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Pourquoi la High-Tech américaine déçoit les investisseurs

Comble des paradoxes : les resultats d'Apple, sanctionnés en bourse (-4.3%), étaient sans doute les plus solides du trimestre écoulé, au milieu d'un secteur high-tech américain aux prises avec un contexte de plus en plus difficile.

Comble des paradoxes : les resultats d'Apple, sanctionnés en bourse (-4.3%), étaient sans doute les plus solides du trimestre écoulé, au milieu d'un secteur high-tech américain aux prises avec un contexte de plus en plus difficile. - Justin Sullivan - Getty Images North America - AFP

Dans la flopée de résultats trimestriels qui tombent en ce moment, ceux d'IBM, de Yahoo, de Microsoft et même d'Apple n'ont pas emballé les marchés. Les investisseurs sont déçus par les perspectives commerciales et financières de ces champions de la tech américaine.

IBM, Microsoft, Yahoo, le secteur des semi-conducteurs et même Apple en point d’orgue ! Il est clair que la récente livraison de trimestriels ne constitue pas un grand cru pour la high-tech américaine au sens large. A chaque fois pour des raisons différentes, mais de manière unanime, on semble traverser une phase difficile dans certains métiers-clé.

Cette mauvaise récolte a commencé avec IBM, qui signe un 13ème trimestre consécutif de baisse de ses ventes. Certes le groupe a entamé un virage stratégique vers les services de données et cloud, les plus rentables du moment, qui semble vouloir payer. Les revenus sont même impressionnants sur la période à 8.7 milliards de dollars.

Les perspectives de l’informatique en berne

Mais voilà, le virage est encore trop lent, et ces revenus ne représentent que 10% du chiffre d’affaires total d’IBM sur la période. Ce qui prouve que la croissance exponentielle de ce segment de marché n’est pas encore de nature à enrayer la baisse de l’activité dans les autres métiers du groupe, très dépendant de l’investissement des entreprises en technologies. Et il est évident qu’on reste depuis plusieurs années dans un contexte de très grande prudence à ce niveau.

Mauvaise pioche aussi pour Microsoft, qui signe la plus lourde perte trimestrielle de toute son histoire, 3.2 milliards de dollars ! L’excellente opportunité que représentait le rachat des téléphones mobiles de Nokia, et en faire le laboratoire technologique de Microsoft Mobile, se traduit pour l’instant par de très lourdes charges.

Le redressement de Yahoo retardé

Il a fallu restructurer la dernière acquisition, élaguer dans certains de ses métiers, et surtout couvrir la perte de valeur. Au total 7.5 milliards de dollars ont été provisionnés à ce titre, ce qui a fait plonger les comptes sérieusement dans le rouge. Sans compter la faiblesse de l’activité Windows, avec des clients qui attendent la sortie de la 10ème version du système d’exploitation pour dans quelques semaines, clients déjà échaudés par un Windows 8 passablement décevant.

En pleine phase de reconquête ,Yahoo! autre grand nom de la high-tech, a également déçu. Le groupe a pourtant enregistré une hausse de 15% de son chiffre d’affaires, avec une très nette progression de l’activité moteur de recherche (+22%), et une amélioration spectaculaire du métier mobile/vidéo/réseaux sociaux (+60%). 

Lenteurs d’adaptation

Mais pour afficher ces belles performances, Yahoo est obligé d’aligner de très gros frais d’acquisition de trafic internet. Du coup malgré un chiffre d’affaires total de 1.2 milliard de dollars, on tombe à 1 milliard en déduisant les commissions reversées aux partenaires. Et dans l’absolu, le groupe affiche 21 millions de dollars de pertes sur la période. 

Le secteur des semi-conducteurs lui aussi connaît des difficultés, avec déjà Intel qui a publié des résultats en baisse, marqués en notamment par la lenteur du virage pris en direction des objets connectés. L’acquisition d’Altera pour plus de 16 milliards de dollars annoncée il y a quelques mois est censée accélérer les choses, mais vu le prix payé, les analystes restent très sceptiques pour le moment.

Nécessité de se restructurer

Mais le reste des publications montre aussi une industrie qui connaît un important problème de timing pour s’adapter à des changements industriels cruciaux. Texas Instruments a déçu également, avec des performances nettement en dessous des attentes, malgré des métiers qui rapprochent le groupe des tendances actuelles, notamment celles qui sont liées aux télécommunications mobiles.

Qualcomm, le spécialiste des puces mobiles, semble lui être dans des difficultés plus structurelles et sérieuses, vu qu’il en est à son 3ème abaissement de prévisions financières, que certaines cessions d’actifs sont prévues et que 15% des effectifs vont être supprimés.

Nouvelle phase d’"Apple-Bashing" 

Finalement la publication que tout le monde aura retenue est celle d’Apple, que les marchés ont voulu sanctionner (baisse de 4.3% en clôture hier), alors qu’elle était sans doute la plus solide ! Avec 47,5 millions d’IPhone vendus en un seul trimestre, et des ventes passant du simple au double en Chine, le groupe peut se vanter d’avoir les chiffres les plus impressionnants du moment.

Mais les marchés ont préféré jouer la fine bouche, parlant de chiffres très légèrement inférieurs à certaines études pour considérer qu’il fallait vendre le titre. Accessoirement un prétexte rêvé pour prendre quelques profits sur un titre qui gagne encore, malgré la baisse d’hier, pas loin de 30% sur un an.

Une transformation à marche forcée

Apple n’aura donc été qu’une anecdote au milieu d’un tableau général présentant des entreprises qui traversent une phase d’adaptation difficile à de nouveaux fondamentaux de leurs marchés respectifs, avec de lourdes conséquences en matière de rentabilité et de possibilité de générer du cash.

Et malgré des réactions boursières encore modérées, les prochains mois seront cruciaux pour juger des capacités d’adaptation de la high-tech américaine, pour l’instant très lente face aux changements de marché, le tout couplé avec une panne de croissance notable sur leurs métiers plus traditionnels.

Antoine Larigaudrie