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La marque de vêtements Boohoo accusée de travailler avec des sous-traitants "quasi-esclavagistes"

L'association de défense des droits des travailleurs Labour Behind the Label a dénoncé dans un rapport cinglant des conditions de travail et des niveaux de salaires illégaux dans la région de Leicester chez fournisseurs de Boohoo.

L'association de défense des droits des travailleurs Labour Behind the Label a dénoncé dans un rapport cinglant des conditions de travail et des niveaux de salaires illégaux dans la région de Leicester chez fournisseurs de Boohoo. - Labor behind the label

Accusé d'avoir recours à des fournisseurs aux pratiques quasi-esclavagistes et d'avoir contribué à propager le nouveau coronavirus, le groupe d'habillement britannique Boohoo se retrouve dans la tourmente, lâché par ses clients et les investisseurs.

Cette enseigne britannique d'habillement qui vend exclusivement ses vêtements en ligne, est gravement mise en cause outre-Manche, pour les conditions de travail chez ses fournisseurs. Dès lundi 6 juillet, l'action de Boohoo a piqué du nez, et elle a déjà perdu 43% en moins de trois séances.

Un article publié dimanche dans le Sunday Times est à l'origine de la mise en cause publique de Boohoo. Un journaliste a relaté qu'il s'est fait passer pour un ouvrier et a travaillé deux jours dans l'usine Jaswal Fashions de Leicester. Il s'est vu promettre un salaire de 3,50 livres l'heure alors que le salaire minimum pour un adulte de plus de 25 ans est de 8,72 livres au Royaume-Uni.

Des niveaux de salaires illégaux dans la région de Leicester

L'association de défense des droits des travailleurs Labour Behind the Label a renchéri, dénonçant dans un rapport cinglant des conditions de travail et des niveaux de salaires illégaux dans la région de Leicester où la présence de foyers d'infection a forcé la ville du centre de l'Angleterre à se reconfiner.

Le rapport épingle notamment Booho, entreprise fondée au coeur du quartier historique du textile de Manchester en 2006 par Mahmud Kamani et Carol Kane. Spécialisée dans la "fast fashion" éphémère et bon marché, orientée vers les jeunes, elle comprend aujourd'hui plusieurs marques distribuées à l'international pour des ventes annuelles de plus d'un milliard de livres.

Des dénonciations de violations du confinement

"Comment Boohoo peut-elle se targuer d'une croissance de 44% au premier trimestre (...) malgré une pandémie? Les ouvriers dénoncent des violations du confinement, des fraudes aux aides gouvernementales au chômage partiel, et de l'esclavage moderne dans la chaîne d'approvisionnement", a tweeté l'ONG le 1er juillet.

La société s'est dite "horrifiée" par ces allégations et a affirmé tout ignorer de ces pratiques, promettant une enquête pour laquelle elle a embauché une experte renommée du contrôle qualité.



Le groupe dit aussi avoir trouvé des "inexactitudes" dans l'article du Times paru dimanche dernier: Jaswal "n'a jamais été un fournisseur de l'entreprise" et n'est plus en exercice, ses locaux étant occupés par d'autres fabricants, affirme-t-il, cherchant à savoir comment ses produits se sont retrouvés dans ces locaux. "Nos enquêtes internes n'ont pas trouvé de preuves de fournisseurs payant les ouvriers 3,50 livres l'heure", assure-t-il.

Boohoo dit cependant avoir trouvé "d'autres points où les fournisseurs n'ont pas respecté (ses) chartes éthiques et a interrompu sa relation avec eux".

"Le marché pas convaincu par les justifications de Boohoo"

"Le marché n'est pas convaincu" par les justifications de Boohoo, remarque Russ Mould, analyste du courtier AJ Bell, qui fait valoir qu'un "examen de sa chaîne d'approvisionnement aurait dû être fait il y a longtemps".

Les distributeurs britanniques Next, Asos - eux aussi parfois épinglés pour les pratiques de leurs entrepôts - ou l'allemand Zalando ont annoncé boycotter au moins temporairement les produits de Boohoo, tout comme des vedettes de télé comme Vas J Morgan.

"Un cas d'école de mauvaises pratiques éthiques"

"Boohoo est un cas d'école de mauvaises pratiques éthiques", déclare Michael Hewson, analyste de CMC Markets, notant que cela invite à "réfléchir à la nature de la fast fashion et de ce qui se cache derrière les petits prix et le fait d'acheter des vêtements, les porter une fois et les jeter, ce qui n'est pas très éthique".

L'association Labour Behind the Label fait valoir que "l'esclavage moderne révélé dans la chaîne d'approvisionnement de Boohoo n'est pas unique dans le secteur de la confection", dénonçant notamment les commandes annulées et non payées avec l'excuse du virus, qui se répercutent sur les employés.

F.B avec AFP