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Pourquoi le télétravail est-il si difficile à mettre en place?

Une obligation du télétravail pourrait faire partie des alternatives à un reconfinement dont personne ne veut. Pourtant, ni le gouvernement ni les partenaires sociaux n'y sont favorables.

"Ça patine un peu…" Interrogé lundi soir sur BFM Business, le président de la CFE-CGC, syndicat des cadres, reconnaissait les difficultés des partenaires sociaux à se mettre d'accord sur un texte commun autour du télétravail

Une concertation pourtant débutée à la rentrée pour permettre de déployer cet outil, brutalement devenu la norme lors du confinement. Depuis, la majorité des salariés (70% selon les chiffres du ministère du Travail) sont revenus sur site contre une faible minorité (12%) toujours en télétravail, le reste étant partagés entre les congés ou les arrêts maladie.

Si bien que l'obligation du télétravail apparait comme une alternative au confinement, pour permettre de limiter la transmission du virus dans les bureaux ou les transports en commun. Pourtant, ni le gouvernement ni les partenaires sociaux ne réclament cette généralisation, pour des raisons diverses.

Relativement peu de salariés éligibles

Premier constatation, les salariés éligibles au télétravail ne sont pas si nombreux. Sur 26 millions d'actifs français, seul un peu plus d'un tiers d'entre-deux (8,1 millions de personnes) peuvent profiter du télétravail, selon le ministère du Travail. En 2017, la Fondation Concorde était arrivée à résultats proches: 26% des salariés pouvaient devenir facilement des télétravailleurs tandis que 9% pouvaient le devenir facilement sous certaines conditions et 5% le pouvaient mais de façon plus difficile. Finalement, une majorité d'actifs (60%) sont tout simplement dans l'incapacité de le faire car leur présence sur site est indispensable.

Rendre obligatoire le télétravail n'a donc rien d'une panacée à la crise sanitaire. Au mieux pourrait-on espérer d'atteindre le niveau de télétravail obtenu pendant le confinement (27%). Une différence qui pourrait néanmoins se chiffrer en plusieurs centaines de milliers voire plusieurs millions de personnes. Finalement pas si anodin en situation de pandémie.

Pour autant, ni le gouvernement, ni les partenaires sociaux ne réclament l'obligation du télétravail. "Je ne crois pas que c'est dans mon bureau, à Paris, que je vais définir les règles du télétravail de telle entreprise du Cantal ou de telle entreprises de la Défense" expliquait encore ce mardi matin, Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des Retraites et de la Santé au travail, sur BFM Business.

Une manière de rassurer le Medef pour qui le télétravail n'est "pas l’alpha et l’omega", selon les propos de son président Geoffroy Roux de Bézieux. "On a besoin de recréer de la richesse tous ensemble, et recréer de la richesse, c'est aussi être présent physiquement dans les entreprises." Une réalité économique qui se couple aussi avec une culture française attachée au présentéisme dans les entreprises. Un employé interrogé sur six pense qu’il est important d’être vu à son poste de travail par ses collègues et son manager. Selon une étude réalisée par la CPME, 55% des entreprises jugent que le télétravail "rend plus difficile le contrôle de la bonne exécution des tâches" même si ce chiffre descend à 44% pour celles qui avaient déjà mis en place le télétravail avant la crise.

Frilosité des syndicats

Du côté des syndicats, l'opposition à cette généralisation tient plutôt du cadre en vigueur. Ou plutôt de l'absence de cadre précis. "On croit très important d'avoir un accord national interprofessionnel qui cadre les conditions dans lesquelles aujourd'hui on pratique ce qu'on appelle un peu abusivement le télétravail et que l'on crée des codes" explique François Hommeril. Même son de cloche pour Laurent Berger, de la CFDT qui réclame "rapidement des règles".

En réalité, ce débat concerne surtout l'après-crise et non la gestion de la pandémie actuelle. Une généralisation immédiate du télétravail se ferait dans les conditions du confinement pour, justement, éviter de reconfiner.

Quant à l'avenir, la mise en place d'un télétravail durable méritera évidemment le temps de la concertation : combien de jours par semaine, quels objectifs, quels temps de pause? Quels contrôles? Et si seuls un tiers des actifs sont concernés, la Fondation Concorde souligne que la digitalisation de certains métiers aujourd'hui en présentiel devrait mécaniquement augmenter le nombre de travailleurs éligibles.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business