3,3 millions de barils/jour, en est aujourd'hui à un peu plus de 500.000. Il possède les réserves d'or parmi les plus grandes au monde.

Or "97% de ses devises provenaient du pétrole", selon José Toro Hardy, ancien directeur de Petroleos de Venezuela (PDVSA). "Ça n'a rien avoir avec les sanctions. Le mal était fait bien avant 2017. L'industrie pétrolière s'est gravement détériorée en raison du manque d'investissement, d'entretien".

Le pays qui disposait d'une vingtaine de raffineries à travers le monde est obligé aujourd'hui d'importer de l'essence d'Iran. En raison des sanctions, il est obligé d'exporter son pétrole (de mauvaise qualité) avec des réductions de prix importantes.

Efficacité des sanctions

Le pouvoir avance les sanctions comme principale source des problèmes du pays: "Quand quelqu'un n'arrive pas à un hôpital parce qu'il n'y pas d'essence en raison des dégâts occasionnés à l'industrie pétrolière, qui est responsable? Quand une personne meurt faute de dialyse ou de traitement VIH ?", accuse le ministre Arreaza.

Il assure que des multinationales comme Siemens, Philips ou Alstom ne fournissent plus d'assistance technique ou de pièces de rechange pour l'industrie ou pour des services comme le métro. "Les sanctions ont compliqué la tâche du pouvoir, mais elles lui servent aussi d'excuse au chaos économique", estime un observateur européen.

Malgré des voix qui s'élèvent pour dire que les sanctions font plus de mal aux habitants qu'au pouvoir, la plupart des opposants sont favorables à leur poursuite.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi avec AFP Journaliste BFM Éco