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Un administrateur d’Atos s’oppose à la vente des services informatiques à Daniel Kretinsky

L’administrateur René Proglio a manifesté son désaccord concernant la cession de la division de services informatiques. Mais il n’a pas voté contre lors du conseil d’administration qui aurait été organisé pendant qu’il était en avion vers la Chine.

C’est une nouvelle crise au sein de la direction d’Atos. Selon plusieurs sources proches du groupe, un haut dirigeant du groupe de services informatiques était contre la vente des activités historiques de gestions de parcs informatiques à Daniel Kretinsky. Il s’agit de René Proglio, administrateur depuis un peu plus d’un an et surtout, président du comité des comptes d’Atos. Selon nos informations, il avait manifesté son opposition à l’opération lorsqu’elle se finalisait, fin juillet. Quelques jours plus tard, il n’a pas participé au vote lors du conseil d’administration du 31 juillet. "Il dit qu’il était dans un avion vers la Chine", nous expliquent plusieurs sources concordantes.

Le conseil d’administration décisif du 31 juillet a été convoqué le matin même, pour la fin d’après-midi. "Le président du conseil, Bertrand Meunier, l’a réuni en sachant que René Proglio ne pourrait pas être là", assure une source proche d’Atos. "Il avait même communiqué ses horaires de vol pour que le conseil s’organise et qu’il puisse y assister", abonde une autre source. Contacté, René Proglio ne nous a pas répondu.

Selon un de ses proches, il était furieux d’avoir été éconduit du conseil d’administration et l’a fait savoir après-coup. Il aurait même reçu des pressions pour démissionner de son poste d’administrateur car il critiquait la vente d’une partie d’Atos à Daniel Kretinsky. Aujourd’hui, il y siège toujours. Cette situation crée du désordre car il est président du comité des comptes d’Atos. Sa caution est d’autant plus forte qu’il a dirigé la filiale française du cabinet d’audit Arthur Andersen pendant vingt ans.

Bras de fer entre Meunier et Proglio

L’entourage du président d’Atos n’a pas la même version des faits. "Être dans un avion est un prétexte farfelu, s’agace un proche de Bertrand Meunier. René Proglio n’a même pas donné de délégation de vote". Qui a dupé l’autre? Depuis plusieurs mois, un bras de fer se joue entre les deux hommes. Le président d’Atos soupçonne René Proglio de viser sa place. Ce dernier se plaint en privé d’avoir été isolé au conseil par Bertrand Meunier qui a fait venir l’ancien banquier Jean-Pierre Mustier pour le contrecarrer.

Officiellement, le conseil d’administration a donc voté en faveur de la vente des services informatiques à "l’unanimité des membres présents", souligne-t-on chez Atos. Selon plusieurs sources, une autre membre du conseil, Caroline Ruellan, n’était pas non plus à l’aise avec cette opération. Contactée, elle ne nous a pas répondu.

Au sein des cadres dirigeants, le départ de la directrice financière, Nathalie Sénéchault fait aussi jaser en interne. Certains la jugent responsable de la mauvaise communication financière d’Atos autour de ses résultats cet été. D’autres estiment à l’inverse qu’elle a quitté son poste car elle ne voulait pas assumer les conditions financières de la vente des services informatiques à Daniel Kretinsky.

Assemblée générale repoussée

C’est précisément ce que le fonds activiste CIAM, actionnaire d’Atos, a ouvertement critiqué début septembre. Il juge cette opération comme un "cadeau" fait à l’homme d’affaires tchèque qui récupère un milliard d’euros de cash dans les activités d’info-gérance "pour financer leur restructuration", estime le fonds dans une lettre aux administrateurs du groupe. Il prévoit de voter contre cette cession lors de l’assemblée générale des actionnaires qu’Atos envisage de retarder. Prévue à l’origine cet automne, elle devrait être repoussée, selon nos informations, à début 2024.

La pression est montée d’un cran depuis qu’un autre actionnaire d’Atos, le fonds Alix AM, a porté plainte pour "corruption active et passive". Il dénonce notamment les rémunérations que l’homme d’affaires tchèque a promis au directeur général Nourdine Bihmane et à la directrice générale adjointe Diane Galbe. Les chiffres de 25 millions d’euros et 15 millions d’euros, évoqués par Mediapart, circulent. "Ce sont des objectifs cibles qui pourraient être doublés si les résultats de la division rachetée par Daniel Kretinsky étaient meilleurs que prévus", nous explique un bon connaisseur du dossier. En cas de redressement de ces activités, Atos touchera aussi une partie des bénéfices engrangés par le repreneur.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business