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La forte hausse du nombre de places en crèche n'a pas dopé l'emploi des femmes

Les crèches Babilou ont décidé de jouer la carte de la modernité (photo d'illustration).

Les crèches Babilou ont décidé de jouer la carte de la modernité (photo d'illustration). - Jean-Pierre Muller - AFP

Selon une étude de l'Insee, si 150.000 places supplémentaires ont été crées entre 2000 et 2016, moins de 5% des mères qui en ont bénéficié n'ont pas eu d'interruption dans leurs carrières professionnelles.

Afin de permettre aux femmes qui ont un enfant de ne pas voir leurs carrières professionnelles s'interrompre ou se fractionner, les pouvoirs publics ont considérablement augmenté les capacités d'accueil en crèche ces dernières années. Ainsi, entre 2000 et 2016, pas moins de 150.000 places supplémentaires ont été créées dans les EAJA (établissements d'accueil du jeune enfant) pour un total de 390.000.

Du coup, le nombre de places pour 100 enfants de moins de 3 ans est passé de 13,7 en 2007 à 16,9 en 2015, grâce à cette hausse régulière du nombre de places.

Pour autant, cette augmentation ne semble pas avoir eu les effets escomptés sur l'emploi des femmes, selon une étude de l'Insee publiée ce lundi: "il est peu probable que l’obtention d’une place en crèche ait permis à plus de 5% des mères qui en ont bénéficié de ne pas interrompre leur carrière", peut-on lire.

Seulement 8000 mères auraient conservé ou retrouvé une activité

"Au mieux, grâce aux plans nationaux conduits entre 2000 et 2016, 8000 mères de jeunes enfants auraient ainsi conservé ou retrouvé une activité professionnelle en 2016, alors qu’elles auraient interrompu leur carrière dans la situation qui prévalait en 2000", souligne l'Insee. Bref, le bilan est plutôt maigre.

Le bond des places disponibles n'a pas permis "d’augmenter significativement leurs revenus salariaux, ni d’interrompre moins souvent leur carrière, ni de travailler à temps moins partiel ou dans des emplois mieux rémunérés, bien que ce soient elles, et non les pères, qui ajustent leur offre de travail du fait des contraintes liées à l’arrivée d’un enfant", peut-on lire.

Comment expliquer ce constat? Selon l'Insee, "l’effet essentiellement nul de l’obtention d’une place sur la situation sur le marché du travail s’expliquerait par une allocation des places aux familles dans lesquelles les mères ne souhaitent pas interrompre leur carrière même si elles ne bénéficient pas d’une place en EAJE.

Traduction: les commissions d'attribution priviligieraient les familles déjà bien insérées professionnellement. Le mécanisme d'allocation de places tendrait donc à privilégier les demandes des familles pour lesquelles l'effet sur l'emploi "s’avère le plus faible, en accordant, par exemple, la priorité aux familles dans lesquelles les deux parents travaillent à temps plein". Une situation assez paradoxale car ces mêmes commissions ont des consignes pour favoriser les populations les plus fragiles.

Pour autant, dans son étude, l'Insee avance que "les familles pour lesquelles l’effet pourrait être plus fort demanderaient moins de places en crèche, par exemple du fait de préférences différentes".

En fait, l'Insee fait le constat que les familles les plus à mêmes de demander une place en crèche afin de renouer, pour la mère, avec un emploi rémunéré, ne le font pas car elles considèrent que reprendre un travail serait finalement plus coûteux en frais de garde. Ces mères de famille préfèrent donc renoncer à retourner sur le marché du travail.

Baisse sensible de la demande en gardes à domicile

En réalité, la seule conséquence visible de l'augmentation des places dans les EAJE est la baisse sensible de la demande pour les assistantes maternelles et les gardes à domicile.

Quatre ans après une forte augmentation de la capacité d’accueil des EAJE, "le nombre d’heures rémunérées d’assistantes maternelles et de garde à domicile, a reculé de 13 points dans les 10% de communes où les augmentations annuelles des places en EAJE ont été les plus importantes entre 2007 et 2015".

"La substitution entre solutions d’accueil du jeune enfant est donc presque totale", résume l'auteur de l'étude.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business