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Le marché des céréales sous tension après le retrait de la Russie de l’accord sur les exportations ukrainiennes

La Russie a suspendu sa participation à l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, faisant grimper les prix des céréales sur les marchés.

Les remous causés par la guerre en Ukraine déstabilisent encore le marché des céréales. La Russie a annoncé samedi qu'elle suspendait sa participation à l'accord sur les exportations de céréales depuis les ports ukrainiens, en réponse à une attaque de drones sur ses navires en Crimée.

Des craintes sur le maïs

Grâce à cet accord, négocié par l'ONU et la Turquie en juillet dernier, des millions de tonnes de céréales avaient pu sortir d'Ukraine via un "corridor" maritime malgré la guerre en cours dans le pays. Un accord crucial, car l'Ukraine est l'un des principaux exportateurs mondiaux.

Depuis le début du couloir maritime, environ 9,5 millions de tonnes de grains sont sortis d'Ukraine, dont 40% à destination de l'Union européenne. Il n'y a pas de pénurie de blé à craindre en Europe "car l'UE n'est pas importatrice", souligne Arthur Portier, consultant chez Agritel. C'est davantage du côté du maïs que l'on pourrait observer des tensions sur le marché européen: sur 9,5 millions de tonnes de céréales qui ont transités par le corridor, "on compte 4 millions de tonnes de maïs et 48% de ce maïs est entré dans l'UE", grande importatrice de maïs ukrainien, précise-t-il.

Alimentation animale

En Europe, le maïs est principalement utilisé pour l'alimentation animale dans les élevages. Si les importations d'Ukraine ralentissent, elles devront être compensées par du blé ou de l'orge – d'autant plus que la récolte européenne de maïs a été mauvaise en raison de la sécheresse.

Les prix des céréales, déjà sur des hauts niveaux, s'affichaient ainsi en nette hausse ce lundi matin: les cours du contrat à terme pour décembre sur le blé augmentaient de plus de 6% à 11h à Chicago, tandis que le prix du blé de meunerie de même échéance progressait de près de 4% à Paris.

"Les conséquences pour l'Europe seront davantage en termes de prix", explique Arthur Portier.

Si, à court terme, la hausse sera soudaine, difficile d'anticiper l'évolution des cours des céréales dans les prochaines semaines, tant l'incertitude est grande. Les prix pourraient se tasser si les négociations reprennent rapidement avec la Russie dans les prochains jours – ou rester à ce niveau si les discussions trébuchent.

Plusieurs cargos chargés de céréales ukrainiennes ont continué à emprunter le corridor maritime après l'annonce de Moscou et la Turquie a assuré qu'elle continuerait à défendre l'accord, mais la Russie a prévenu qu'il serait "difficile" d'appliquer l'accord sans elle. Le pouvoir russe est même allé ce lundi jusqu'à évoquer "un tour plus risqué" si l'accord s'appliquait sans elle.

"Dans des conditions où la Russie évoque l'impossibilité de garantir la sûreté de la navigation dans ces zones, alors un tel accord est difficilement applicable", a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, interrogé sur la possibilité de continuer cet accord sans la Russie et cité par l'AFP. .

"Cela prend un tour différent, beaucoup plus risqué, dangereux", a-t-il poursuivi.

Hausse des coûts

Ce sont les éleveurs qui devraient pâtir de cette situation, déjà confrontés à une flambée de l'alimentation animale depuis le début de l'année. Par ailleurs, cette hausse des prix des céréales, qu'elle soit passagère ou durable, s'ajoute à celles des autres matières premières qui ont grimpé depuis le début de l'année, ainsi qu'à la crise de l'énergie et à la hausse des coûts de production, qui touchent l'ensemble de la chaîne agroalimentaire. De quoi maintenir la pression sur les prix des produits alimentaires, encore en forte hausse ce mois-ci.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV