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Retraite

Pensions de retraite: combien peuvent toucher au maximum les Français?

En dehors des régimes dits "spéciaux", les fonctionnements diffèrent beaucoup entre les régimes privés et publics. Les disparités possibles entre retraités les plus pauvres et les plus riches aussi.

La réforme des retraites doit fixer, selon les voeux du gouvernement, les pensions minimales à 1200 euros par mois, soit 85% du SMIC net. De quoi donner un coup de pouce aux revenus des retraités en France, déjà supérieurs en moyenne à ceux des actifs. Selon l'Insee, en 2019, le niveau de vie médian des retraités vivant en France métropolitaine dans un logement ordinaire (hors institutions) s'élevait à 1900 euros net, soit 3,3% de plus que les 1840 euros médians touchés par les actifs.

Parmi ces revenus, les pensions occupent une place centrale: elles représentent 80,4% de l'argent perçu annuellement par les retraités - soit une pension moyenne de 1509 euros brut (de droit direct). Les plus âgés sont aussi, pour les moins aisés d'entre eux, sortis plus régulièrement de la pauvreté par des mécanismes de redistribution fiscaux ou sociaux (via la CRDS, la CSG, les minimas vieillesse ou les aides au logement). Ils sont ainsi moins nombreux à être exposés à la pauvreté: 8,7% contre 14,6% des actifs en 2019. A l'inverse, selon la Drees, 2% des retraités touchent plus de 4500 euros par mois (3,5% des hommes, 0,5% des femmes).

La fixation des niveaux de pension demeure donc crucial pour assurer le niveau de vie des retraités, mais aussi pour juguler les inégalités: comment sont calculées ces pensions, et quels niveaux peuvent-elles au maximum atteindre? BFM Business s'est livré à quelques calculs.

Dans le privé, les complémentaires font les inégalités

Côté secteur privé, le régime général - auquel cotisent quelque 15 millions d'actifs - se décompose en deux parties. La retraite de base, versée par la CNAV, ne peut pas dépasser la moitié d'un plafond fixé annuellement par la Sécurité Sociale. Ce plafond était situé pour 2022 à 41.136 euros annuels, soit 3428 euros mensuels. La pension de base ne pouvait donc pas excéder 1714 euros bruts par mois pour un retraité liquidant sa retraite cette année.

Des majorations s'appliquent ensuite pour potentiellement dépasser ce seuil: si un salarié continue à travailler après la durée exigée pour une retraite à taux plein, chaque trimestre supplémentaire validé augmentera sa pension de 1,25% par exemple. Une majoration de 10% s'applique aussi pour les actifs ayant eu 3 enfants. Une invalidité vaut aussi une majoration de 40%.

"Cette retraite du régime général peut se cumuler avec toutes les autres retraites françaises et étrangères pour lesquelles un assuré aura cotisé et se sera ouvert des droits. Pour un salarié du privé, il y aura a minima la retraite complémentaire de l’Agirc Arrco", souligne la CNAV auprès de BFM Business.

A cette enveloppe de départ s'ajoute en effet une retraite complémentaire obligatoire, gérée par l'Agirc-Arrco (les deux institutions ont fusionné en 2019). Ses versements sont calculés de façon très différente, avec un système par points. Cela complique le calcul d'une pension "maximale".

"Le montant de la pension est fonction du nombre de points acquis par le participant pendant toute sa carrière, sur des assiettes/taux qui peuvent être différents d’une entreprise à l’autre", explique ainsi l'organisation.

Seul le calcul sur une année est possible. En 2022, par exemple, et à supposer que son entreprise applique les taux minimum obligatoires de cotisation (certaines ont pu souscrire dans le passé à des taux plus élevés sur la première tranche), voilà ce que pourrait toucher un salarié au maximum.

Le nombre de points cotisés s'obtient en prenant le salaire perçu, multiplié par un taux de calcul, divisé par un salaire de référence - 17,43 euros en 2023. Jusqu'au plafond fixé par la Sécurité Sociale - 41.136 euros annuels en 2022 - le taux de calcul des points est fixé à 6,20% ; au-delà, et dans la limite de huit fois le plafond de la Sécurité sociale, soit 329.808 euros en 2022, il est fixé à 17%. Au-delà, on ne cotise plus.

Un très haut salaire, de 400.000 euros annuels, cotiserait des points en 2022 selon le barème suivant. D'abord, pour ses revenus compris entre 0 et 43.992 euros: ( 41.136 x 6,2%) / 17,43 = 146,31 points.

Pour ses revenus compris entre 41.136 et 329.808 euros: [(329.808 - 41.136) x 17%] / 17,43 = 2808,22 points. Pour ses revenus au-dessus de 351.936 euros, il ne cotise plus et ne touche rien.

En tout, un actif à très haut salaire a pu cotiser au maximum 2954,53 points en 2022. Pour trouver le montant de pension annuelle auquel il aurait droit, il faut transformer ces points en argent avec la "valeur de service du point", montant auquel on peut liquider chaque point. En 2022, elle était fixée à 1,3498 euros. Dans notre exemple, il était donc possible de récupérer 3988,02 euros de pension annuelle rien qu'avec une année de cotisation.

Il faudrait donc, pour calculer la pension complémentaire totale, versée annuellement au moment de la retraite, ajouter toutes les autres années et le nombre de points pris lors de chacune des 42 autres années cotisées.

Difficile donc d'aboutir un à un chiffre précis, qui dépendra de la trajectoire de carrière. Mais un constat s'impose: si le régime général, via les retraites de base, permet de normaliser les inégalités de revenu un fixant un plafond relativement bas, la complémentaire, à points, permet de larges disparités de revenus.

Quelques régimes spéciaux

Ce mode de calcul ne concerne pas les régimes dits "spéciaux". Les artisans, commerçants et industriels, par exemple, cotisent à la sécurité sociale des indépendants: si ce régime social a été supprimé début 2020, quelques nuances existent. Ils cotisent sur la base d'un revenu annuel moyen mais dans la limite du plafond fixé par la Sécurité Sociale.

Les artistes et auteurs sont à la CNAV mais bénéficient pour leur complémentaire de l'IRCEC, un système par points mais géré par capitalisation - les cotisations sont investies sur les marchés financiers et génèrent des rendements fluctuants.

Les exploitants agricoles cotisent pour leur part à la MSA (Mutualité Sociale Agricole), avec une retraite forfaitaire (288,47 euros mensuels en 2022 pour une carrière complète) assez faible, complétée par une complémentaire qui dépend des revenus. Les pensions étant systématiquement faibles, cette retraite complémentaire obligatoire a été instaurée en 2003 pour leur garantir au moins 75% du SMIC.

Plus largement, les professions libérales ont leur propre fonctionnement, pour leurs quelque 900.000 cotisants. Le régime de base - à la CNAVPL - est le seul en France à fonctionner par points. Avec un taux plein, il permet à une personne liquidant sa retraite en 2023 d'obtenir jusqu'à 47.520 euros de pension annuelle, soit 3.960 euros mensuels, avec un revenu dépassant le plafond de cotisation (cinq fois le plafond de la Sécurité Sociale). A ce montant s'ajoutent les retraites complémentaires, gérées par les différentes caisses (notaires, médecins, dentistes, pharmaciens, vétérinaires, assureurs, ou architectes).

Quelques autres régimes "spéciaux" obéissent enfin à leurs propres règles: c'est le cas des salariés des mines ou des compagnies énergétiques, des clercs de notaires, des marins, de l'Opéra de Paris ou des ports, de la RATP ou encore de la SNCF. Autant de systèmes dont l'exécutif aimerait signer la fin.

Dans le public, des pensions encadrées

Le régime exclut aussi, de facto, les employés de la fonction publique, pour qui le calcul est encore différent à l'exception des contractuels, dont la retraite de base est versée par la CNAV selon les règles générales. Pour les autres, la retraite est versée par le SRE (fonctionnaires d'Etat) ou par la CNRAClL (fonctionnaire territorial ou hospitalier).

Le montant de la pension dépend alors du dernier traitement indiciel détenu depuis au moins six mois, au moment de la liquidation: on multiplie cet indice avec une valeur de traitement fixe, délimitée par décret, et qui s'élève en 2023 à 5.820,04 euros, puis par un pourçentage dépendant du nombre de trimestres cotisés. Avec un traitement indiciel maximal, et une carrière complète, un fonctionnaire peut donc toucher jusqu'à 36.229 euros de pension cette année, soit 3.019,14 euros.

Le régime de la fonction publique tend donc à produire moins de différences de revenus une fois à la retraite, entre les moins bien lotis et les mieux rémunérés. Le seul dispositif de complément est la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), pour lequel les fonctionnaires cotisent sur leurs primes, avantages en nature et sur tous les revenus pour lequels ils ne cotisent pas pour la retraite de base. Avec des limites: ils ne peuvent cotiser que sur un montant maximal de 20% de leurs revenus, et avec un niveau de cotisation de 5%. Le régime limite donc, par sa nature, le montant de cette complémentaire, gérée, fait notable, par capitalisation.

Valentin Grille