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Les différents scénarios sur l’avenir d’Enedis chez EDF

Les syndicats mettent en garde le nouveau PDG contre la future restructuration du groupe. La filiale de distribution est au cœur des interrogations.

Enedis sera au cœur de la restructuration d’EDF. Le nouveau PDG, Luc Rémont, vient de prendre ses fonctions et les syndicats montent déjà au créneau. La CFGT, la CFDT, FO et la CFE-CGC ont publié hier un communiqué commun dans lequel ils promettent d’être "vigilants". Ils craignent un retour d’Hercule, le projet du gouvernement qui visait à séparer EDF en deux entités.

Leur inquiétude se justifie alors que toutes les banques d’affaires planchent sur de nouveaux schémas de réorganisation d’EDF. Elles iront les présenter dans les mois à venir à Luc Rémont qui, après avoir travaillé sept ans chez Bank of America Merrill Lynch, les analysera avec un œil averti. Un seul mot d’ordre : préserver Enedis. La filiale de distribution a été au cœur d’une dizaine de journées de grève en 2021 lorsque le gouvernement négociait avec Bruxelles la restructuration d’EDF. Les taux de mobilisation des salariés atteignaient près de 50% !

La première solution consisterait en un statu quo d’Enedis détenue directement à 100% par EDF. Une différence importante avec le projet Hercule qui la logeait avec les activités d’énergies renouvelables. Cet ensemble, baptisé "EDF Vert", avait vocation à être coté en Bourse pour valoriser les généreuses marges d’Enedis, évaluées à 5 milliards d’euros.

Un mariage RTE-Enedis

Sauf que cette option empêcherait EDF d’utiliser Enedis pour se renflouer. Car le sujet premier est bien celui-là: EDF va avoir de nouveau besoin d’argent. Le groupe a déjà perdu 5,3 milliards d’euros au premier semestre à cause de la baisse historique de sa production nucléaire. Et après l’augmentation de capital de 3 milliards d’euros en avril dernier, une autre risque d’être nécessaire l’an prochain.

"La situation financière d’EDF est très sérieuse, explique un banquier du groupe. Et l’Etat veut que le groupe conserve une notation honorable de sa dette".

C’est l’autre écueil de Luc Rémont: ne pas laisser EDF s’enfoncer sous 60 milliards d’euros de dette.

Du coup, une solution hybride existe, en conservant Enedis dans le giron 100% public tout en permettant à EDF de récupérer des fonds. Elle pourrait passer par un rapprochement avec le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE). Selon plusieurs sources, c’est une option à laquelle le patron de RTE, Xavier Piechaczyk, est favorable. Elle permettrait de créer un ensemble "réseaux électriques de France", de la production à la distribution. Un argument politiquement séduisant.

RTE pourrait notamment s’appuyer sur son actionnaire la Caisse des Dépôts pour le financement. Mais sur le plan industriel, une telle alliance ne semble pas faire sens. "RTE et Enedis ne font pas du tout le même métier et ils ne sont pas régulés de la même manière", explique un bon connaisseur des deux entreprises. Le régulateur ne voit d’ailleurs pas d’un bon œil un tel schéma.

La Caisse des Dépôts encore à la rescousse?

Enfin, EDF pourrait sinon directement ouvrir le capital d’Enedis à des investisseurs publics comme il l’avait fait pour RTE en 2017, en faisant entrer la Caisse des Dépôts et CNP Assurances comme actionnaire à 49,9%.

"Toutes ces options existent sur le papier, explique un proche d’EDF et de l’Etat. Mais il faudra d’abord que Luc Rémont définisse un projet industriel". Le PDG d’EDF devra faire avec les moyens du bord. Le groupe a déjà engagé un plan de cessions de 3 milliards d’euros. Et d’autres ventes de filiales devraient intervenir l’an prochain au regard des pertes de l’entreprise. La branche italienne Edison, qui vaut environ 5 milliards d’euros est régulièrement citée. "Jean-Bernard Levy ne voulait pas la vendre, souligne un bon connaisseur d’EDF. Mais il est désormais parti…".

Le marché bruisse aussi de la vente possible de Dalkia, spécialisé dans les économies d’énergie. Valorisée autour de 4 milliards d’euros. Mais chez EDF, beaucoup pense qu’à l’heure de la sobriété énergétique, Dalkia aurait toute sa place à côté des énergies renouvelables afin de coter l’ensemble en Bourse. Interrogé il y a deux semaines sur le sujet, Bercy avait déclaré qu’une cession partielle des activités d’énergies renouvelables "n’était pas sur la table". Sans démentir dans l’absolu ce qui existait déjà dans le projet Hercule. Avec 60 milliards d’euros de dettes, des pertes en 2022 et une production nucléaire encore très basse en 2023, Luc Rémont n’aura pas le choix des armes.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business