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Michael Jackson: pourquoi les catalogues des artistes cultes s'arrachent pour des milliards de dollars

Thriller de Michael Jackson, l'album le plus vendu de l'histoire de la musique avec plus de 51 millions d'exemplaires.

Thriller de Michael Jackson, l'album le plus vendu de l'histoire de la musique avec plus de 51 millions d'exemplaires. - Epic

L'arrivée d'une nouvelle génération sur les plateformes de streaming et le business florissant de la nostalgie aiguisent l'appétit des investisseurs pour les artistes du passé.

Quinze ans après sa disparition, le "roi de la pop" est toujours au sommet. Sony Music Group viendrait de dépenser pas moins de 600 millions de dollars pour s'offrir la moitié des droits du catalogue de Michael Jackson, selon le média américain Billboard. Un montant record qui valorise donc les chansons et les masters (enregistrements originaux) de l'artiste à hauteur de 1,2 milliard de dollars.

Selon d'autres sources citées par Billboard, le catalogue de l'artiste vaudrait même 1,5 milliard de dollars. Plus que celui de Queen qui négocierait la vente de l'ensemble de ses droits autour de 1,2 milliard de dollars. Ou que ceux de Bruce Sprinsteen (500 millions de dollars) et de Bob Dylan (200 millions) rachetés ces dernières années.

Des montants qui paraissent démesurés si on les rapporte aux revenus réellement générés par ces artistes. Michael Jackson est certes l'auteur de l'album Thriller, disque le plus vendu de l'histoire de la musique (51,2 millions de copies certifiées), mais c'était en 1982.

Aujourd'hui il n'est "que" le 74ème artiste le plus streamé sur Spotify avec 13 milliards d'écoutes sur la plateforme. Très loin des stars contemporaines de la pop comme Drake (72 milliards), Taylor Swift (71 milliards) ou The Weeknd (53 milliards). Sa chanson la plus populaire sur Spotify, "Billie Jean", culmine à 1,6 milliard d'écoutes. C'est le 153ème titre de la plateforme, très loin du sommet (plus de 4 milliards pour "Blinding Lights" de The Weeknd).

Selon une enquête réalisée en 2023 par Billboard, l'héritage musical de l'artiste générerait 75 millions de dollars par an. Mais cette estimation comprend les royalties tirées de son catalogue musical mais aussi la vente de produits dérivés ou encore l'exploitation du nom de l'artiste dans des spectacles comme ceux du Cirque du Soleil à Las Vegas. Les revenus tirés des seuls actifs musicaux s'élèveraient à 47 millions de dollars par an. Une somme confortable mais bien plus modeste que le milliard et demi de dollars que vaudrait son catalogue.

Une bulle spéculative?

Y'aurait-il une bulle spéculative sur les catalogues des stars de la musique du siècle précédent? Concernant Michael Jackson, Sony semble faire le pari de la popularité croissante de l'artiste auprès du jeune public actuel. Selon le spécialiste des données de streaming Luminate, les ventes et les écoutes du "roi de la pop" ont bondi de 37% ces trois dernières années passant de 1,07 à 1,47 million équivalent album (1500 à 2000 écoutes cela représente une vente physique de disque). Une croissance bien supérieure à celle du marché de la musique estimée à 23% sur la période.

D'autant que ce n'est peut-être que le début de la jacksonmania. En 2025, un film retraçant la vie de l'artiste devrait couronner ce retour en grâce. Un projet derrière lequel on retrouve Graham King, le producteur britannique déjà aux commandes de Bohemian Rhapsody, le biopic de Queen qui avait été un immense succès (910 millions de dollars de recettes) et qui avait fait découvrir le groupe à une nouvelle génération.

Ce renouveau des artistes patrimoniaux dépasse d'ailleurs le cas de Michael Jackson. Depuis quelques années, les répertoires de groupes et de chanteurs des décennies passées aiguisent les appétits des géants du private equity. En 2021, le géant de la gestion d'actifs Blackstone s'est associé à la société Hipgnosis spécialisée dans la gestion de droits d'auteurs pour créer un fonds doté d'un milliard de dollars afin d'acquérir des répertoires d'artistes comme ceux du chanteur Neil Young ou du groupe Blondie.

Le business florissant de la nostalgie

D'autres fonds d'investissements comme Apollo ou KKR ont créé des véhicules similaires d'acquisitions de droits musicaux. Pour Qasim Abbas, le directeur en charge des opportunités chez Blackstone, ces répertoires sont "une valeur durable et de long terme".

"En tant que classe d'actifs, elle en est encore aux premiers stades d'évolution", confiait-il au Financial Times au lancement du projet.

Le streaming musical poursuit son essor avec plus de 600 millions d'abonnés dans le monde. Surtout l'âge moyen des utilisateurs ne cesse d'augmenter et frôle désormais les 34 ans selon Spotify. Un public qui permet aux vieux titres de connaître une nouvelle jeunesse sur ces plateformes.

Ces derniers mois de nombreux classiques ont ainsi dépassé le milliard d'écoutes sur Spotify. De Here Comes The Sun des Beatles (1,2 milliard) à Every Breath You Take de Police (1,8 milliard) en passant par Highway To Hell d'AC/DC (1,4 milliard) ou Dreams de Fleetwood Mac (1,5 milliard), les chansons des "baby boomers" ont la cote.

Un engouement qui ne concerne d'ailleurs pas que les méga-stars. L'utilisation d'une vieille chanson dans une série à succès ou un trailer de jeu vidéo peut remettre un artiste "oublié" sur le devant de la scène. La chanteuse Kate Bush a par exemple été "bouleversée" en 2022 lorsque son tube vieux de 40 ans Running Up That Hill a pris la tête des charts britanniques après son utilisation dans la série Stranger Things. Plus récemment c'est le chanteur folk Tom Petty dont la chanson Love Is a Long Road a enregistré un bond des écoutes de 5200% quand les fans de jeux vidéo l'on entendue dans le trailer du jeu GTA 6.

Un business de la nostalgie auquel la France n'échappe pas. Une nouvelle génération s'est entichée des tubes de Claude François, du groupe Image, de IAM sans même parler des Lacs du Connemara de Michel Sardou qui culmine à 50 millions d'écoutes sur Spotify. A l'instar d'ailleurs du succès de la radio musicale Nostalgie qui bat des records d'audience et est devenu en 2023 la 5ème station la plus écoutée.

"On était vus comme "la radio des morts", déclarait le directeur, Xavier Laissus Pasqualini dans Sud Ouest en octobre dernier. Le truc phénoménal, c’est que nous sommes devenus une radio à la mode!"

Et c'est bien connu, là où il y a de la mode, il y a du business.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco