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Le PDG de Casino se réconcilie avec son pire ennemi

Jean-Charles Naouri, PDG du groupe Casino

Jean-Charles Naouri, PDG du groupe Casino - AFP

Jean-Charles Naouri aurait repris contact avec Abilio Diniz. Son ancien partenaire au Brésil est un actionnaire de poids chez Carrefour. Il a toujours privilégié un mariage avec Casino.

Le contact est (r)établi entre Casino et Carrefour. Et en ces temps agités pour la grande distribution, c’est un détail qui a son importance. Le PDG et actionnaire principal de Casino, Jean-Charles Naouri, a renoué avec Abilio Diniz, son ancien partenaire brésilien. Selon le quotidien El Globo, les deux hommes entretiennent des "relations cordiales et se parlent fréquemment". Une information qu’aucun des deux camps n’a démentie. "Tout le monde se parle", s’est contenté une source proche du dossier. "Diniz n’est plus dans la revanche contre Naouri", ajoute une autre.

Ce "réchauffement" des relations entre les deux hommes intervient alors que Jean-Charles Naouri vient de se séparer d’un de ses proches collaborateurs, Arnaud Strasser, comme l’a rapporté La Lettre A. Il a été l’homme qui a mené la guerre contre Abilio Diniz lors de l’offensive au Brésil il y a dix ans. Sa prise de recul est-elle la conséquence de la paix entre les deux hommes? "La hache de guerre est enterrée mais le manche dépasse encore", nuance un bon connaisseur du dossier, tellement leur rivalité a été forte.

Bataille acharnée il y a dix ans

En 2005, Casino avait pris 43% du capital de Grupo Pao de Açucar, le distributeur de Diniz. Mais en 2011, l’homme d’affaires brésilien avait voulu nouer une alliance avec le grand rival Carrefour. A l’issue d’une bataille acharnée, Jean-Charles Naouri avait réussi à contrer cette offensive et à déloger Abilio Diniz. Ils étaient restés brouillés pendant plusieurs années, d’autant que Diniz était devenu actionnaire de Carrefour en 2015 avec 7,6% de son capital.

Cette réconciliation, si elle se confirme, intervient aussi à un moment où la grande distribution est en plein ébullition en France. Depuis trois ans, Carrefour a multiplié les tentatives de consolidation. D’abord avec Casino en 2018, puis 2019, ainsi qu’avec Auchan à l’automne dernier. La famille Mulliez continue à plancher sur le projet mais Casino ne veut pas rester sur le bord de la route. D’autant que le groupe souffre. Il a publié vendredi des mauvais résultats avec une baisse de ses marges. Son cours a dégringolé de 12,3 % à la Bourse de Paris.

Ces derniers mois, Jean-Charles Naouri critiquait ouvertement le scénario d’un mariage entre Carrefour et Auchan, aux conséquences sociales lourdes. "Il cherche à se replacer dans le jeu car sa situation est désespérée" égratigne un de ses rivaux. Casino reste endetté à hauteur de 5,9 milliards d’euros, contre 4,5 milliards en 2020, alors qu’il avait promis aux marchés de se désendetter.

Les sociétés de son principal actionnaire, Jean-Charles Naouri sont aussi lourdement endettées. Il doit rembourser 1,9 milliard d’euros sur ses 3 milliards de dettes, début 2025. Une échéance qu’il devra en réalité anticiper un an avant, soit dans deux ans. Le temps presse.

Partisan d'un mariage entre Carrefour et Casino

Cette réconciliation est importante car Abilio Diniz a toujours été un fervent partisan d’un mariage entre Carrefour et Casino. "En 2011, il avait proposé à Naouri un mariage avec Carrefour autour de leurs discussions sur le Brésil" rapporte un protagoniste de l’époque. Il n’a pas été séduit par le projet avec Auchan et continue de penser qu’une alliance avec Casino serait la plus intelligente, selon un de ses proches.

Reste que chez Carrefour, le premier actionnaire est la famille Moulin (12,5%), propriétaire des Galeries Lafayette. Son président, Philippe Houzé, est lui aussi fâché avec Jean-Charles Naouri depuis leur bras de fer pour le contrôle de Monoprix, il y a dix ans aussi. Au même moment, Diniz et Houzé bataillaient contre le patron de Casino qui les a tous deux évincés du conseil d’administration de son groupe, le même jour, le 11 mai 2012. A ce jour, il n’y a en revanche "plus aucune relation entre Philippe Houzé et le PDG de Casino", explique une source. Même si "l’eau a coulé sous les ponts, les deux hommes pourraient se réconcilier si c’était nécessaire" ajoute une autre qui conclut sobrement "les affaires sont les affaires".

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business