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Reprise de l'économie: ces signes qui redonnent de l'espoir

Contrairement à la Grèce et à l'Espagne, très dépendants des touristes étrangers à fort pouvoir d'achat, l'industrie touristique française récolte déjà l'essentiel de ses revenus auprès des touristes français.

Contrairement à la Grèce et à l'Espagne, très dépendants des touristes étrangers à fort pouvoir d'achat, l'industrie touristique française récolte déjà l'essentiel de ses revenus auprès des touristes français. - BERTRAND GUAY / AFP

Depuis le 11 mai, la consommation redécolle très fortement sur certains produits. De quoi relancer plus vite que prévu une économie française qui tire des dépenses des ménages plus de la moitié de sa richesse?

Le patron du Medef le dit lui-même: “Des signaux venant des entreprises montrent que la reprise est plus rapide que ce que nous pouvions craindre”. Notamment parce que, dans une économie française qui tire entre 52 et 55% de son PIB de la consommation des ménages, ces derniers “ont l'air de retrouver de la confiance”, se réjouissait cette semaine Geoffroy Roux de Bezieux dans Les Echos

Mais ces signes positifs sont-ils de nature à rendre la reprise plus musclée qu’anticipé par la Banque de France, qui prévoit déjà pour l’année 2020 un recul de 10% du PIB? Tour d'horizon des secteurs où la situation repart et de leur impact potentiel sur la croissance.

> Le commerce en général repart 

Dès la première semaine du déconfinement, les ventes en valeur des magasins ont bondi de 14%. Et ça a continué: les centres commerciaux ont atteint 80% de leur fréquentation normale la première semaine de juin, avec des chalands qui passent davantage en caisse que de coutume, selon le Conseil national des centres commerciaux. Certains produits ont aussi vu leurs ventes exploser. Comme par exemple les jouets, le secteur rattrapant 40% de ses pertes en 3 semaines, tandis que les cavistes disent que c'est Noël chaque jour depuis le 11 mai. 

Ces ventes décuplées pourraient n'être qu'un rattrapage, “un rebond lié à la réouverture des magasins”, se méfie toutefois Valérie Plagnol. Les perspectives maussades sur le front de l’emploi pourraient en effet “pousser les Français à continuer d’épargner plutôt qu'à consommer” .
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Tout aussi plausible serait une envolée pérenne des dépenses de consommation des Français. Les analystes de Moody’s s'y préparent depuis deux ans déjà. “Les ménages ont connu une forte augmentation de leur pouvoir d’achat avant la crise, notamment grâce aux baisses de taxation en 2018 et 2019”, détaille Kathrin Muehlbronner, , senior vice présidente de l’agence de notation Moody’s. Si cette hausse de la consommation arrivait enfin, “la France connaîtrait une croissance plus forte que les autres pays, notamment l’Allemagne, où la consommation ne participe pas autant au PIB”, continue l’analyste. 

> L’électronique et le numérique au top

La semaine du déconfinement, les équipements électriques, électroniques, informatiques et autres machines ont vu leurs ventes -déjà supérieures à d’habitude en e-commerce pendant le confinement- exploser de 57% selon l’Insee. Un engouement qui s’est maintenu notamment sur le petit électroménager: ses ventes ont progressé jusqu’à 80% la dernière semaine de mai, selon le Gifam. La fédération entrevoit ainsi la possibilité de restreindre le recul des ventes du secteur sous les 10% à la fin de l’année. 

Côté économie du numérique, le secteur a également bénéficié à plein du confinement, alors que les solutions dématérialisées ont permis de continuer à travailler et à consommer. Les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) en ont majoritairement profité, mais quelques entreprises françaises aussi. Par exemple, Leboncoin, qui continue d’afficher une fréquentation record ces dernières semaines. Le livre numérique a lui aussi fait des bonds, ce qui a profité notamment à Vivlio, la liseuse française, et à ses adhérents libraires indépendants ou chaînes culturelles. Leurs ventes de livres numériques ont augmenté de 100% pendant le confinement par rapport à 2019, et elles restent aujourd’hui supérieures de 40% à la même période il y a un an. La Fnac, elle, évoque 130% d’achats de e-book en plus. Mais pas de quoi compenser les pertes sur le livre en papier.

La reprise, même timide, du tourisme 

Après des mois mortifères, l’industrie touristique française reprend des couleurs. Les hôtels recommencent à poster des offres d'emploi, les agences de voyage en vendent de nouveau, des campings annoncent des réservations supérieures à tout ce qu’ils ont jamais connu. Seuls les transports, et notamment l’aviation, "restent relativement plombés par les frontières fermées”, souligne Valérie Plagnol, économiste et présidente du cercle des épargnants. 

Ce secteur du tourisme pèse d’ordinaire plus ou moins 7% du PIB. Et dans ce pourcentage, 5% est généré traditionnellement par les dépenses des touristes français, et seulement 2% par les visiteurs étrangers. Or cet été, l’immense majorité des Français passera ses vacances dans l’Hexagone

“Devoir se cantonner au tourisme domestique est beaucoup moins problématique pour la France, que par exemple pour la Grèce ou l’Espagne, des pays très dépendants des visiteurs étrangers dont le pouvoir d’achat est supérieur à celui de leurs habitants”, souligne Kathrin Muehlbronner.

Les Français, eux, ont un pouvoir d’achat équivalent à celui des touristes étrangers, et cet été, même ceux qui dépensent d’habitude leur budget à l’étranger le feront à l’intérieur des frontières.

> Le vélo comme relais de croissance

Depuis la réouverture des boutiques, quelques jours avant le 11 mai, les ventes de vélos ont doublé, à 500.000 vélos vendus en mai, selon l’Union des sports et des cycles. Un marché qui avait déjà pris 51% de valeur en 10 ans grâce à l’essor des versions à assistance électrique. Cet engouement pour le vélo a des retombées économiques significatives pour la France, estimées à presque 30 milliards d’euros par la DGE (Direction générale des entreprises).

“C’est bien pour l’industrie du vélo, mais si les gens en achètent pour ne pas utiliser les transports publics, ce n’est pas bon pour la SNCF et la RATP”, pointe Kathrin Muehlbronner de Moody’s.

Cette redistribution des cartes devrait selon elle se produire partout. “Nous nous attendons à une restructuration globale de l’économie, avec des secteurs qui grossissent, et d’autres qui reculent”. Reste à voir si les nouveaux gagnants créeront plus de richesse que les perdants n’en détruiront. 

Nina Godart