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Prêt de 10.000 euros pour les 18-25 ans: l'accueil glacial des organisations étudiantes

Des étudiants de l'université Paul-Valéry Montpellier 3, le 28 septembre 2015.

Des étudiants de l'université Paul-Valéry Montpellier 3, le 28 septembre 2015. - Sylvain Thomas - AFP

Le délégué général de LREM, Stanislas Guérini, plaide pour la mise en œuvre d'un prêt à taux zéro de 10.000 euros accessible à tous les jeunes de 18 à 25 ans. Mais cette proposition ne convainc pas la plupart des mouvements étudiants.

Un prêt à taux zéro de 10.000 euros pour chaque jeune qui le souhaite? C'est la proposition avancée cette semaine par le délégué général de LREM, Stanislas Guérini. Remboursée sur une très longue période, et uniquement si l'on atteint un certain niveau de revenus, cette somme permettrait aux 18-25 ans de "se lancer dans la vie", ou d'éviter de multiplier les petits boulots en parallèle des études, assure le chef du parti présidentiel. Alors que les étudiants sont particulièrement touchés par la crise sanitaire, la proposition n'a pas manqué de faire réagir dans les universités.

Du côté de l'Unef, c'est un non catégorique. La proposition de Stanislas Guérini est "scandaleuse" et "déconnectée de la réalité", déplorait sa présidente Mélanie Luce, interrogée quelques jours plus tôt par BFM Business. L'organisation étudiante, vent debout, réclame "une extension du RSA" aux moins de 25 ans ou une allocation d'autonomie "basée sur les ressources des étudiants et non pas des parents". "Au lieu d'aides sociales, on nous propose un prêt, on ne veut pas commencer notre vie active en s'endettant", regrettait-elle.

"Commencer la vie active avec un prêt, c'est compliqué", estime de même Paul Mayaux, à la tête de la Fage, le premier syndicat étudiant, y voyant "une fausse bonne solution" pour une meilleure diversité sociale dans les études supérieures. Plutôt qu'une éligibilité au RSA, la Fage plaide pour l'extension et le renforcement de la garantie jeune, dont le montant s'élève jusqu'à 497 euros mensuels. Mais, "sur le long terme, cela passe par les réformes des bourses sur critères sociaux, où il y a de vraies lacunes aujourd'hui", avance-t-il, rappelant qu'une réforme a été promise à la rentrée par le gouvernement.

Extension du RSA

Maxime Renault, président du Bureau national des élèves ingénieurs (BNEI), y voit aussi "une double erreur". Outre "une charge mentale supplémentaire pour les élèves issus de classes sociales qui ont déjà du mal à envisager des études en écoles d'ingénieurs", il craint une hausse des frais de scolarité dans les grandes écoles. "Les écoles ont besoin de financement, et les élèves auront accès à plus de liquidités. Au lieu d'être utilisées pour le logement, par exemple, ces liquidités pourraient se retrouver dans les ressources des écoles", juge-t-il.

Une aide financière "plus régulière et sur la durée" serait plus efficace pour le président du BNEI, évoquant l'extension du RSA aux 18-25 ans. "Les écoles d'ingénieurs, c'est 30 heures de cours par semaine et beaucoup de travail personnel, c'est difficile d'avoir un job étudiant à côté de ses études. Il faut une solution qui ne soit pas à la charge de l'étudiant: le RSA, lui, ne se rembourse pas plus tard. D'autant que les ingénieurs qui sortent des écoles d'ingénieurs ont une forte employabilité, avec un bon salaire, ils vont contribuer à l'impôt et aux charges sociales".

"Quoi qu'on en dise, et cela s'explique, les frais de scolarité dans les grandes écoles vont continuer à monter dans les prochaines années", objecte Etienne Loos, président du Bureau national des étudiants en école de management (BNEM), favorable "à de nouvelles voies de financement". Il y voit "une idée parmi d'autres, mais qui ne saurait se suffire à elle-même" pour accroître la diversité sociale dans les écoles de commerce, où les frais de scolarité peuvent grimper jusqu'à 17.000 euros par année, soit plus de 50.000 euros pour un cursus de trois ans.

"Des élèves se ruinent"

Le prêt avait été l'une des pistes évoquées par le rapport Hirsch, remis en décembre au gouvernement. L'association étudiante BNEM avait alors menée une étude sur 2.200 élèves en écoles de commerce: 56% d'entre eux ont contracté un prêt. "Le recours au prêt est déjà courant dans le système des grandes écoles : quelque que soit le milieu social, on ne sort pas 50.000 euros facilement. Un prêt à taux zéro contingent au revenu, c'est une piste à exploiter. Il n'y a rien à perdre à l'expérimenter, même si 10.000 euros ne seraient pas forcément suffisants".

Ce prêt à taux zéro "peut s'imaginer dans un système universitaire où le prêt étudiant est la règle. Ce n'est pas le cas en France, et heureusement", rétorque Paul Mayaux, de la Fage. "Il y a de plus en plus de formations qui ressemblent à ce que proposent les écoles privées, où des élèves se ruinent pour y entrer et y vivre". Pour lui, il faut plutôt travailler sur la démocratisation de l'offre universitaire".

Jérémy Bruno