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Retraite

Retraites: augmenter les cotisations, une alternative soutenue par certains syndicats et économistes

Plutôt qu'une mesure d'âge, certains économistes et syndicats suggèrent d'augmenter les cotisations retraite de quelques euros pour résorber le futur déficit. Une solution que le gouvernement a toujours écartée.

Quelle que soit l'option choisie, les syndicats promettent déjà d'appeler à la mobilisation. Mardi, le gouvernement dévoilera sa réforme des retraites avec comme mesure centrale: un recul de l'âge légal de départ à 65 ans, ou un report à 64 ans couplé à une accélération de la réforme Touraine, qui prévoit depuis 2014 un allongement progressif de la durée de cotisation.

Pour une fois, les organisations syndicales sont unanimes: hors de question de valider une réforme contenant une mesure d'âge jugée injuste, en particulier pour les personnes qui ont commencé à travailler tôt. Alors, certains représentants des salariés suggèrent d'emprunter d'autres voies pour régler la question du financement du système qui devrait être déficitaire d'environ 10 milliards d'euros par an dans les prochaines années, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR).

Des syndicats prêts à augmenter les cotisations

Mais les options sont limitées. Outre une mesure d'âge, l'équilibre du système de retraites peut passer soit par une hausse des cotisations retraites, soit par une baisse des pensions. A la CFDT, l'Unsa ou la CFTC, c'est plutôt la première solution qui est défendue:

"On a dit à la CFTC, et avec d'autres, qu'on pouvait discuter de la problématique des cotisations (...)", a rappelé sur BFMTV le président de l'organisation syndicale Cyril Chabanier, dénonçant la réforme du gouvernement qui "ne concerne que les salariés". "Il n'y a pas d'effort demandé aux entreprises. Donc on pourrait demander un effort aux entreprises et aux salariés. On était prêt à discuter sur 2 à 3 euros d'augmentation des cotisations pour les salariés, et de 4 à 5 euros pour les entreprises. Pour une entreprise de 100 personnes, ça lui faisait 500 euros de plus par mois. (...) Ce n'est pas cela qui va remettre en cause la politique de l'emploi", a détaillé le leader syndical.

Selon lui, cette proposition permettrait de faire "la moitié du chemin" avec "six milliards d'euros" qui rentreraient dans les caisses. "Donc oui pour une réforme, oui pour dire qu'il y a un déficit, mais il n'y a pas que la solution du report de l'âge", a conclu Cyril Chabanier.

Le gouvernement exclut toute hausse de cotisations

Economiste à l'OFCE, Eric Heyer estime que le déficit attendu du système de retraites n'est pas explosif mais qu'un autre problème va se poser sans réforme: "Il n'y a pas le feu au lac. (...) Mais sans réforme, les retraités vont perdre à peu près 20% de leur pouvoir d'achat par rapport à celui des actifs. C'est un choc assez violent. Donc soit on continue comme cela, soit on demande aux actifs un petit effort à travers les cotisations" a-t-il suggéré sur BFM Business. D'après lui, "il faudrait 4 euros d'augmentation par mois par salarié. Ce n'est pas non plus un choc extraordinaire, mais c'est vrai qu'en période de baisse de pouvoir d'achat, cela peut être un peu difficile", a-t-il reconnu.

Surtout, la hausse des cotisations nécessaire pour équilibrer le système de retraites serait en réalité supérieure puisqu'il s'agirait de les augmenter de 4 euros "par mois et par an", a précisé Eric Heyer auprès du Télégramme. Autrement dit, la hausse serait de 4 euros la première année, 8 euros la deuxième, 12 euros la troisième et ainsi de suite jusqu'en 2027. De quoi combler le déficit en "neuf ans", selon l'économiste.

Une proposition rapidement écartée par le gouvernement: "Nous ne voulons pas augmenter les impôts", a rappelé Bruno Le Maire il y a quelques jours. En octobre dernier, Emmanuel Macron rejetait déjà cette solution qui consisterait selon lui à faire payer en moyenne "400 euros de plus par travailleur de cotisations retraites" en 2027. "C'est du pouvoir d'achat en moins", avait martelé le chef de l'Etat.

Perte de salaire net

Un niveau surévalué selon Michaël Zemmour, maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Dans une note de blog publiée sur le site d'Alternatives économiques, l'économiste a tenté de mesurer l'ampleur de la hausse de cotisations qui permettrait de boucher le déficit. En se basant sur le rapport du COR, il indique qu'"il faudrait relever les cotisations de 0,8 point d'ici 2027 (0,7 points dans la convention la plus favorable)". Une augmentation que certains syndicats suggèrent de répartir équitablement entre salarié (+0,4%) et employeurs (+0,4%).

Reste que dans l'hypothèse où l'équilibre du système reposerait intégralement sur cotisations des salariés, le salaire net moyen serait de 2674,61 euros en 2027, contre 2702 euros à cotisations constantes, évalue Michaël Zemmour, soit une perte de plus de 27 euros par mois pour les salariés (soit près de 330 euros par an). Pour les salariés au Smic, cette hausse de cotisation représenterait une perte nette de 14 euros par mois en 2027, soit 168 euros par an.

Le relèvement du taux de cotisation salarié (+CSG) serait toutefois progressif, à hauteur de 0,16% par an pour atteindre 22,8% en 2027. Ce qui correspondrait sur la fiche de paie à 5 euros de salaire net en moins en 2023 pour une rémunération équivalente au salaire moyen (3 euros pour un Smic), 11 euros en 2024 (5 euros pour un Smic), 16 euros en 2025 (8 euros), 22 euros en 2026 (11 euros) et enfin près de 28 euros en 2027.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco