BFM Business
Economie

TOUT COMPRENDRE - Les urgences vont-elles devenir payantes en 2022?

Les urgences du CHU de Nantes en mars 2017.

Les urgences du CHU de Nantes en mars 2017. - AFP

Le "forfait patient urgence" de 19,61 euros entre en vigueur le 1er janvier. Il remplace le "ticket modérateur", déjà à la charge du patient, lors d'un passage aux urgences non suivi d'une hospitalisation.

Dès le 1er janvier, il y aura du changement aux urgences: un forfait d'environ 20 euros sera désormais demandé au patient s'il n'est pas hospitalisé. Votée dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2021, la mise en place du "forfait patient urgence" (FPU), initialement prévue en septembre dernier, avait été repoussée de quelques mois. Mais de quoi parle-t-on exactement?

• Qu'est-ce que le "forfait patient urgence"?

Jusqu'à aujourd'hui, lorsque vous sortiez des urgences d'un hôpital sans avoir été hospitalisé, vous étiez redevable d'un "ticket modérateur" correspondant à 20% des frais de passage aux urgences, les 80% restants étaient pris en charge par l'Assurance maladie. Ces frais regroupaient un forfait "accueil et traitement des urgences" (ATU) de 27,05 euros et le coût de l'ensemble des actes et examens réalisés (IRM, échographie…).

Un exemple plus concret: avec 60 euros d'actes médicaux facturés, auxquels il faut ajouter le forfait ATU, ce passage aux urgences vous coûtait 97,05 euros, dont 20% à votre charge (17,41 euros) et 80% pris en charge par l'Assurance maladie (69,64 euros).

À partir du 1er janvier 2022, ce "ticket modérateur" proportionnel disparaît au profit d'un "forfait patient urgences" (FPU) unique de 19,61 euros. Quels que soient les actes réalisés lors de votre passage aux urgences, les frais dont vous serez redevables seront les mêmes. Cette participation forfaitaire concerne tous les passages aux urgences, en hôpital public comme en clinique, dès lors qu'ils ne sont pas suivis d'une hospitalisation.

• Les urgences vont-elles devenir payantes?

Contrairement à ce que l'on croit parfois, le passage aux urgences n'est pas gratuit: comme n'importe quel passage à l'hôpital, il est facturable à l'assuré. Le "ticket modérateur" de 20%, dont le patient était jusqu'à présent redevable, s'élevait à 18,85 euros en moyenne dans les hôpitaux publics en 2020 et à 20,11 euros dans les cliniques privées, selon un rapport de l'Assemblée nationale.

"Beaucoup de patients pensent, de bonne foi, que les urgences ne sont pas payantes parce qu'ils repartent de l'hôpital sans savoir combien ils vont payer, ni même s'ils doivent payer. Or, la facturation du ticket modérateur, proportionnelle aux actes réalisés, est très complexe et parfois reçue plusieurs mois après le passage aux urgences", souligne la Direction générale de l’offre de soin (DGOS) auprès de BFM Business.

La mise en place du "forfait patient urgence" ne va donc pas contraindre le patient à payer des frais qu'ils ne lui étaient pas demandés auparavant. Ce nouveau forfait de 19,61 euros, comme l'ancien "ticket modérateur", est pris en charge par les mutuelles (de même pour la complémentaire santé solidaire). Concrètement, si vous possédez une mutuelle, vous ne paierez pas plus demain qu'hier.

• Que va-t-il se passer pour les patients sans mutuelle?

Pour l'immense majorité des patients qui bénéficient d'une mutuelle, rien ne change: le montant du FPU sera remboursé par la mutuelle. Pour ceux qui ne possèdent pas de complémentaire santé (environ 4% des Français) ou ne dépendent pas de l'Aide médicale d'Etat (AME), la situation ne change pas non plus: ils devront payer eux-mêmes le forfait de 19,61 euros, comme c'était déjà le cas avant pour le ticket modérateur.

Mais, contrairement au ticket modérateur qui pouvait parfois grimper bien au-delà de la vingtaine d'euros en fonction des actes et examens réalisés, les frais de passage aux urgences sont désormais bloqués à 19,61 euros avec la mise en place du FPU.

• Devra-t-on obligatoirement présenter sa carte vitale?

Pour payer la facture, le ministère de la Santé ne donne pas de consignes aux hôpitaux, précise la DGOS. Certains établissements continueront d'envoyer une facture "papier" au domicile du client ou dématérialisée par email, tandis que d'autres pourront mettre en place un système pour régler directement le montant demandé avant de sortir de l'hôpital. Dans ce cas, le tiers-payant sera possible sur présentation de la carte vitale et de la mutuelle.

Pas d'inquiétude: un patient qui n'aurait pas sa carte vitale, sa carte de mutuelle ou sa pièce d'identité sur lui sera toujours admis aux urgences.

• Qui sera exonéré?

Certains patients ne seront pas entièrement concernés par ce nouveau dispositif du FPU. Les patients rattachés au régime accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) dont l’incapacité est inférieure à 2/3 et ceux placés en affection de longue durée (ALD) bénéficient d'un forfait réduit de 8,49 euros lors d'un passage aux urgences.

Par ailleurs, les femmes enceintes à partir du sixième mois, les nourrissons de moins d'un mois, les donneurs d'organes pour les actes en lien avec leur don, les mineurs victimes de violences sexuelles, les victimes de terrorisme, les titulaires d'une pension d'invalidité, les invalides de guerre ainsi que les personnes rattachées au régime AT/MP dont l’incapacité est au moins égale à 2/3 en, eux, seront exonérés.

• Quel est l'objectif de la réforme?

Outre la limitation du reste à charge, ce nouveau "forfait patient urgences" doit simplifier la facturation du passage aux urgences, pour la rendre plus lisible pour le patient et plus facile à établir pour l'établissement, assure la DGOS. L'objectif est que le patient sache, avant de quitter l'hôpital, le montant des frais qui lui seront exigés et qu'il reçoive rapidement la facture, et non plus qu'il attende des semaines ou des mois.

La mise en place du FPU mise aussi sur une baisse des impayés et un meilleur recouvrement des factures par les hôpitaux: en raison de la très longue période de temps entre le passage aux urgences et la réception de la facture, elle n'est souvent pas payée par le patient. En effet, 14 millions de passages aux urgences ne sont pas suivis d'une hospitalisation chaque année, ce qui représente 213 millions d'euros: or, seul 33% de ce montant est recouvré par les hôpitaux.

En rompant la fausse impression des "urgences gratuites", le FPU pourrait aussi conduire une partie des patients à se tourner vers la médecine de ville plutôt que vers les urgences.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV