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Les Etats-Unis vont reclassifier certains travailleurs indépendants en employés

La mesure suit une tendance européenne, et concerne notamment les travailleurs des plateformes de livraison ou de transport.

Une question de statut loin d'être anodine : le gouvernement américain a présenté mardi un nouveau texte qui élargirait les critères d'appréciation du statut d'un travailleur et pourrait entraîner la reclassification d'indépendants en employés, avec un impact significatif sur la nouvelle économie des petits boulots ("gig economy").

Le nouveau cadre réglementaire, qui va être soumis à consultation jusqu'à fin novembre, revient sur la nomenclature définie sous l'administration Trump, qui était considérée comme plus restrictive et serait remplacée par ce nouveau texte. La formule proposée par le gouvernement du président américain Joe Biden s'appuie sur une approche multi-critères, qui comprend notamment la durée de la relation avec l'entreprise et le degré de contrôle que la société exerce sur le travailleur.

La reclassification en tant qu'employé permet notamment à un travailleur de bénéficier de garanties en matière de salaire minimum et de temps de travail.

"Nous pensons que ce nouveau règlement protégerait mieux les travailleurs d'une classification erronée", a expliqué Jessica Looman, du ministère américain du Travail, lors d'un point de presse."

Le texte n'aurait pas de valeur contraignante, à la différence d'une loi, et servirait de référence aux entreprises mais aussi aux tribunaux en cas de contentieux.

"Travail dissimulé" en France

Le statut de travailleur indépendant a été largement utilisé par les plateformes et opérateurs de la nouvelle économie des services, de la livraison de repas aux chauffeurs de véhicules de tourisme (VTC), mais cette classification est de plus en plus régulièrement remise en cause.

En Europe, des décisions de justice l'ont sanctionnée, comme en France, où plusieurs sociétés ont été condamnées pour "travail dissimulé".

En Californie, berceau de la "gig economy", l'économie du service à la demande, le plus souvent avec des sociétés technologiques jouant le rôle d'intermédiaires, une loi adoptée en 2019 avec effet début 2020 a nettement facilité la classification d'un travailleur comme employé.

En 2020, un texte soutenu par les grandes plateformes de VTC comme Uber ou Lyft et adopté par référendum a cependant exempté les chauffeurs de la loi californienne de 2019.

Pour Dan Ives, analyste de Wedbush Securities, la proposition soumise mardi par le ministère du Travail "est un coup direct porté à la "gig economy" et une source d'inquiétude à court terme pour les Uber et autres Lyft.

"Une reclassification (des chauffeurs comme) employés bouleverserait leur modèle économique et entraînerait des changements structurels majeurs", a-t-il ajouté dans une note.

A la Bourse de New York, les cours des géants de cette nouvelle économie des services ont dévissé après la présentation du texte. Uber a perdu 10,42% sur une seule séance, Lyft, 12,02% et la plateforme de livraison de repas DoorDash, 5,99%.

Dans un communiqué, Lyft a affirmé que la nouvelle nomenclature proposée par le gouvernement "ne (reclassait) pas les chauffeurs Lyft comme employés" et "ne (forcerait) pas (la plateforme) à changer de modèle économique".

L'esprit de ce nouveau cadre est proche, a souligné le groupe, de celui utilisé par le gouvernement de Barack Obama, "qui n'avait pas entraîné une reclassification des chauffeurs".

"Les changements proposés par le ministère du Travail vont augmenter de façon significative les coûts des entreprises, tous secteurs confondus, et accélérer l'inflation, déjà rampante", a de son côté réagi David French, de la Fédération du commerce de détail (NRF), dans un communiqué.

VG avec AFP