BFM Business
International

Vincent Bolloré pourrait finalement échapper à un procès pour corruption en Afrique

La reconnaissance de culpabilité de l’homme d’affaires a été annulée par la Cour de Cassation. Toujours mis en examen, son renvoi en correctionnel s’avère désormais incertain.

La justice avait Vincent Bolloré entre ses mains et l’a laissé filer. Fin novembre, la Cour de Cassation a rendu un arrêt qui donne une occasion inespérée à l’homme d’affaire d’échapper à un procès pour corruption. Elle a ordonné l’annulation de tous les actes de reconnaissance de sa culpabilité qu’il avait signés en 2021 avec le Parquet national financier (PNF).

Le dossier, vidé d’une partie essentielle de sa substance, "se dégonfle", reconnait une source judiciaire auprès de BFM Business. Le PNF va devoir rouvrir l’instruction et tentera de la boucler l’année prochaine. Mais désormais, "les poursuites judiciaires contre Vincent Bolloré sont incertaines", ajoute cette source.

Vincent Bolloré mis en examen pour "corruption"

Le patron du groupe Bolloré était mis en examen depuis 2018 pour "corruption" dans l’attribution de la concession portuaire de Lomé, au Togo. Il avait bénéficié d’avantages fiscaux alors qu’Havas, propriété de son empire, avait en parallèle sous-facturé des conseils au futur président Faure Gnassingbé lors de sa réélection en 2010.

Pour éviter un renvoi devant le Tribunal correctionnel, Vincent Bolloré avait accepté en 2021 de comparaître sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Une sorte de "plaider-coupable" à la française qui lui évitait des poursuites pénales.

"Au départ, il ne voulait pas cette solution, estimant que le dossier judiciaire était vide, explique un de ses proches. Il s’est laissé convaincre pour tourner la page et laisser un empire sain à ses enfants".

À l’époque, Vincent Bolloré préparait sa succession en laissant les rênes à ses enfants: le groupe Bolloré à Cyrille et Vivendi à Yannick.

Un double "plaider-coupable"

En parallèle, le milliardaire breton avait accepté que son groupe, lui aussi mis en examen pour les mêmes faits, passe avec le Parquet national financier (PNF) une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP). Là aussi, un "plaider-coupable" qui, en contrepartie d’une amende de 12 millions d’euros, a évité au groupe Bolloré d’être poursuivi en justice.

Ces deux accords, importants pour le Parquet, devaient être validés par le Tribunal judiciaire de Paris.

"L’institution judiciaire nous avait pleinement assuré que les accords seraient homologués", explique Olivier Baratelli, l’avocat de Vincent Bolloré.

Mais le jour de l’audience, le président du Tribunal Stéphane Noël s’est désisté, laissant sa place à la vice-présidente. Isabelle Prévost-Desprez a alors cassé cet accord, validant la transaction avec le groupe Bolloré mais refusant celle de son propriétaire, estimant qu’un procès était "nécessaire". "On s’est fait avoir", regrette un proche du milliardaire.

Bolloré espère un non-lieu

Sauf que la décision d’Isabelle Prévost-Desprez risque de ne servir à rien et Vincent Bolloré pourrait échapper à la justice. Il a saisi la Cour de Cassation qui vient, il y a une semaine, de confirmer la procédure de sa mise en examen. Mais elle a ordonné le retrait de toutes les pièces de son "plaider-coupable" puisqu’il n’a pas été validé.

"C’est retour à la case départ de l’instruction. Nous pourrons alors demander un interrogatoire pour réexpliquer notre position, ajoute Olivier Baratelli. Sur le fond du dossier je suis serein." Il estime que les avantages fiscaux dont a bénéficié Bolloré existaient avant les conseils réalisés par Havas auprès du président togolais. Le PNF va donc devoir relancer une instruction sans son élément majeur.

"Il n’y a plus de reconnaissance des faits de Vincent Bolloré donc ça handicape le dossier, reconnait une source judiciaire. Les soupçons sont forts pour les deux premiers dirigeants, moins pour lui."

En effet, le dossier dispose d’éléments sur l’implication du directeur général du groupe Bolloré à l’époque des faits, Gilles Alix, et du directeur international d’Havas, Jean-Philippe Dorent. Eux pourraient être renvoyés devant le Tribunal correctionnel alors que Vincent Bolloré pourrait y échapper. "Un non-lieu serait la décision la plus logique", veut croire son avocat.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business