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Quels sont les enjeux économiques de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron aux Etats-Unis?

Prix du gaz américain exporté, protectionnisme renforcé avec 369 milliards de dollars d'argent public... Les Européens ont des reproches à faire à la politique menée par les Américains. Et le président français compte bien obtenir des concessions de son homologue américain.

Emmanuel Macron entame ce mercredi sa deuxième visite d’Etat à Washington. Et parmi les enjeux de ce voyage officiel, les questions économiques seront centrales. Parce qu’en la matière, les Européens ont quelques reproches à faire à la politique menée par les Américains. Et le président français compte bien les rappeler à son homologue américain.

Il y a d’abord le prix du gaz américain exporté en Europe, bien plus élevé que celui vendu localement aux industriels américains. Sur ce sujet, le président américain pourra rétorquer que la fixation des prix de marché n’est pas de son ressort. Mais sur la deuxième pomme de discorde, les mesures protectionnistes de l’Inflation Reduction Act, sa responsabilité est, en revanche, pleine et entière. Il s’agit d’une des mesures phares de son administration, votée en août avant les élections de mi-mandat.

369 milliards de dollars d'argent public

Dans l'inflation reduction act, plan colossal qui comme son nom l’indique vise à réduire l’inflation, on trouve des nouveautés d’ordre fiscal, avec notamment l’instauration d’un taux minimum de l’impôt sur les sociétés de 15%, des mesures destinées à faire baisser le prix des médicaments et des aides financières qui visent à accélérer la transition écologique et à protéger l’économie américaine en favorisant la souveraineté nationale.

Sans rentrer dans le détail, on retiendra que les 369 milliards de dollars d’argent public que Joe Biden a prévu de dépenser profiteront prioritairement aux entreprises américaines ou du moins à celles qui jouent la carte du "made in USA". On peut prendre un exemple concret: pour bénéficier de l’aide à l’achat d’une voiture électrique qui peut atteindre jusqu’à 7500 dollars, les automobilistes américains devront choisir un modèle produit aux Etats-Unis et dotée d’une batterie elle-même "made in USA".

Safran renonce à un projet français et veut investir outre-Atlantique

Cette manne américaine va évidemment peser sur les décisions d’investissements des grands groupes européens comme américains. Certains ont déjà commencé à revoir leur stratégie en la matière. Safran, par exemple, a mis entre parenthèses son projet de quatrième usine à Feyzin (Rhône) en raison de la flambée des prix de l’énergie, tout en annonçant l’accroissement de ses capacités dans ses sites à l’international, notamment aux Etats-Unis.

Northvolt, qui devait installer une usine de batteries en Allemagne y a renoncé, préférant une localisation aux Etats-Unis où ce groupe suédois va pouvoir bénéficier les grosses subventions que lui garantit l’IRA. Volkswagen va investir 7 milliards de dollars pour produire des SUV dans le Tennessee. Et BMW, va injecter 1,7 milliard de dollars dans son usine de Spartanburg (Caroline du Sud).

Macron veut décrocher des exemptions comme le Canada et le Mexique

Pourtant, le protectionnisme assumé par l’administration Biden vise avant tout la Chine, les Européens n’étant que des victimes collatérales. L’objectif d’Emmanuel Macron est donc de convaincre Joe Biden de faire un geste. S’il est impossible que Joe Biden accepte de réviser le volet protectionniste de sa grande loi, à l’Elysée on espère au moins quelques accommodements permettant à des industriels européens de ne pas être logés à la même enseigne que les Chinois.

D’autant que le président français a quelques arguments à faire valoir. A commencer par le fait que le Canada et le Mexique ont, eux, déjà obtenu des exemptions pour leurs industriels. Et puis, il y a cette idée défendue par Emmanuel Macron depuis plus d’un mois, le Buy European act. Cette idée très française (Nicolas Sarkozy en avait fait son cheval de bataille lorsqu’il était Président) limite le protectionnisme aux marchés publics, la préférence européenne devant devenir la règle au sein de l’UE.

Mais ce rêve élyséen paraît difficile à gagner. Avec une commission européenne dubitative, des Allemands qui jugent dangereux pour leur modèle économique toute entrave à la liberté du commerce mondial et des pays européens dont la proximité géographique avec la Russie les incitent à ne rien faire qui pourrait fâcher leur premier protecteur sur le plan militaire, les Etats-Unis.

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco