Loi PFAS: la direction et des salariés du groupe Seb vont manifester devant l'Assemblée nationale
Le groupe Seb tente de gagner les députés à sa cause. Un projet de loi écologiste contre les "polluants éternels" s'invite à l'Assemblée nationale, de quoi susciter l'inquiétude du groupe d'électroménager, qui en utilise dans la fabrication de certains de ses produits. La direction sera main dans la main avec les syndicats et plusieurs centaines de salariés de l'entreprise pour manifester ce mercredi à Paris devant le Palais Bourbon et faire ainsi pression sur les députés à la veille du passage en première lecture de cette loi portée par le député écologiste Nicolas Thierry.
Selon le groupe, cité par l'AFP, près de 600 personnes sont attendues à ce rassemblement, prévu à 14h. Des bus ont été affrétés depuis les villes de Lourdes (Hautes-Pyrénées), Selongey (Côte d'Or), Is-sur-Tille (Côte d'Or), Pont-Evêque (Isère), Rumilly (Haute-Savoie), Mayenne (Mayenne) Saint-Lô (Manche) et d'Ecully (Rhône), où se trouve le siège du groupe, selon la direction.
Quasi-indestructibles
Le groupe Seb, fabricant des poêles Tefal, assure que l'adoption d'une telle loi ferait peser une sérieuse menace sur l'emploi. "Cette demande déclencherait la perte de 3000 emplois liés au fait que nos sites de Rumilly [en Haute-Savoie] et de Tournus [en Saône-et-Loire" font 70% de leur production à l'export", a déclaré Stanislas de Gramond, directeur général du groupe Seb, auprès de BFM Business.
"Si on interdit l'utilisation de ces produits en France on ne pourra plus les fabriquer donc nous perdrons nos marchés export", a-t-il avancé.
La proposition de loi prévoit notamment d'interdire la fabrication et la vente de certains produits qui contiennent des PFAS. Quasi-indestructibles, les substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS, massivement utilisées dans l'industrie chimique, s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain, d'où leur surnom de polluants "éternels". Ces molécules sont décrites par certains experts comme "la plus grande menace chimique au XXIe siècle", mais jugés en partie incontournables par l'industrie.
Lors du rachat de la marque Tefal en 1968, le groupe "a décidé de fabriquer son propre revêtement", en utilisant une autre formule qui permet de coller le revêtement sur l'aluminium, et qui ne contient pas de PFOA, (acide perfluorooctanoïque), composant utilisé autrefois par la société DuPont et incriminé dans des pollutions, notamment aux Etats-Unis, a indiqué le groupe à l'AFP. La formule utilisée aujourd'hui par SEB contient du PTFE (polytétrafluoroéthène), un autre PFAS dont le groupe affirme qu'il ne présente pas de danger, et est "totalement inerte et insoluble".
Des arguments jugés "extrêmement fragiles" par le député Nicolas Thierry, auteur du projet de loi, contacté par l'AFP : "le PFOA est de toute façon interdit depuis 2020, et reconnu depuis par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) comme cancérogène pour les humains", a-t-il rappelé. Il ajoute que les autres PFAS utilisés en lieu et place demeurent extrêmement persistants dans l'environnement, lors de la fabrication et la fin de vie des produits.
"Manque d'anticipation"
Concernant les éventuelles conséquences sociales, le député a estimé que "l'industriel est pris en flagrant délit de manque d'anticipation", compte tenu des poursuites qui ont touché aux Etats-Unis des géants de la chimie, dont certains ont payé de très lourdes sommes pour échapper à des procès. Dernier en date, le groupe 3M, fabricant notamment du Scotch et des Post-it, a accepté en juin 2023 de verser jusqu'à 12,5 milliards de dollars dans le cadre des poursuites engagées par plusieurs réseaux publics de distribution d'eau potable pour contamination par les PFAS.
L'Union européenne réfléchit à une interdiction des PFAS d'ici 2026 pour tous les États-membres, une démarche soutenue par la France. Mais selon Nicolas Thierry, les États-membres n'auront l'obligation de contrôler que vingt PFAS sur des centaines qui ont été répertoriés. Un rapport parlementaire réalisé à la demande du gouvernement, publié en février, recommande de "faire cesser urgemment les rejets industriels" contenant des polluants éternels, "sans attendre de restriction européenne".