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Malgré la crise, l'entreprenariat est resté dynamique et les défaillances ont chuté

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Image d'illustration - LOIC VENANCE / AFP

Selon la 3e édition du Bilan National des Entreprises des greffiers des tribunaux de commerce, les entreprises ont été largement épargnées par la crise en 2020 mais la situation est plus que précaire.

Le paradoxe a plusieurs fois été relevé, il est cette fois-ci confirmé par les greffiers des tribunaux de commerce dans leur bilan annuel. La crise sans précédent qui touche la France n'a pas bridé les créations d'entreprises tandis que les défaillances chutent sur un an grâce aux filets de sécurité mis en place par le gouvernement.

L'entreprenariat n'a en effet pas faibli "malgré l'incertitude liée à l'avenir de la situation économique post-Covid". "Après un net ralentissement observé lors du deuxième trimestre 2020, le rythme des créations d'entreprises s'est accéléré dès la fin du premier confinement, pour finalement aboutir à un nombre total d'immatriculations supérieur à 2019".

Le greffe a comptabilisé 469.044 entreprises créées, soit une augmentation de plus de 2% et 10.000 immatriculations supplémentaires par rapport à 2019. "Un nouveau record qui semble traduire un optimisme persistant des créateurs d'entreprises en 2020", peut-on lire. Le chiffre est néanmoins différent de celui avancé par l'Insee qui donne 848.000 créations (+4%).

Transport et e-commerce en tête

Avec plus de 50.000 créations d'entreprises et une progression de +24% par rapport à 2019, le transport figure en tête des secteurs les plus dynamiques de 2020, souligne le baromètre. "Le secteur est particulièrement porté par la livraison à domicile, dont les immatriculations croissent de 38% par rapport à 2019, représentant à elles seules près d'un dixième du total des nouvelles inscriptions au registre du commerce et des sociétés".

Le commerce figure sur la deuxième marche du podium et voit ses immatriculations progresser de plus de 7% par rapport à 2019 notamment grâce au développement du e-commerce.

Géographiquement, trois régions tirent leur épingle du jeu: l'Île-de-France, les Hauts-de-France et les Pays de la Loire voient ainsi leur nombre de créations d'entreprises augmenter respectivement de 7,5%, 4,1% et 2,3%.

Une dynamique soutenue par les livraisons à domicile en Île-de-France et dans les Hauts-de-France, quand l'entrepreneuriat des Pays de la Loire est porté par l'essor du e-commerce", explique l'étude.

Moins de défaillances mais plus de liquidations

A l'inverse, selon le greffe, seulement 27.645 procédures collectives de défaillances ont été ouvertes en 2020, soit une chute de 37,5% par rapport à 2019. 

Répartition des procédures collectives par grands secteurs économiques
Répartition des procédures collectives par grands secteurs économiques © Greffes des tribunaux de commerce

L'explication de ce recul record est connue: "les dispositifs de protection des entreprises mis en place par le gouvernement ont produit leur plein effet en 2020. Ainsi, les exonérations de charge, le gel de l'état de cessation des paiements, le chômage partiel, les prêts garantis par l'Etat ou bien encore le fonds de solidarité ont permis de préserver les trésoreries des entreprises et d'absorber l'impact de la crise sur les défaillances d'entreprises", peut-on lire.

Les greffiers des tribunaux de commerce soulignent que ces amortisseurs ont "particulièrement été efficaces".

Dans le détail, le greffe observe toutefois que la proportion de liquidations judiciaires (y compris les liquidations judiciaires simplifiées) parmi l’ensemble des défaillances est en hausse de 73,5% en 2019 à 77,5% en 2020, au détriment des procédures de redressement et de sauvegarde. "Une dynamique qui traduit une complexité et une irréversibilité grandissantes des situations des entreprises en difficulté".

Les entreprises du commerce concentrent logiquement le plus de procédures (23,5%) devant la Construction (18,8%). Viennent ensuite l'hébergement-restauration (14,8%) et le Conseil et services aux entreprises (12,5%).

Saisir les tribunaux de commerce au plus tôt quand les difficultés apparaissent

A l’image des procédures collectives, le nombre de radiations a également observé une contraction au cours de 2020. Sur l’ensemble de l’année, 237.543 radiations ont été enregistrées (hors Moselle et Alsace), soit un fléchissement de 14,1% par rapport à l’année 2019.

Evidemment, ces baisses sont en trompe-l'oeil "par rapport à la situation économique et financière réelle du pays". Le greffe entrevoit donc "une explosion des défaillances d'entreprises en 2021, à mesure que les dispositifs d'aide cesseront de faire effet, et que les entreprises déjà en difficulté avant la crise viendront s'ajouter à celles frappées par la crise sanitaire".

En 2021 et même sûrement au-delà, l’indicateur des entreprises en difficulté sera le flux le plus crucial à observer. Cette statistique, qui constitue un indicateur avancé des disparitions d’entreprises, mesurera réellement l’impact de la crise sanitaire sur le tissu entrepreneurial français, peut-on lire. De surcroît, la reprise économique prévue pour 2021 semble pour le moment nettement insuffisante pour combler les pertes parfois abyssales des entreprises en 2020. Enfin, les différentes aides octroyées via des prêts ont généré des dettes supplémentaires importantes qui devront être remboursées dans un futur proche".

Pour Sophie Jonval, présidente du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce: "Si nous pouvons nous féliciter d'avoir remporté une première bataille contre la vague de défaillances qui s'annonçait, le chemin que nos entreprises vont désormais devoir tracer s'annonce des plus périlleux. C'est pourquoi nous invitons aujourd'hui les chefs d'entreprises qui pressentent des difficultés à se rendre au plus tôt au tribunal de commerce, afin de pouvoir bénéficier de procédures préventives qui leur permettront de sauvegarder leur activité et leurs emplois."

L’enjeu majeur sera d’éviter les défaillances d’entreprises performantes et dans le même temps de restreindre autant que faire se peut le sauvetage des entreprises dites zombies, souligne le baromètre.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business