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Racisme, insultes homophobes... Les employés d'un McDonald’s dénoncent le harcèlement de leurs managers

Les faits dénoncés ont eu lieu au sein du McDonald’s d’Aucamville, à Toulouse,

Les faits dénoncés ont eu lieu au sein du McDonald’s d’Aucamville, à Toulouse, - Kenzo TRIBOUILLARD © 2019 AFP

Depuis plusieurs mois, les employés d'un restaurant McDonald’s de Toulouse sont victimes de harcèlement à caractère sexiste, raciste et homophobe. Imène, une jeune employée de 26 ans, raconte à BFMTV.com comment son job étudiant est devenu un enfer.

"Retourne dans ton pays", "PD", "pute", et autres propos légitimant le viol... Imène, 26 ans, était loin de s'imaginer que le harcèlement deviendrait son quotidien lorsqu'elle a été embauchée à mi-temps il y a deux ans au McDonald’s d’Aucamville, à Toulouse. Et pourtant depuis l'été 2020, cette étudiante en architecture et plusieurs autres employés affirment être victimes de harcèlement à caractère sexiste, raciste et homophobe sur leur lieu de travail.

Ces employés, dont certains ont quitté l'entreprise depuis, accusent deux managers et quatre équipiers d'avoir tenu des propos "extrêmement choquants" à leur égard à de nombreuses reprises, "dans la plus grande indifférence de la direction". Une plainte a même été déposée. La direction du site, contactée par BFMTV.com, assure qu'une enquête interne a été lancée sur ces faits d'une "extrême gravité", et ce "dès qu'ils ont été portés à la connaissance de la direction du restaurant".

La direction indique qu'à l'issue de cette enquête, deux actions immédiates ont été engagées: la mise à pied avant licenciement de l’auteur des faits, suivie de l’encouragement au dépôt d’une plainte auprès des autorités compétentes par la salariée, et le départ du restaurant d’un des deux managers concernés".

"Des blagues choquantes et décomplexées"

Une réponse qui ne convainc pas les salariés de la franchise, qui ont organisé mercredi dernier une manifestation devant le restaurant de la chaîne. "Harcèlement raciste, McDo complice!", pouvait-on lire sur les pancartes des salariés en colère, qui dénonçaient l'absence de réactions et de sanctions de la direction malgré leurs alertes ces derniers mois.

Imène dit avoir "été victime et témoin de choses anormales sur un lieu de travail". "J'ai été humiliée et encore aujourd'hui je suis profondément choquée d'avoir dû faire face à des choses aussi surréalistes", raconte-t-elle à BFMTV.com.
Les salariés du Mcdonald's près de Toulouse, en train de manifester le mercredi 9 novembre.
Les salariés du Mcdonald's près de Toulouse, en train de manifester le mercredi 9 novembre. © BFMTV

"Le problème a commencé avec un premier manager qui faisait des blagues choquantes, à la fois racistes et sexistes, de manière totalement décomplexée devant tout le monde, et qui a entraîné quatre autres employés puis un autre manager avec lui", explique Imène.

"Un rejet perpétuel de par nos origines, nos croyances religieuses et nos orientations sexuelles"

"Un jour, nous étions en train de travailler et il est venu nous expliquer quels comportements chez une fille pouvaient justifier un viol", se souvient la jeune femme, qui évoque aussi des insultes à l'égard des homosexuels, des arabes ou des personnes noires.

"C'était souvent des phrases comme: 'de toute façon tout ça, c'est la faute aux arabes'. Il appelait un collègue régulièrement 'PD', et un jour, il lui a même dit que s'il pouvait travailler, c'était grâce aux blancs qui avaient mis fin à l'esclavage".

L'étudiante, d'origine algérienne, explique avoir d'abord décidé d'"ignorer" ce comportement, et s'être même "malheureusement habituée à ce type de remarques". "Mais ça s'est intensifié pendant la dernière campagne présidentielle", affirme-t-elle. "Au mois d'avril, il nous a dit qu'on n'était pas chez nous ici et que l'islam n'avait rien à faire en France".

Au terme de cette discussion animée, le groupe de collègues dont fait partie Imène écrit à la direction pour la mettre en garde. Dans cette lettre, que BFMTV.com a pu consulter, ils dénoncent "une discrimination qui perdure et que nous vivions depuis plusieurs années au sein de l’entreprise".

"L’intégration au sein de l’entreprise se fait difficile, car nous sommes confrontés à un rejet perpétuel de par nos origines, nos croyances religieuses et nos orientations sexuelles", écrivent-ils encore dans ce courrier, qui restera lettre morte puisqu'aucune sanction n'est alors prise à l'égard de l'intéressé, selon Imène.

Des violences verbales à l'agression physique

Et un soir fin septembre, Imène est prise à partie par ce manager et d'autres collègues. À la fin de son service, le petit groupe l'affronte verbalement. L'un deux la menace de la frapper, tente d'arracher le voile d'une de ses collègues, puis s'en prend à Imène physiquement. "Nous avons été humiliées, on était choquées", raconte la jeune femme, qui est toujours en arrêt pour "accident de travail" à ce jour.

Le lendemain, le petit groupe alerte à nouveau la direction, et Imène est reçue par le directeur du restaurant. Cette dernière assure toutefois qu'à part une mutation, 'aucune sanction" n'a été prise contre l'homme qui l'a agressée. "On a l'impression que rien ne peut les arrêter", confie l'étudiante, dépitée. À ce jour, la jeune femme dit toujours attendre le rendez-vous avec la médecine du travail et l'aide psychologique qui lui ont été promis par la direction.

La direction du restaurant de fast-food, elle, assure à BFMTV.com qu'"un cabinet spécialisé indépendant va être missionné pour échanger avec l’ensemble des salariés et identifier toutes les mesures utiles pour renforcer la sensibilisation et la prévention de tout comportements sexiste, discriminant et raciste, en complément de celles d’ores et déjà existantes".

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV