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Pôle Emploi révise son décompte mensuel du chômage

Les chiffres de Pôle Emploi indiquent peu souvent une vraie tendance sur un seul mois

Les chiffres de Pôle Emploi indiquent peu souvent une vraie tendance sur un seul mois - Phillippe Huguen - AFP

Les chiffres communiqués ce mercredi par le ministère du Travail vont présenter de nouveaux éléments afin de relativiser le chiffre mensuel. Des initiatives applaudies par les économistes.

C'est un chiffre qui revient tous les mois et qui déclenche un florilège de commentaires, surtout politiques: l'évolution du nombre de demandeurs d'emploi. Ce mercredi 27 janvier, la Dares, la branche statistique du ministère du Travail, va publier les chiffres pour le mois de décembre. Un chiffre d'autant plus important qu'il permettra de déterminer la façon dont le chômage aura évolué sur l'ensemble de l'année 2015.

Mais, surtout, les statisticiens en charge de cette mesure mensuelle ont décidé d'introduire une nouveauté. À compter de cette première publication de l'année 2016, la présentation de leurs données sera enrichie par l'adjonction de plusieurs statistiques dont le but est, selon la Dares, "d'améliorer la lisibilité" des chiffres communiqués. Premier élément: en plus de l'évolution mensuelle et annuelle, la Dares va donner la moyenne sur trois mois du nombre de demandeurs d'emplois dans chaque catégorie.

Une mesure qui permet en fait à la Dares de répondre à une demande de l'Autorité de la statistique publique qui voulait que la tendance des derniers mois soit plus facilement observable.

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Un ajout dont se félicitent les économistes. "Cette moyenne sur trois mois apporte une information complémentaire, qui devrait contribuer à relativiser la portée du seul chiffre sur un mois", explique Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas.

En effet, "les données de Pôle emploi peuvent être assez volatiles d'un mois sur l'autre (c'est-à-dire varier dans un sens puis dans l'autre). Leur lisibilité s'en trouve réduite", poursuit-elle. "Un lissage des données sur trois mois tel que celui proposé permet de gommer cette volatilité et de regagner en lisibilité. Le lissage donne une indication de la tendance sous-jacente", ajoute l'économiste.

Prendre du recul

Car à l'heure actuelle le chiffre sur un seul mois peut ajouter de la confusion dans le débat public. "Les citoyens et les médias aiment avoir une statistique fraîche avec une fréquence mensuelle sauf que celle-ci n'a pas un énorme sens. Cela peut revenir à commenter du bruit statistique", juge Éric Heyer, économiste de l'OFCE. "On a ainsi souvent une mauvaise interprétation de cette statistique dont on parle beaucoup. Il s'agit en quelque sorte d'une 'mauvaise' statistique qui, en fait, chasse la 'bonne' (le chômage trimestriel au sens du bureau international du travail qui est communiquée par l'Insee, ndlr)", regrette-t-il. "Prendre du recul ne peut ainsi qu'aller dans le bons sens", se réjouit-il.

C'est aussi l'intérêt du deuxième ajout qui peut sembler technique: le seuil de significativité. La Dares s'attachera chaque mois à préciser si le chiffre publié permet vraiment d'affirmer qu'il y a une tendance, à la hausse ou à la baisse. Les statisticiens estiment en effet qu'en dessous de 27.000 inscrits (en plus ou en moins), on ne peut pas dire qu'une réelle tendance mensuelle se dégage.

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Dernière chose. Pour les catégories où les demandeurs d'emploi exercent une activité réduite (B et C), l'administration communique le détail par nombre d'heures travaillées. Cela va de "moins de 20 heures" jusqu'à "plus de 150 heures".

Des demandeurs d'emploi et pas des chômeurs

De nouveaux indicateurs qui ne sont pas sans intérêt. "Si l'on observe, au fil des mois, une augmentation du nombre d'heures travaillées en activité réduite, avec une bascule de la catégorie B vers la catégorie C, et même au sein de chaque catégorie, des contrats très courts vers des contrats moins courts, alors cela peut témoigner d'un marché du travail un peu mieux orienté, un peu plus actif", fait valoir Hélène Baudchon.

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Éric Heyer estime lui que le détail de ces chiffres permet "de mieux comprendre ce que l'on commente tous les mois" et de se rendre compte "qu'on ne parle pas de chômeurs mais de demandeurs d'emploi". Car avec 150 heures d'activité, par mois, une personne peut "en fait être inscrite à Pôle Emploi sans pour autant être au chômage. C'est le cas lorsqu'elle ne s'épanouit pas dans son travail et qu'elle veut en changer".

Ainsi ces chiffres amènent "à s'interroger sur le concept de chômeurs et de demandeurs d'emploi en se rendant compte que, s'il y a des intersections, ces deux notions ne sont pas synonymes", conclut Éric Heyer.